Alvaro Caceres, de l’ombre à la lumière vénézuélienne.

Ce qui reste à faire est tellement grand, pour consolider réellement la révolution, en tout cas du point de vue audiovisuel ! (...) il nous incombe de créer une industrie aussi forte que Disney, mais avec nos valeurs.

Si on se rap­pelle ces vers de Brecht « il y a ceux qui sont dans l’ombre et ceux qui sont dans la lumière, et l’on voit ceux qui sont dans la lumière et pas ceux qui sont dans l’ombre. », Alva­ro Caceres serait plu­tôt du genre « ombre ». Il y a plus de dix ans, avec sa com­pagne Blan­ca Eekhout, il était déjà à la manoeuvre pour jeter sur papier les grandes lignes de la révo­lu­tion média­tique. C’était l’époque de la pre­mière Assem­blée Consti­tuante (1999 – 2000), une ère très mili­tante où nous avions juste assez en poche pour payer l’autobus et sillon­ner le pays, où on ne par­lait pas autant de la « révo­lu­tion boli­va­rienne ». Blan­ca et Alva­ro tiraient déjà des plans sur la comète, ima­gi­nant une chaine de télé­vi­sion lati­no-amé­ri­caine, des satel­lites sou­ve­rains, des lois pour pro­té­ger les médias popu­laires, des stu­dios pour l’industrie natio­nale du ciné­ma, une loi libé­rant la pro­duc­tion indé­pen­dante du mono­pole pri­vé… Rêves deve­nus aujourd’hui réa­li­tés, mal­gré le coup d’État patro­nal contre le pré­sident Cha­vez en 2002, qui obli­gea nos amis a entrer briè­ve­ment en clan­des­ti­ni­té. Blan­ca est aujourd’hui dépu­tée de l’État rural de Por­tu­gue­sa et seconde Vice-pré­si­dente de l’Assemblée natio­nale. Alva­ro pour­suit son tra­vail de pro­duc­teur audio­vi­suel indé­pen­dant. C’est dans les stu­dios de sa com­pa­gnie Alba­tros, en plein quar­tier de la Can­de­la­ria à Cara­cas, que je l’ai retrou­vé en ces pre­miers jours de décembre 2012.

T.D.

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Alva­ro Caceres dans les stu­dios de sa com­pa­gnie « Alba­tros », Cara­cas, décembre 2012.

Thier­ry Deronne — Alva­ro, dans ces quinze ans de lutte, quels faits t’ont le plus marqué ?

Alva­ro Caceres — Deux en par­ti­cu­lier. Le pre­mier fut l’approbation de la Loi de Res­pon­sa­bi­li­té Sociale des Médias. L’autre, ce fut la reprise de la chaîne 8 (VTV) durant le coup d’État. Ces deux choses sont liées. Tu vois, nous vivons une révo­lu­tion – j’ignore com­ment ont pro­cé­dé celles du siècle pas­sé – impos­sible à mener sans une arme média­tique, sans les médias elec­tro­niques, infor­ma­tiques, radio-élec­triques, outils indis­pen­sables pour créer une nou­velle manière de voir le monde. Après toutes ces années, je me rends compte davan­tage encore qu’une révo­lu­tion est une nou­velle manière de per­ce­voir, de conce­voir, d’interpréter, de com­prendre le monde, et notam­ment de créer un ciné­ma dif­fé­rent. Pour la majo­ri­té, ce chan­ge­ment s’opère à tra­vers la communication.

Quand nous cir­cu­lions dans Cara­cas il y a vingt ans, dans nos voi­tures ou dans les auto­bus, nous ne voyions rien, nous ne voyions que « Cara­cas », nous ne com­pre­nions pas, ce que nous voyions nous parais­sait nor­mal : les col­lines pleines de baraques, de bidon­villes. « Nor­mal » parce que cela parais­sait impos­sible a chan­ger. La par­ti­cu­la­ri­té de Cha­vez est que lui, le « voyait » et que cela lui fai­sait mal et qu’il savait qu’il était pos­sible de chan­ger l’état des choses. Et com­ment nous a‑t-il com­mu­ni­qué cette manière de voir le monde ? Par le biais des médias radio-élec­triques sur­tout.. la majo­ri­té des gens n’ont jamais par­lé per­son­nel­le­ment à Cha­vez, le contact s’est fait par les médias radio-élec­triques, tous les « allo pre­si­dente » étaient des cours d’économie, d’Histoire.
Rom­pant le silence impo­sé par les médias put­schistes sur la résis­tance popu­laire, la reprise de la chaîne 8 (VTV) reste dans les mémoires comme cette image. En régie, invi­sibles, les tech­ni­ciens-arti­sans de ce ral­lu­mage furent entre autres Alva­ro Caceres, Blan­ca Eekhout et Angel Palacios…

