Vers un mouvement politique autonome des quartiers populaires en France…

Un Front Uni Politique Autonome des Quartiers Populaires et des Immigrations pour défendre les intérêts et les droits moraux, civiques, matériels, culturels, sociaux, économiques et politiques des habitantes et des habitants qui y vivent.

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Lors du der­nier Forum social des quar­tiers popu­laires tenu les 11 et 12 novembre 2011 à l’u­ni­ver­si­té de Saint-Denis, en France, plu­sieurs asso­cia­tions, mou­ve­ments ou par­tis ont débat­tu d’une pro­blé­ma­tique qua­si-exis­ten­tielle : s’u­nir ou subir d’a­bord, puis elle s’est trans­for­mée au fur et à mesure en s’u­nir ou mourir.

D’emblée, le ton est don­né, il sera celui de la pros­pec­tive afin d’en­vi­sa­ger concrè­te­ment la créa­tion d’un mou­ve­ment auto­nome qui fera conver­ger toutes les luttes spé­ci­fiques des acteurs pré­sents au forum. De plus, tous les par­ti­ci­pants, il faut le noter, ont expri­mé le sou­hait de dépas­ser leurs que­relles du passé.

Durant les échanges, on a pu s’a­per­ce­voir qu’il y avait conver­gence, à quelques nuances près, sur le constat qu’au­cune orga­ni­sa­tion pré­sente ne peut pré­tendre se suf­fire à elle-même et sur l’ur­gence de fédé­rer toutes les forces dans un mou­ve­ment autonome.

Une décla­ra­tion com­mune [[Décla­ra­tion com­mune des par­ti­ci­pant-e‑s à la troi­sième ren­contre des luttes de l’immigration

lun­di 28 novembre 2011, par F.S.Q.P.

Le dimanche 27 novembre 2011 à Créteil.

Depuis des décen­nies les habi­tant-e‑s des quar­tiers popu­laires et les popu­la­tions issues des immi­gra­tions sont inju­riées, humi­liées, mépri­sées, ins­ti­tuées comme enne­mi de l’intérieur.

Mais qu’on ne se trompe pas, nous sommes exploi­té-e‑s, mais non sou­mis-e‑s, oppri­mé-e‑s mais non rési­gné-e‑s, domi­né-e‑s mais non domp­té-e- s.

Des résis­tances existent, mais sont épar­pillées, les mobi­li­sa­tions sont mul­tiples mais invi­sibles, les com­bats ne sont pas nou­veaux mais insuf­fi­sants à chan­ger réel­le­ment le rap­port de force.

Cette situa­tion catas­tro­phique de nos quar­tiers popu­laires est nous le savons liée à notre absence d’auto-organisation coor­don­nées pour nos quar­tiers popu­laire visible au niveau natio­nal, capable de pro­duire les rap­ports de force sans lequel rien ne peux changer.

Elle est liée à la confis­ca­tion de notre parole par les orga­ni­sa­tions et par­tis poli­tiques qui ne connaissent rien de notre situa­tion, qui la tra­ves­tissent, l’instrumentalisent, l’euphémisent.

Pour toutes ces rai­sons les pré­sent-e‑s à l’assemblée s’entendent sur la néces­si­té du pas­sage au poli­tique pour :

peser sur le rap­port de force, par des mobi­li­sa­tions mili­tantes com­munes sur l’ensemble du territoire ;

dénon­cer et démas­quer de manière com­mune toutes les attaques et ten­ta­tive de récu­pé­ra­tion de notre situa­tion et de notre combat ;

Etre pré­sent pen­dant les pro­chaines cam­pagnes électorales ;
Pré­pa­rer les pro­chaines étapes de notre construc­tion politique.

Pour assu­rer cette néces­si­té du pas­sage au poli­tique les débats ont débou­ché sur 2 options :

La créa­tion immé­diate d’un mou­ve­ment poli­tique sus­cep­tible de repré­sen­ter les inté­rêts des QP et des Immi­gra­tions. Pour les par­ti­san-ne‑s de cette option la situa­tion d’urgence jus­ti­fie ce pas­sage. Pre­mière réunion le 17/12/2011 à Créteil).

La fon­da­tion d’un Front Uni des Immi­gra­tions et des Quar­tiers Popu­laires qui n’a pas voca­tion à rem­pla­cer les orga­ni­sa­tions exis­tantes mais d’être l’expression poli­tique de notre expres­sion com­mune. Pre­mière réunion le 18/12/2011 à Bagnolet.

Ces deux options ne sont pas contra­dic­toires, mais reflètent l’état de notre situa­tion et de nos débats.

Ces deux options conti­nue­ront à être débat­tues entre nous, elles seront toutes les deux mises en œuvre par leurs par­ti­san-ne‑s respectifs.

Ensemble nous tire­rons le bilan de ces deux expé­riences. C’est dans l’action que naî­tra la forme d’organisation adéquate.

