Publié le 6 avril 2011 par Henri Maler, Julien Salingue
Source : http://www.acrimed.org/article3568.html
Encore BHL ? Oui encore. Non seulement parce qu’il est difficile de ne pas le voir, l’entendre ou le lire dans les principaux médias, mais parce que sa présence est exemplaire : elle montre comment un rôle effectif, mais indiscutablement discutable, peut être transformé en légende.
De toute évidence, BHL s’est montré influent auprès de Nicolas Sarkozy afin que celui-ci invite des représentants de l’opposition libyenne. De même, il a largement soutenu les initiatives diplomatiques du gouvernement français pour obtenir le vote de la résolution 1973 de l’ONU. De là à considérer que ces interventions furent décisives, il n’y a qu’un pas que seuls, jusqu’à présent, BHL lui-même et ses admirateurs ont pris le risque de franchir. Il est vrai que l’absence de version officielle peut s’expliquer par la volonté de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement de s’attribuer le mérite exclusif de leur action.
Même s’il est désormais difficile de distinguer les faits et la légende que BHL et ses fans ont construite, il est encore possible de montrer comment les récits légendaires et hagiographiques ont enrobé les faits.
Le phénomène n’aura échappé à personne : depuis un mois, l’omniprésent Bernard-Henri Lévy squatte le paysage médiatique. Télé, radio, presse écrite… Impossible de ne pas croiser le philosophe botuliste depuis qu’il a enfourché son nouveau cheval de bataille : la révolte libyenne. BHL-moi-je est partout et brille, une fois de plus, par sa modeste modestie. Ses confrères le lui rendent bien qui, à de rares exceptions près, rivalisent de « portraits » plus dégoulinants de cirage les uns que les autres.
BHL est partout
Effectuer un relevé des apparitions médiatiques de BHL est un exercice périlleux qui menace à chaque instant de saturer les serveurs de Google. Mais, par chance, nous disposons, grâce au site dédié à BHL (http://www.bernard-henri-levy.com/), d’un moteur de recherche exceptionnel. Ce qui suit est une liste, probablement non-exhaustive, des « passages » radio et télé de BHL entre le 1er et le 24 mars. Attention, comme dirait l’homme à la chemise blanche, ça décoiffe.
- L’édition spéciale de Canal plus (1er mars)
- Journal de 13h de TF1 (5 mars)
- Europe 1soir (7 mars)
- Le Grand journal de Canal plus (7 mars)
- Le choix de Yves Calvi (RTL, 7 mars)
- Plateau de France 24 (10 mars)
- Journal de 20h de France 2 (10 mars)
- Invité de la rédaction sur RTL (12 mars)
- Invité sur al-Jazeera (12 mars)
- Invité de Guillaume Durand sur i>TELE (15 mars)
- Invité du 7 – 9 de France Inter (17 mars)
- Interview sur la BBC radio (17 mars)
- Émission l’Invité (TV5 Monde, 17 mars)
- Journal de 18h de BFM TV (17 mars)
- Ce soir (ou jamais !) (France 3, 17 mars)
- L’édition spéciale de Canal plus (18 mars)
- Semaine critique ! (France 2, 18 mars)
- Revu et corrigé (France 5, 19 mars)
- C’est arrivé demain (Europe 1, 20 mars)
- Du grain à moudre (France Culture, 21 mars)
- Preuves par 3 (Public Sénat, 23 mars)
- Journal de 20h de France 2 (24 mars)
Soit, à peu de choses près (mais il est possible qu’il en manque au recensement), un passage par jour pendant plus de trois semaines, sans compter les articles de presse écrite, de BHL et sur BHL.
À cette omniprésence audiovisuelle, il convient en effet d’ajouter les philippiques du « Bloc-notes » du Point, systématiquement reprises par El País, (Espagne), le Corriere della Sera (Italie) et l’Huffington Post (USA), et les reportages [1].