la_historica_imagen_de_vtv.jpgRom­pant le silence impo­sé par les médias put­schistes sur la résis­tance popu­laire, la reprise de la chaîne 8 (VTV) par une poi­gnée de mili­tants res­te­ra dans les mémoires à tra­vers cette image. En régie, invi­sibles, les tech­ni­ciens impro­vi­sés de ce ral­lu­mage furent, entre autres, Alva­ro Caceres, Blan­ca Eekhout et Angel Palacios…

Pour reve­nir à la reprise de la chaîne 8 en avril 2002, ce fut impres­sion­nant de voir com­ment le coup d’État a ces­sé au moment où nous avons repris le contrôle de l’unique chaîne d’Etat, qui avait été cou­pée par les put­schistes. Quand ses images sont reve­nues à l’écran, à ce moment pré­cis, le men­songe des médias pri­vés s’est effon­dré.. Depuis cette époque nous avons vécu une ascen­sion per­ma­nente, palier par palier. L’autre point mar­quant, ce fut un an plus tard, l’approbation de la Loi sur la Res­pon­sa­bi­li­té Sociale de la Radio et de la Télé­vi­sion, qui fut le moyen de bri­ser le mono­pole his­to­rique de deux ou trois chaînes de télé­vi­sion pri­vée – Vene­vi­sión, Radio Cara­cas et Tele­ven, qui à elles seules résu­maient à peu près la télé­vi­sion dis­po­nible au Vene­zue­la. Cette loi a créé la figure, comme alter­na­tive à ce mono­pole, du pro­duc­teur natio­nal indépendant.

La loi n’avait rien de nou­veau si on la com­pare aux cadres légaux exis­tants dans le monde entier : il s’agissait de sépa­rer l’opérateur (d’une fré­quence radio ou TV) du créa­teur indé­pen­dant, pour sor­tir de l’aberration du mono­pole ou de l’oligopole. Et comme les opé­ra­teurs tirent tout le béné­fice de la vente de leurs espaces à la publi­ci­té, qu’ils s’enrichissent grâce aux conces­sions qu’ils obtiennent sur le spectre radio-élec­trique public, fut créé le Fonds de Res­pon­sa­bi­li­té Sociale auquel ces opé­ra­teurs doivent contri­buer à hau­teur de leurs béné­fices publi­ci­taires. Le fonds sert à finan­cer les pro­jets des créa­teurs qui veulent tra­vailler indé­pen­dam­ment des médias pri­vés. D’autre part la loi éta­blit que sur le temps total de dif­fu­sion l’opérateur de radio ou télé­vi­sion doit dif­fu­ser six heures quo­ti­diennes de pro­duc­tion natio­nale indé­pen­dante. Cette loi a per­mis de bri­ser le mur qui enfer­mait la créa­ti­vi­té de tant de vénézuéliens.

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A l’heure du bilan, je te dirai que la liber­té implique une res­pon­sa­bi­li­té. Ce que je veux dire c’est que je sens que nous vivons, toutes pro­por­tions gar­dées, ce qu’ont vécu les afri­cains ou ce qu’ont vécu les amé­ri­cains quand Boli­var a décré­té la liber­té. Beau­coup d’entre eux rêvaient de cette liber­té mais quand ils l’ont obte­nue, ils se sont ren­du compte que son exer­cice était très dif­fi­cile, parce qu’il implique la nécees­si­té d’une crois­sance per­son­nelle. Si tu ne te réa­lises pas comme être humain tu ne peux pas exer­cer réel­le­ment cette liber­té. Le même phé­no­mène se pro­duit dans le sec­teur audio­vi­suel. La loi de Res­pon­sa­bi­li­té Sociale des médias fut une espèce de décret de libé­ra­tion audio­vi­suelle qui donne non seule­ment la liber­té mais les moyens de créer et de dif­fu­ser. Mais nous nous sommes retrou­vés dans la situa­tion de ne pas avoir la capa­ci­té, de ne pas nous être pré­pa­rés à exer­cer cette liber­té audiovisuelle.