Pré­sent-e‑s : Boua­ma­ma Saïd, Bena­meur Nora, Badaoui Kamel, Kaw­ta­ri Tarek, Ech-Che­toua­ni Zou­hair, Koko­reff Michel, Lou­nis Moha­med et Lou­nis Mali­ka, Had­ji Fat­ma-Zoh­ra, Hes­sas Kha­dra, Kriens Samia, Mech­ta Bes­ma, Sadaoui Nadia, Bena­tia Abdel­lah, Bou­hal­li Rajette, Bou­hal­li Hen­da, Slaou­ti Omar, Sofi Abdel­ka­der, Mali­ka-San­drine Char­le­magne, Khé­li­fi Ama­ra, Kut­lu Evrim, Khé­li­fi Fati­ha, Goma Ban­thoud, Tahi­ri Mou­lay , Bouad­ma Has­sen, Deneux G, Man­geot Odile, Zer­kaoui Atman, Chik Michaël, Dar­ceaux Chris­tian, Cop­pin Noé­mie, Ben­saa­da Moha­med, Kla­bi Tarek, Chaam­bi Abde­laz­ziz, Yous­sef Girard, Achour Nad­jib, Devigne Vincent, Chet­ty Jani­na Rani, Marie-Cécile Pla, Cathe­rine Krc­mar, Driss Nabi, Lie­dri Ahmed, Mou­ha­jer Ahmed, Bous­shour Issam-Eddine, Joh­sua Nico, Sami­ra Bel­fa­quih, Ama­ra Khe­li­fi, Ber­ra­houi Safia, Mili­zi Fati­ha, Ilde­fonse Niguèle, Faj­ry Adil, Djaa­fri Saïd, Atia Abdel­ka­der, Moham­ma­di Mus­ta­pha, Yadel Zoh­ra, Karim Mes­saou­di, Ali­ma Bou­me­diene, Has­na Abid, Karim Taha­rount, Samir Hadj Bel­ga­cem, Amghar Rachid, Med­dour Zoui­na, Kos­kos­si Nabil, Djo­li Moko­ka, Mos­te­faoui Fati­ma, Hadj-Chikh, Mos­te­faoui Nad­j­ma, Ghares Mou­nir, Cher­fi Che­rif, Mech­mache Moha­med, Deh­li Abdel, Ben­naï Farid , Ahcen Mehar­za, Hedi Akka­ri, Zar­guit Ali, Deh­bi Fadi­la, Traore Bila, Bou­teld­ja Hou­ria, Mez­zine Has­san, Bous­sou­mah Yous­sef, Aït Moha­med Abd-El-Kader, Phi­lippe Robin.
]] a été éla­bo­rée par tous les par­ti­ci­pants lors de ce Forum en vue d’un éven­tuel accord lors des troi­sièmes ren­contres natio­nales des luttes de l’im­mi­gra­tion les 25, 26 et 27 novembre 2011. Pour l’ins­tant, il y a une dyna­mique de ras­sem­ble­ment qui est posi­tive et mature, nous sen­tons que c’est l’oc­ca­sion his­to­rique pour la réa­li­ser. Cepen­dant, le ras­sem­ble­ment reste fra­gile mal­gré tout et il fau­dra beau­coup de cou­rage, de sin­cé­ri­té et de prag­ma­tisme pour créer ce mou­ve­ment tant attendu.

J’ai­me­rais dres­ser, dans mon pro­pos, une liste non exhaus­tive des écueils et des pro­blèmes qui pour­raient se pré­sen­ter devant cette magni­fique marche en avant. Nous devrons les résoudre serei­ne­ment et métho­di­que­ment, sans sur les sur­es­ti­mer et sans les nier.

Pro­blème de leadership

Dans un pas­sé très proche, on a pu obser­ver entre les lea­ders des mou­ve­ments des quar­tiers popu­laires de la dure­té dans leurs rap­ports. Une culture de l’a­na­thème pros­pé­rait et qui consis­tait à déni­grer les efforts ou les com­bats de l’autre sous pré­texte d’un désac­cord sur le fond ou encore la hié­rar­chi­sa­tion des prio­ri­tés. Il fau­dra, dans le cadre du mou­ve­ment auto­nome, créer un cli­mat de res­pect, une éthique du désac­cord entre mili­tants car si nous vou­lons réfor­mer la socié­té fran­çaise, nous devrons d’a­bord nous réfor­mer indi­vi­duel­le­ment et collectivement.

Pro­blème des spé­ci­fi­ci­tés des luttes

Toutes les orga­ni­sa­tions ont des spé­ci­fi­ci­tés sin­gu­lières qui fondent leur iden­ti­té et cela est posi­tif puisque les luttes gagnent en pro­fon­deur et en per­ti­nence. Le pro­blème de toute spé­ci­fi­ci­té est que l’on peut perdre de vue une vision glo­bale de la situa­tion et des enjeux. Ce mou­ve­ment auto­nome pour­ra être le garant de cette vision glo­bale à la condi­tion qu’il ne noie pas toutes ces luttes spé­ci­fiques dans des géné­ra­li­tés. Une posi­tion du juste milieu s’im­pose afin que tous les acteurs puissent conti­nuer à défendre leurs luttes spé­ci­fiques et faire que celles-ci, à tra­vers le mou­ve­ment auto­nome, s’in­sèrent dans un pro­jet poli­tique global.