Sans oublier, tout de même, les entretiens accordés à F. Gerschel, pour Le Parisien, le 13 mars, à Pierre Cherruau pour Slate.fr le 16 mars et à Jean-Jacques Rouch pour La Dépêche du Midi le 21 mars. Sans omettre les dépêches d’agence de Reuters (le 19 mars) et de l’AFP, et les comptes-rendus de la rencontre avec des représentants de l’opposition libyenne organisée par BHL à l’hôtel Raphaël, publiés par 20minutes.fr, Le Point.fr et Le Figaro (Le 23 mars).
Sans négliger, en outre, la presse étrangère. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung trace un portrait de BHL le 20 mars et lui consacre un nouvel article le 24 mars. The New Yorker, le 25, et The Observer, le 27, dédient eux-aussi un article à BHL, tandis que The Christian Science Monitor publie une interview le 26 mars.
Sans dévaluer, enfin, les articles hagiographiques que l’on peut lire sur le site de BHL et sur celui de la Règle du jeu, le plus « abouti » étant paru le 11 mars sur le site de Bernard-Henri sous la plume de Maria de França, préposée à l’idolâtrie. À lire si l’on aime le genre…
Bref. Comme l’écrivait BHL lui-même dans le livre Ennemis publics, cosigné avec Michel Houellebecq, à propos de l’ostracisme dont les deux auteurs rebelles seraient victimes : « Pourquoi tant de haine ? D’où vient-elle ? Et d’où vient qu’elle ait, dès qu’il s’agit d’écrivains, une tonalité, une virulence si extrêmes ? ». Pauvre, pauvre BHL…
BHL est modeste
Malgré cette orgie médiatique, Bernard-Henri est modeste, à un point tel… qu’il le dit lui-même : « Je me fais l’avocat, le porte-parole modeste des Libyens bombardés, massacrés, torturés depuis 40 ans » (Europe 1, 20 mars). C’est si vrai que BHL-moi-je ne recourt pas à la première personne uniquement pour parler de son action, mais constamment pour évoquer ce qu’il voit ou ce qu’il pense. À la différence des reporters ordinaires, le style impersonnel lui est étranger. Au point que pour minimiser son rôle, il lui arrive de parler de lui à la troisième personne : « Et ce qui est encore plus important, c’est qu’on a évité un bain de sang à Benghazi. Comparées à cela, les critiques de Bernard-Henri Lévy n’ont aucune importance, pour être franc » (article de The Observer, 27 mars) ; « Moi je serais le Quai d’Orsay, je ne serais pas fan de Bernard-Henri-Lévy » (Public Sénat, 23 mars).
Comment notre héros s’est-il retrouvé en Libye ? La question lui a été posée à de multiples reprises. Et sa réponse ne varie guère : c’est son « instinct » (légendaire) qui l’y a conduit : « C’était un accident de l’histoire. Je me trouvais en Égypte quand Kadhafi a envoyé ses avions tirer sur les manifestations pacifiques à Tripoli. Cela me parut tellement énorme, sans précédent, et je sentis les démocrates égyptiens autour de moi tellement horrifiés, que je décidais instinctivement de me rendre en Libye sur le champ » (article de The Observer, 27 mars). Non sans une escale par Paris et le cossu hôtel Raphaël, et un coup de fil à Nicolas Sarkozy pour s’assurer que notre philosophe à manches longues ne ferait pas, instinctivement, le voyage pour rien. Nous y reviendrons.
Lorsqu’un lecteur insolent du Monde lui demande quelle légitimité il a pour « mettre [son] nez dans les affaires de la Libye », BHL reste modeste : « Je n’ai aucune autre légitimité que celle de ma propre conscience. Je suis un citoyen du monde » (« tchat » du Monde, 24 mars). Un simple citoyen du monde qui, comme tous ses pairs, est en liaison directe avec le président de la République : « [J’ai] eu, un soir, à Benghazi, l’idée folle de décrocher mon téléphone pour appeler le président de la République de mon pays et lui suggérer de recevoir une délégation de la Libye libre » (« tchat » du Monde, 24 mars).