Il y a une expli­ca­tion : au Vene­zue­la nous n’avions pas encore d’écoles de ciné­ma. Il y avait bien quelques centres de for­ma­tion uni­ver­si­taires mais tout ce que nous fai­sons aujourd’hui nous l’avons appris par nos propres moyens. Ce fut un pro­ces­sus d’essais et d’erreurs par­fois très dou­lou­reux. Récem­ment s’est ouverte l’Université Expé­ri­men­tale des Arts (UNEARTE) dont sortent à peine les pre­miers diplô­més, mieux pré­pa­rés que notre géné­ra­tion pour exer­cer cette liber­té de créa­tion audio­vi­suelle. Mieux pré­pa­rés tech­ni­que­ment. Peut-être pas idéo­lo­gi­que­ment car ce thème, comme le thème spi­ri­tuel, néces­site des années de matu­ra­tion. Mais mieux pré­pa­rés pour écrire des scé­na­rios, toutes ces choses qui pour moi en tout cas ont été si dif­fi­ciles à apprendre.

Si nous relions ces trois points : la reprise de contrôle de la chaîne 8 comme point final du coup d’État de 2002, l’approbation de la Loi de Res­pon­sa­bi­li­té Sociale de la Radio et de la Télé­vi­sion qui a mis fin aux mono­poles et libé­ré les pou­voirs créa­teurs audio­vi­suels, et l’expérience actuelle, dif­fi­cile, pleine d’obstacles, de dix ans d’exercice de la liber­té de créa­tion audio­vi­suelle, nous voi­ci à pré­sent face à la télé­vi­sion digi­tale qui mul­ti­plie les espaces de dif­fu­sion. Avec de plus en plus de films, de plus en plus de public pour le film véné­zué­lien, la ques­tion est : et main­te­nant ? Il faut créer un nou­vel ima­gi­naire. Nous ne ferons rien de cette liber­té audio­vi­suelle si nous ne fai­sons que répé­ter des pro­grammes fabri­qués ailleurs, en Aus­tra­lie ou aux États-Unis. Le poten­tiel de notre uni­vers audio­vi­suel s’est mul­ti­plié à une grande échelle mais pour moi le tra­vail, c’est de racon­ter nos his­toires, de racon­ter l’Histoire de notre propre point de vue comme dans le cas de notre film tiré de « Samuel et les choses » et de la série « Sucre Maré­chal d’Amérique ».

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T.D. – L’écrivain et pen­seur Domin­go Alber­to Ran­gel écri­vait que Sucre fut à Bolí­var ce que le Che fut à Fidel. Quel est ton point de vue sur Anto­nio José de Sucre ?

A.C. — Avec cette série sur Sucre (1795 – 1835) nous avons vou­lu racon­ter la pre­mière guerre d’indépendance. Au début de la guerre Anto­nio José de Sucre n’était qu’un jeune homme vivant à Cuma­na, un des plus petits vil­lages de l’Amérique du Sud. Mais il a assu­mé la tâche de par­ti­ci­per à la guerre, d’affronter l’occupant en embras­sant la cause répu­bli­caine jusqu’à en assu­mer les der­nières consé­quences. Son frère était appe­lé à jouer un rôle aus­si brillant, mais n’eut pas cette chance, il fut fusillé au milieu de la guerre, on l’oublie souvent.

Nous racon­tons cette his­toire de manière amu­sante, dyna­mique, inté­res­sante. Ici tu retrouves les divers élé­ments dont je t’ai par­lé : une chose est de conqué­rir la liber­té, une autre de l’exercer. Beau­coup de per­sonnes et de peuples ont échoué dans cette lutte non contre l’ennemi, mais contre eux-mêmes. Dans le cas de Sucre la liber­té fut d’abord conquise à feu et à sang, alors qu’aujourd’hui nous l’avons conquise à tra­vers un pro­ces­sus poli­tique, certes nous vivons un affron­te­ment de classes, par­fois violent, mais il s’agit d’une bataille d’idées que nous avons rem­por­tée dans les urnes. Cela dit nous nous sommes ren­dus compte lor du coup d’État contre Cha­vez, que si nous per­dions cette bataille, nous ne per­drions pas seule­ment les acquis mais la vie elle-même, comme cela fut le cas au Chi­li, ce n’est pas un jeu, l’Histoire nous l’enseigne.

