Le racisme dans les soins de santé. Une fin de vie en dignité est une question universelle, mais les soins appliqués sont souvent d’ordre culturelle et souvent négligées lorsqu’il s’agit de seniors étrangers.
"Le film Kotosa montre que les soins interculturelles ne sont pas neutres, il n'est pas un ensemble de trucs et astuces, il ne s'agit pas de compétences, les soins interculturelle c'est surtout une attitude. Le film ne porte pas seulement sur "la culture des concitoyens subsaharienne '.. mais porte aussi à notre culture de l'aide et de soins'.", le film vous emmène comme travailleur social hors de votre zone de confort. Cela le rend très fort ". Stef Plysier
Réflexions sur le film KOTOSA
Aujourd’hui, plus qu’hier, la présence des seniors d’origine africaine est remarquable à Bruxelles et en Belgique en général. Elle est due d’une part au vieillissement de la population immigrée et d’autre part à l’immigration des personnes âgées. Ce film attire l’attention sur les problèmes liés au vieillissement et à la prise en charge des seniors d’origine africaine en Belgique. Il me semble original pour deux raisons : premièrement, il donne la parole au personnel soignant d’origine africaine et deuxièmement, ce personnel, par une succession des témoignages inédites et parfois anonymes, jette un regard critique sur les rapports entre le monde médical et les seniors d’une part et d’autre part entre la société et la personne âgée.
La société semble très peu valoriser la personne âgée. Est souvent idéalisée notamment dans les média la beauté de la jeunesse. La vieillesse par contre n’attire pas. Considéré comme un être dépendant, la personne âgée est négligée, rejetée et « enfermée » dans les maisons de repos où elle n’attend plus que la fin de ses jours. Elle vit ici dans l’isolement, le stress, la dépression… Elle est parfois l’objet de maltraitance. A cela s’ajouteraient les difficultés financières, d’adaptation alimentaire et de communication particulièrement pour les seniors d’origine africaine.
Pourtant en Afrique, la personne âgée vit dans la communauté. Elle joue un rôle social. Elle est un facteur de régulation des relations sociales conflictuelles ; elle est le réservoir et l’agent de transmission de la tradition aux jeunes générations ; elle est la mémoire vivante… C’est à juste titre qu’elle est qualifiée de bibliothèque vivante et de baobab où les jeunes viennent s’abriter et se ressourcer en sagesse et expérience de vie.
En ce qui concerne les rapports entre le monde (para)médical et la personne âgée, il a été observé des actes et comportements de discrimination, voire de racisme à l’égard du personnel soignant d’origine africaine (les seniors qui ont refusé de se faire traiter par lui, le personnel africain qui ne travaille que la nuit…) et à l’égard des patients d’origine africaine (ces patients sont dirigés vers le personnel traitant d’origine africaine ou reçus en dernier lieu). Cette différence de traitement serait une conséquence de l’idéologie coloniale qui considérait l’africain comme étant un être inférieur.
Il a été aussi fait mention des actes de violence verbale et physique dont les seniors sont l’objet de la part du personnel soignant. Pareils actes et comportements portent gravement atteinte à la déontologie médicale.
Enfin, la conception de la maladie est un autre aspect à prendre en compte dans le traitement et la prise en charge des séniors d’origine africaine. Ceux-ci considèrent la maladie comme étant un dysfonctionnement de l’organisme humain dont la cause peut être physique, psychologique ou spirituelle. La maladie serait essentiellement la conséquence de la rupture des relations harmonieuses avec les humains, les ancêtres et les forces invisibles. La santé relèverait du bien tandis que la maladie, voire la mort du mal. Face à cette conception dualiste, il est nécessaire de collaborer avec d’autres professionnels tels que les médiateurs interculturels, les pasteurs, les leaders de communauté…
A cause de toutes les expériences négatives précédentes, beaucoup de personnes d’origine africaine ne souhaiteraient pas passer leurs vieux jours en Belgique. Quant aux seniors, ils y restent par nécessité, principalement pour des raisons médicales.
Quels enseignements peut-on tirer de ce film ?
1) Ce film suscite la réflexion sur la diversité dans le monde médical, due à la rencontre des cultures. Notre société devient de plus en plus diverse. On parle même de super-diversité et bientôt d’hyper-diversité. L’offre des soins de santé devrait prendre en compte cette réalité ;
2) Le personnel soignant d’origine étrangère, les (figures-clés des) communautés immigrées devraient participer à la réflexion concernant l’adaptation de cette offre des soins de santé ;
3) Les problèmes liés à la vieillesse ne concernent pas seulement les seniors d’origine africaine, mais plutôt les seniors en général. Notre société doit réapprendre à vivre avec les personnes âgées. La qualité de la vie au sein d’une communauté doit aussi se mesurer par la manière dont les aînés y sont traités. Il est question ici de vivre ensemble, non seulement avec les personnes de différentes cultures, mais aussi avec les personnes de différentes générations.
4) Enfin, les personnes âgées sont un exemple et une référence pour les jeunes. Ils méritent respect. Tel est la signification du mot Kotosa, à savoir respect, mieux, respecter. Comme dit dans le film, la personne âgée peut aussi affirmer : « Je n’aime pas qu’on me tolère, je préfère qu’on me respecte ».
Par Willy Musitu Lufungula