BHL oublie simplement de rappeler, comme nous venons de la mentionner, qu’il avait déjà eu « l’idée folle » d’appeler Nicolas Sarkozy avant de partir en Libye. C’est en tout cas ce qui est rapporté par un journaliste du Point, sans que BHL ait démenti les propos qui lui sont attribués : « La diplomatie est parfois simple comme un coup de fil passé depuis un salon rococo de l’hôtel Raphaël. Bernard-Henri Lévy : “Je t’appelle car je pars demain en Libye. Si jamais j’ai un contact intéressant sur place, qui peut être utile ou nous éclairer sur la situation, je peux te téléphoner de là-bas ?” Nicolas Sarkozy : “Naturellement, n’hésite pas !”. Le philosophe raccroche son téléphone et boucle ses valises, ravi de cette bénédiction présidentielle » (Le Point, 24 mars). Grand fou…
Une prise de risque inconsidérée, chacun le comprendra, mais qui n’est après tout, comme le confirme Bernard-Henri lui-même, que la suite logique de son inénarrable courage à l’égard des soulèvements tunisiens et égyptiens : « Nous n’avons pas été très nombreux à saluer, tout de suite, l’événement égyptien. Et, encore moins, le tunisien. Je me rappelle : quand, avant la chute de Ben Ali, j’ai appelé, sur le site de la Règle du Jeu, à « hacker » les sites officiels du régime tunisien, les gens m’ont regardé comme un fou… » (interview dans l’hebdomadaire allemand Die Zeit, 31 mars). Le modeste BHL réécrit à peine l’histoire : rappelons que son « appel » aux hackers a été lancé… la veille de la chute de Ben Ali, et que Bernard-Henri n’avait jusqu’alors rien dit sur le soulèvement en cours depuis plusieurs semaines, comme nous l’expliquions ici même… « Nous n’avons pas été nombreux ». Certes.
Enfin, la modestie de notre citoyen du monde l’oblige, pour évaluer une politique, à juger exclusivement ceux qui l’incarnent. « Comment vous vous expliquez la position allemande ? » lui demande un journaliste de l’hebdomadaire allemand Die Zeit. Réponse du philosophe : « D’abord, le mauvais hasard. Le fait d’avoir, aux commandes, un ministre médiocre, incompétent, peut-être même inconscient et qui, comme Haider autrefois, ou comme Berlusconi aujourd’hui, ne prend pas la mesure de ce désastre mondial qui porte le nom de Kadhafi. […] Et puis, bien sûr, l’électoralisme à courte vue d’une Mme Merkel qui devait probablement penser que l’opinion allemande ne voulait pas de cette opération » (Die Zeit, 31 mars).
Pas de doute, ce qui manque à l’Allemagne, c’est un homme de la trempe de Bernard-Henri. Mais il ne peut pas être partout, et a tellement à faire en France, comme il l’affirme modestement dans une interview au Spiegel le 28 mars :
— Der Spiegel : « Est-ce que vous pouvez imaginer un monde sans BHL ? »
— BHL : « Oh oui, sûrement. Ça marcherait tout à fait bien. »
— DS : « Et une France ? »
— BHL : « Ah ça… Je ne sais pas… Peut-être qu’il faudrait l’inventer (rires) ».
Ces rires d’une exquise modestie devraient satisfaire la cohorte des médiatiques admirateurs qui contribuent à bâtir la légende de l’indispensable BHL.
Les médias aiment BHL
Nul doute que la modestie de BHL en souffre, mais force est de constater que l’enflure de certains articles qui lui sont dédiés consacre et amplifie l’égocentrisme et les vantardises de leur bénéficiaire. On tremble à la lecture des extraits qui suivent lorsque l’on sait qu’ils ont été écrits par des journalistes, détenteurs d’une carte de presse.