Dans la pre­mière sai­son de la série « Sucre » nous racon­tons la situa­tion sociale au moment de la guerre de la pre­mière indé­pen­dance, au début du XIXème siècle. En menant l’enquête et la pro­duc­tion pour mon­ter cette série nous avons mesu­ré com­ment des per­sonnes qui vivent au para­dis sont capables de ris­quer de tout perdre dans une guerre. Der­rière ce para­dis appa­rent, la situa­tion d’esclavage, d’injustice, la ter­reur, la mort, firent que les gens se déci­dèrent à affron­ter l’empire espa­gnol. Nous pré­pa­rons les épi­sodes sui­vants qui se ter­mi­ne­ront avec la bataille d’Ayacucho, qui mar­qua la vic­toire finale du peuple sud-amé­ri­cain sur l’armée colo­niale espagnole.

La vie de Sucre est un exemple, un véhi­cule pour racon­ter la vie de tous ceux qui ont par­ti­ci­pé à cette geste de l’indépendance. Ce fut une expé­rience inté­res­sante qui nous a obli­gés à rele­ver le défi des nou­velles tech­niques d’animation digi­tale, d’un lan­gage plus com­plexe, c’est un pro­jet très coû­teux qui met au tra­vail une grande équipe sur une longue durée mais qu’a ren­du pos­sible le Fonds de Res­pon­sa­bi­li­té Sociale créé par la Loi pour appuyer des pro­jets de ce type. La plu­part des per­sonnes qui ont tra­vaillé sur ce pro­jet peuvent par la suite appor­ter leur expé­rience à d’autres pro­jets de long-métrages. L’investissement dans cette série ne se limite donc pas au pro­duit dif­fu­sé par la télé­vi­sion, il per­met un appren­tis­sage col­lec­tif. La série a été ren­due pos­sible aus­si par le rap­pro­che­ment entre Cuba et le Vene­zue­la. Cuba a une tra­di­tion de plus de 50 ans de des­sin ani­mé au sein des labo­ra­toires de l’ICAIC. « Sucre » est une sytn­hèse entre leur longue expé­rience des tech­niques tra­di­tion­nelles d’animation et le nou­veau mode digi­tal uti­li­sé par notre com­pa­gnie de pro­duc­tion Albatros.

T.D. – Au-delà du cli­ché théâ­tral de Simon Rodri­guez comme un sage por­tant des lunettes, ta série « Samuel et les choses » (voir le trai­ler ci-des­sus) est sans doute la plus authen­tique bio­gra­phie audio­vi­suelle de Rodri­guez, car elle nous donne à voir ses élèves et sa méthode…

A.C. – « Samuel et les choses » parle des choses les plus simples. Par exemple d’oú vient la Hari­na­pan (marque de farine de maïs d’usage quo­ti­dien dans les familles véné­zué­liennes), d’oú viennent les ali­ments, com­ment fonc­tionne le satel­lite Simon Boli­var, com­ment fonc­tionne la télé­vi­sion, le télé­phone por­table… Ce sont les thèmes de la série. Dans le film qui en est né, l’objectif est dif­fé­rent. C’est un film plus amu­sant, disons : l’aventure de Samuel et ses amis qui habitent une ville, ou une nation, qui s’appelle Bue­na­ven­tu­ra. Ils vivent heu­reux jusqu’au jour où, sou­dai­ne­ment, l’eau dis­pa­raît. La mis­sion de Samuel est de décou­vrir qui a volé l’eau, com­ment ce vol est-il pos­sible, et de la rame­ner car sans eau, plus de vie pos­sible. Au long du film les « bons » (Samuel et ses amis) découvent, com­prennent com­ment des « mau­vais » ont pu voler leur eau. Ce qu’il y a ici dans le fond, c’est un appren­tis­sage du sen­ti­ment d’appartenance des res­sources natu­relles, pas seule­ment de l’eau mais de toutes les res­sources. Com­prendre com­ment cer­tains s’emparent de ces res­sources sans que nous nous en ren­dions compte. Si nous ne les valo­ri­sons pas, d’autres trouvent tou­jours le moyen de nous dis­traire pour s’en empa­rer. Une his­toire très com­mune dans toute notre Amérique…