Pro­blème de transmission

Au sein de nos quar­tiers popu­laires, il y a carence en matière de trans­mis­sion de mémoires, de luttes qui ont engen­dré et engendrent tou­jours le phé­no­mène des géné­ra­tions spon­ta­nées. Elles partent de rien, n’ont rien reçu en héri­tage « mili­tant » et sou­vent elles s’es­soufflent pour finir par dis­pa­raître. Au sein du mou­ve­ment auto­nome, il va fal­loir capi­ta­li­ser sur toutes les nou­velles éner­gies qui veulent s’in­ves­tir dans le champs poli­tique et leur faire une place afin qu’elle puissent avoir un espace d’ex­pres­sion pour leurs reven­di­ca­tions spé­ci­fiques. Il en va de l’é­lar­gis­se­ment de la base mili­tante du mou­ve­ment. De plus, ce tra­vail de trans­mis­sion des mémoires et des dif­fé­rentes luttes per­met­tra à la nou­velle géné­ra­tion de s’en­ga­ger en ayant des « modèles ins­pi­rants » fran­co-fran­çais ain­si que de com­prendre, aujourd’­hui, la néces­si­té et la per­ti­nence d’un mou­ve­ment autonome.

Pro­blèmes des idées et de la pensée

Ce mou­ve­ment auto­nome fon­dé par des per­sonnes qui ont, à la fois, des cultures poli­tiques et des réfé­rences idéo­lo­giques dif­fé­rentes se doit d’é­la­bo­rer une pen­sée poli­tique auto­nome. Elle devra la construire de plu­sieurs manières simultanées :

- théo­ri­ser les expé­riences politiques,

- débattre entre les membres fon­da­teurs et la base militante,

- lais­ser cours à l’ins­pi­ra­tion et la créa­ti­vi­té des militants,

- entre­te­nir une dia­lec­tique entre les actions et les réflexions : un va-et-vient permanent.

Être réel­le­ment un mou­ve­ment auto­nome poli­ti­que­ment implique de retrou­ver une auto­no­mie dans nos idées et nos pensées.

Pro­blème politique

Comme le rap­pe­lait Said Boua­ma­ma, il y a peu de pro­jec­tion stra­té­gique dans nos quar­tiers popu­laires et il fau­dra pen­ser au sein de ce mou­ve­ment auto­nome les orien­ta­tions qu’on lui donne et les stra­té­gies poli­tiques qu’on lui définit.

Quelles types d’al­liances ? Avec quelles for­ma­tions poli­tiques ? Doit on com­men­cer nos actions aux niveaux natio­nale ou locale ou les deux ? Doit on se consti­tuer en par­ti politique ?

De tout évi­dence, ce mou­ve­ment auto­nome devra conce­voir un pro­jet poli­tique clair dans ses prin­cipes, ses objec­tifs, ses orien­ta­tions et ses stratégies.

Pro­blème économique

L’argent est un nerf impor­tant de la guerre, les acteurs du Forum peuvent en témoi­gner. Tous ont fait des sacri­fices finan­ciers et per­son­nels qui finissent par user leur moti­va­tion mili­tante. Ce mou­ve­ment auto­nome doit pré­pa­rer un plan d’au­to­no­mie éco­no­mique, c’est-à-dire trou­ver des moyens qui lui garan­tissent sa péren­ni­té et son indé­pen­dance mais éga­le­ment qui puissent sub­ve­nir aux charges finan­cières (per­ma­nents, frais de fonc­tion­ne­ment, etc…) afin de gagner en effi­ca­ci­té et en pro­fes­sion­na­lisme. Il est urgent de mettre en place une poli­tique de dons et de mécé­nats et d’en­vi­sa­ger la créa­tion de socié­té ou de coopé­ra­tives par exemple.

L’au­to­no­mie du mou­ve­ment se gagne­ra véri­ta­ble­ment sur trois plans :

- poli­tique : avoir notre propre mouvement,

- pen­sée : avoir nos propres idées,

- éco­no­mique : avoir nos propres moyens.

Après cette décla­ra­tion com­mune de ces dif­fé­rentes orga­ni­sa­tions, la dyna­mique doit conti­nuer à aller de l’a­vant même si le che­min sera encore long et qu’il sera semé d’embûches, l’en­jeu his­to­rique en vaut la peine. À vous de jouer…

Jamel El Ham­ri est étu­diant en mas­ter civi­li­sa­tion musul­mane UOC / IIIT France.

Plus d’in­fos : Luttes de l’immigration

FSQP

Source : contre­temps