Évocations littéraires :
- « Au petit matin, vêtu de son traditionnel costume noir sur chemise blanche, Bernard-Henri Lévy s’en va constater l’étendue du désastre. Il marche en équilibre sur des gravats, console une femme éplorée, interpelle des jeunes garçons qui portent sur le dos des drapeaux aux couleurs de la Libye d’avant l’instauration de la Jamahiriya » (Le Point, 24 mars).
- « Imperturbable dans sa chemise Charvet si reconnaissable, à moitié déboutonnée pour révéler son torse bronzé, le philosophe français de 62 ans a l’habitude d’être sur la ligne de front – qui est parfois, de la Bosnie dans les années 1990 au Burundi en 2000, bien réelle et dangereuse » (The Observer, 27 mars).
Emphases géopolitiques :
« Avec le rôle clé qu’il a joué avant l’intervention française en Libye, Bernard-Henri Lévy (BHL) peut raisonnablement prétendre être le philosophe le plus puissant du monde » (Foreign Policy, 28 mars).
Une mention spéciale à CNN…
« L’homme qui a conduit le monde à la guerre en Libye ». Rien que ça… Les chevilles de Bernard-Henri vont faire exploser ses rangers…
Ou, dans un autre style, cette dépêche AFP du 23 mars, dans laquelle on peut lire ce qui suit : « Le très médiatique écrivain Bernard-Henri Lévy, figure contemporaine de l’intellectuel engagé, est devenu un lobbyiste efficace au service de l’opposition libyenne, au point d’avoir une influence remarquée sur la politique étrangère de Nicolas Sarkozy ». BHL y est en outre décrit comme un « philosophe au physique avantageux ». Du grand journalisme.
Les intervieweurs ne sont pas en reste, qui, à l’instar de Perrine Tarneaud, de Public Sénat, n’hésitent pas à poser de courageuses questions à Bernard-Henri : « On a en tout cas l’impression, Bernard-Henri Lévy, que vous prenez un certain plaisir à prendre position sur des sujets qui ne sont pas consensuels… » (23 mars). Voilà qui est envoyé…
Bref. Guy Sitbon, de Marianne, n’a plus qu’à bien se tenir, qui s’était fendu d’un article apologétique en février dernier, « BHL l’Égyptien » : « Des chars couverts d’enfants dans les bras des soldats protègent l’accès de la place. Bernard gravit un de ces mastodontes. […] La densité humaine est telle que, pressé de toutes parts par les manifestants, BHL est littéralement propulsé sous une tribune croulant sous des grappes humaines, hissé de force et agrippé par des dizaines de mains, et il brandit le drapeau égyptien. La foule applaudit, se remet à danser ».
Les photos publiées, que ce soit dans le JDD à l’occasion du reportage de Bernard-Henri en Libye ou sur le site du fan-club de BHL, sont à l’image de ce modeste récit. Le témoin portant témoignage est au moins aussi important que ce dont il témoigne : le photographe attitré de BHL ne s’y est pas trompé !
Un site qui a, au passage, le mérite d’annoncer la couleur :
Mais le comble est sans doute atteint par un article de Saïd Mahrane paru dans Le Point du 24 mars 2011, pieusement reproduit sur le site de « La Règle du jeu », la revue de BHL. Son titre ? « BHL, l’autre ministre des Affaires étrangères » (http://laregledujeu.org/2011/03/31/5267/bhl‑l%E2%80%99autre-ministre-des-affaires-etrangeres/). Tout simplement…
Et pendant ce temps-là…
… On oublie les questions qui fâchent, et on laisse dire tout et n’importe quoi.
Personne ne semble en effet avoir relevé les outrances proférées par BHL ces dernières semaines. N’en retenons que deux, qui auraient mérité, chacun le reconnaîtra, des demandes d’explications.