T.D. — Ton pre­mier des­sin ani­mé « Bugo la hor­mi­ga » fai­sait déjà décou­vrir par les yeux d’une four­mi un conti­nent regor­geant de res­sources naturelles…

A.C. – Oui, de fait ici, Samuel effec­tue aus­si un par­cours his­to­rique, car il découvre des « pistes », sur qui sont ceux qu ont volé l’eau. Il se rend compte qu’ils l’ont déjà ten­té plu­sieurs fois dans l’Histoire. Depuis 1492 où les enva­his­seurs étaient sur­pris par la quan­ti­té de res­sources d’eau et miné­rales.. D’ailleurs une part du contrôle qu’ils éta­blirent sur les com­mu­nau­tés lati­no-amé­ri­caines s’opéra en contrô­lant les sources d’eau. C’est une his­toire qui, nous l’espérons, per­met­tra aux enfants de s’amuser beau­coup tout en leur mon­trant la réalité.

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Alva­ro et son fils Eze­quiel en pleine création

T.D. – Aujourd’hui, le pro­ces­sus vit de nom­breux para­doxes : la dif­fi­cul­té de construire un État com­mu­nal, la qua­si absence de thèmes révo­lu­tion­naires dans notre ciné­ma comme le rap­pe­lait récem­ment Liliane Bla­ser, mais en même l’émergence d’une nou­velle géné­ra­tion de cinéastes et un débat col­lec­tif sur le futur plan de gou­ver­ne­ment. Quelle serait ta pro­po­si­tion pour rendre la révo­lu­tion irréversible ?

A.C. – Ah ! (rires) Ce qui reste à faire est tel­le­ment grand, pour conso­li­der réel­le­ment la révo­lu­tion, en tout cas du point de vue audio­vi­suel ! Ima­gine que nous avons à construire rien de moins qu’une indus­trie aus­si forte, aus­si puis­sante, non seule­ment ici au Vene­zue­la mais aus­si dans toute l’Amérique du Sud, que l’industrie du ciné­ma exis­tant en Inde par exemple. Et si nous par­lons des pro­duc­tions pour les enfants il nous incombe de créer une indus­trie aus­si forte que Dis­ney, mais avec nos valeurs. Ima­gine la taille du défi. Ce sont des années, des années de tra­vail face à nous. Pour que les enfants qui voient ces films ne reçoivent pas seule­ment le diver­tis­se­ment exquis made in Dis­ney mais aus­si les valeurs de notre Amé­rique. Par oú allons-nous com­men­cer ? Mal­gré les lois favo­rables, je le vois au bout de dix ans de tra­vail per­son­nel, il reste encore très dif­fi­cile de pro­duire des oeuvres audio­vi­suelles au Vene­zue­la. Par­fois nous avons les res­sources mais nous n’avons pas les per­sonnes, par­fois nous n’avons ni l’un ni l’autre, mais nous devons conti­nuer. Dans ces six années qui viennent, il nous faut conti­nuer à pro­duire, à produire.

C’est vrai, sans doute, comme le dit Liliane, que les thèmes jusqu’ici trai­tés, ne sont pas encore ceux que nous devrions ou vou­drions voir. Il faut que nous réflé­chis­sions au moyen de faire en sorte que ces thèmes soient trai­tés de manière natu­relle par la nou­velle géné­ra­tion de cinéastes. Non comme une com­mande d’État mais comme un besoin réel des artistes : racon­ter l’histoire de l’Amérique du Sud, racon­ter nos pro­blèmes. Cela se pro­dui­ra à mesure que les per­sonnes for­mées dans la révo­lu­tion com­mencent à vou­loir exer­cer cette liber­té de créa­tion audio­vi­suelle, prennent conscience de ce que signi­fie cet exer­cice. Car il ne s’agit pas d’imiter des for­mules hol­ly­woo­diennes – qui peuvent par­fois fonc­tion­ner, il y a d’ailleurs des cinéastes véné­zué­liens qui font des films dans ce genre sans appor­ter grand-chose de nou­veau. C’est une tâche gigan­tesque. Mais nous la mène­rons à bien.

Pho­tos : T.D.

Source de l’ar­ticle : blog de Thier­ry Deronne