- Le « modeste porte-parole » des insurgés libyens se présente comme l’infaillible porte-voix des peuples arabes. On exagère ? Un seul exemple parmi tant d’autres.
Quand un journaliste lui demande pourquoi « Les Arabes semblent contre l’effort français pour renverser Kadhafi », l’inébranlable répond : « Quels arabes ? Pas l’opinion publique arabe, en tout cas. Les Égyptiens par exemple, les forces vives de l’Égypte nouvelle, soutiennent leurs frères libyens, vibrent et souffrent avec eux et, contrairement à ce que croit peut-être Monsieur Moussa, n’ont aucun problème avec la présence d’avions américains, anglais et français dans le ciel libyen. » (interview sur le site du quotidien allemand Die Welt, 30 mars). Si BHL le dit, c’est que ça doit être vrai, lui qui est un fin connaisseur du monde arabe, dans lequel il a récemment situé l’Iran, comme nous l’avions relevé (http://www.acrimed.org/article3520.html).
- L’élégant spécialiste de l’histoire contemporaine s’est par ailleurs risqué à d’audacieuses comparaisons, qu’il a eu la courtoisie, comme on dit à la radio, d’infliger aux lecteurs de la presse allemande :
- « La politique allemande de l’après-guerre a été construite sur le principe du “plus jamais ça”. Plus jamais le nazisme… Plus jamais les yeux fermés face aux crimes contre l’humanité… Eh bien l’Allemagne de Merkel et Westerwelle a rompu ce pacte qu’elle avait noué avec elle-même » (Interview au Spiegel, 28 mars).
- « Alors, bien sûr, Kadhafi n’est pas Hitler et Benghazi ce n’est pas Auschwitz. Mais enfin ce n’est pas complètement le contraire. Kadhafi est une des figures majeures de la barbarie contemporaine » (Interview à Die Welt, 30 mars).
Traduction : le « mal » est « un », même s’il a plusieurs visages ; et quiconque combat, mais à la façon de BHL, le régime de Kadhafi, est un libérateur de l’humanité dans son ensemble, une libérateur dont il serait par conséquent vain de contenir la fougue et les raccourcis vengeurs…
… Même si ses indignations sont sélectives. Certes, il est arrivé qu’on lui demande pourquoi il ne préconisait pas une ingérence étrangère dans d’autres pays de la région. Mais rares, très rares sont ceux qui ont osé lui rappeler son dernier acte de bravoure militaire, lorsqu’il avait accompagné l’armée israélienne lors de son offensive meurtrière sur la bande de Gaza à l’hiver 2008 – 2009 (Un reportage fort peu romanesque commenté ici-même : http://www.acrimed.org/article3062.html). Nous n’avons pas trouvé de journaliste, si l’on excepte Frédéric Taddeï, qui ait seulement évoqué Gaza avec BHL. Un lecteur du Monde a abordé la question lors du « tchat » du 24 mars, ainsi qu’un auditeur de France Inter lors du 7 – 9 du 17 mars. BHL a soigneusement contourné la question, quand il ne l’a pas balayé d’un revers de manche : « Ne mélangez pas tout. L’opération israélienne d’il y a deux ans faisait suite à des bombardements du territoire israélien par les milices du Hamas » (« tchat » du Monde). Et BHL, comme on vient de le voir, s’y connaît en comparaisons.
Même s’il ne s’agit évidemment pas de « tout mélanger », n’y aurait-il pas eu un intérêt à se souvenir, par exemple, du récit qu’a fait Olivier Rafowicz, lieutenant-colonel et ancien porte-parole de l’armée israélienne pour la presse étrangère, de la participation de BHL à des opérations militaires qui ont fait, rappelons, plus de 1400 morts, très majoritairement civils ? Un récit publié sur le site du modeste accompagnateur… le 18 février 2011 (http://www.bernard-henri-levy.com/ses-combats-2002 – 2009-bhl-sous-le-feu-par-olivier-rafowicz-lieutenant-colonel-dans-larmee-israelienne-16099.html) :
« Bernard-Henri Lévy monte dans un véhicule en ma compagnie. Au milieu des tensions et des situations les plus dangereuses, il va, en pleine obscurité, parcourir plusieurs kilomètres au cœur des combats. Pour voir. Comprendre. Pour parler avec ces hommes qui portent l’uniforme de Tsahal et qui lui racontent ce qu’ils ressentent dans ce combat contre les terroristes du Hamas et du Jihad islamique. […] Après quelques heures intenses passées avec ces soldats et ces officiers de terrain, BHL revient satisfait d’avoir rempli sa mission. Il pourra de nouveau se baser sur ce qu’il a vu et entendu sur le terrain et non pas sur ces rumeurs et ces “ils” toujours porteurs de cynisme et de haine lorsqu’il s’agit d’Israël face à ses ennemis ».
Un tel témoin est irrécusable et peut bien être décoré d’un Légion d’honneur – médiatique – pour son indéfectible solidarité avec les peuples opprimés.
***
Alors disons-le : quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur l’intervention militaire en Libye, que l’on se félicite du rôle effectif joué récemment par Bernard-Henri Lévy ou qu’on le déplore, nul doute que la modestie de ce dernier souffre de son omniprésence dans les médias, de la mise en scène médiatique de son héroïsme, de la transformation de la moindre de ses actions en nouvelle page de sa légende. Invité partout, complaisamment interviewé, célébré souvent sans retenue, Bernard-Henri Lévy a beau jeu, dès lors, de se mettre lui-même en scène, comme si la construction de son personnage était indispensable à la défense du peuple libyen.
Car c’est évidemment dans le seul intérêt de ce peuple que dans le reportage publié dans le JDD du 6 mars (« Dans la Libye libérée »), BHL emploie à 13 reprises le pronom « je ». En 12 paragraphes… Et comme la promotion de BHL dans le JDD méritait un retour sur un investissement, l’hebdomadaire s’est offert et nous a offert et cette publicité :
Comme on l’a vu plus haut, comparaison n’est pas toujours raison, mais l’on ne peut s’empêcher de penser à ce que Bernard-Henri lui-même écrivait récemment au sujet des Frères musulmans : « Je répète qu’ils furent les grands absents du soulèvement mais dont rien ne permet d’exclure qu’ils tentent, comme le renard de la fable, de le récupérer tout de même après coup » (« Bloc-notes » du Point, 17 février). Toute ressemblance…
Julien Salingue et Henri Maler (grâce aux documents recensés par Armando Padovani).
Notes
[1] À la fin du mois de février, BHL se trouvait en Égypte, et confiait à Libération (le 26 février) un humble témoignage de titré « Égypte, année zéro » (repris le lendemain par The Huffington Post Corriere della Sera, El País et le 10 mars par Haaretz). « BHL l’Égyptien », pour reprendre le titre de l’article hagiographique que lui consacre son accompagnateur, Gilles Hertzog, le 2 mars 2011, devient BHL le Libyen quelques jours plus tard. Le 3 mars 2011, dans son « Bloc-notes » du Point, BHL s’interroge : « Et si l’Égypte (et la Tunisie) intervenaient en Libye ? » (article déjà paru deux jours auparavant dans The Huffington Post). Avant de s’aviser, en bon connaisseur de la région, que cette « solution » n’était finalement pas la bonne, comme on peut le découvrir en lisant, le 6 mars dans le JDD, les réponses de BHL à la question « Que pouvons-nous faire pour la jeune révolution libyenne ? » (L’article est repris le même jour par The Huffington Post et El País). Et, pour le « Bloc-notes » du Point, « Sarkozy et la Libye » (11 mars), « Quand Arabes et Occidentaux volent au secours de la Libye libre » (21 mars), etc.
Tourne avec Spip