Bolivie : L’écologie comme prétexte contre Evo Morales

De nombreuses ONG financées par les USA sont à l’œuvre sous couvert de promouvoir l’environnement et les droits indigènes, elles agissent contre le gouvernement Morales.

par André Mal­tais, 28 octobre 2011

Source : L’aut’­jour­nal info

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La Boli­vie vit une autre situa­tion de crise dont la toile de fond rap­pelle les formes lar­vées de coup d’état qui ont déjà été essayés contre le gou­ver­ne­ment d’Evo Morales.

Le 15 août der­nier, des indi­gènes de l’est boli­vien enta­maient une longue marche de pro­tes­ta­tion contre la construc­tion d’un tron­çon d’autoroute qui tra­verse leur ter­ri­toire, une réserve natu­relle bap­ti­sée Ter­ri­toire indi­gène du parc natio­nal Isi­bo­ro Secure (TIPNIS).

Au début, les indi­gènes invo­quaient des motifs éco­lo­giques alors que le gou­ver­ne­ment boli­vien expri­mait la volon­té de l’exécutif de négo­cier et d’explorer d’autres alter­na­tives pour le tron­çon litigieux.

Mais des doutes quant aux véri­tables inten­tions des mar­cheurs sont appa­rus lorsque leurs chefs ne se sont pas pré­sen­tés à un pre­mier ren­dez-vous pré­vu à Puer­to San Bor­ja, dans la pro­vince du Beni, et auquel le gou­ver­ne­ment avait délé­gué pas moins de dix ministres.

Depuis, les mar­cheurs ont reje­té sept pro­po­si­tions de ren­contres avec des ministres du gou­ver­ne­ment, pré­fé­rant pour­suivre leur marche vers la capi­tale, La Paz, radi­ca­li­ser leurs demandes et en aug­men­ter gra­duel­le­ment le nombre.

Il est clair, écrit la jour­na­liste indi­gène boli­vienne, Cyn­thia Cis­ne­ros, qu’il s’agit de pro­lon­ger le conflit pour gagner plus d’adhérents et de moyens à la cause des mar­cheurs, tâche à laquelle s’est prê­tée avec enthou­siasme la droite boli­vienne, avec toutes les res­sources poli­tiques, finan­cières et média­tiques dont elle dispose.

Deux mois plus tard, la marche a per­du son essence et son iden­ti­té. Les mar­cheurs refusent tou­jours le dia­logue même après que, le 27 sep­tembre, le gou­ver­ne­ment ait offi­ciel­le­ment sus­pen­du la construc­tion du tron­çon liti­gieux et, qu’à la mi-octobre, le Congrès ait approu­vé une loi décla­rant le TIPNIS zone de pré­ser­va­tion écologique.

Ces mesures sur­ve­naient après les vio­lences de Yucu­mo (pro­vince du Beni) au cours des­quelles un groupe de mar­cheurs et leurs sup­por­teurs s’emparaient du chan­ce­lier boli­vien, David Cho­que­huan­ca, et du vice-ministre à la Coor­di­na­tion des mou­ve­ments sociaux, Cesar Navar­ro, pour les for­cer à mar­cher avec eux.

Une fois en pos­ses­sion de leurs otages et mal­gré la pré­sence de nom­breuses femmes enceintes dans leurs rangs, cer­tains mar­cheurs ont rom­pu les cor­dons de sécu­ri­té et affron­té les poli­ciers et des contre-mani­fes­tants venus appuyer le gouvernement.

Les jours sui­vants, les médias qui occultent le refus de dia­lo­guer des mar­cheurs, leurs abus contre les auto­ri­tés gou­ver­ne­men­tales et leurs pro­vo­ca­tions contre les poli­ciers, ont pré­fé­ré par­ler de morts et de dis­pa­rus sans nom­mer de noms, accu­ser l’état de mas­sa­crer des indi­gènes, appe­ler à de nou­velles mani­fes­ta­tions d’appui aux mar­cheurs et exi­ger la démis­sion du pré­sident dont on com­pare les agis­se­ments avec ceux de l’ex-président Gon­za­lo San­chez de Loza­da lors des mas­sacres de 2003, à El Alto.

Toutes ces ten­ta­tives de coup d’état se res­semblent, remarque Cis­ne­ros. On a d’abord une guerre média­tique, qui part de demandes popu­laires légi­times comme les auto­no­mies, en 2008, et main­te­nant le TIPNIS, demandes qu’on détourne à des fins politiques.

On a ensuite une mobi­li­sa­tion syn­di­cale, pay­sanne ou indi­gène bien sou­mise ou tout sim­ple­ment coop­tée par des pou­voirs locaux et régio­naux. Puis, vient l’attaque contre les forces de l’ordre comme ce fut le cas avec les groupes de choc de San­ta Cruz et, main­te­nant, avec cer­tains groupes de marcheurs.

Pen­dant cela, les médias jettent conti­nuel­le­ment de l’huile sur le feu en sur-dimen­sion­nant la demande et le conflit et en exa­cer­bant les pré­ju­gés et les craintes de la population.

La marche du TIPNIS, dit Juan Ramon Quin­ta­na, ex-ministre à la pré­si­dence du gou­ver­ne­ment Morales, fait par­tie d’une seconde phase de l’offensive de désta­bi­li­sa­tion vou­lue par le gou­ver­ne­ment des Etats-Unis et la droite bolivienne.

La pre­mière phase avait com­men­cé en 2008 quand les vio­lences sépa­ra­tistes des pré­fets de la Media Luna avaient débou­ché sur un qua­si coup d’état frei­né par l’expulsion de l’ambassadeur états-unien, Phi­lip Gold­berg, accu­sé d’intromission dans les affaires internes du pays.

Le but par­ti­cu­lier sem­blait, cette fois, de faire déra­per le pro­ces­sus élec­to­ral du 16 octobre par lequel, pour la pre­mière fois de l’histoire, le gou­ver­ne­ment s’attaquait à un pou­voir judi­ciaire au ser­vice de l’oligarchie en invi­tant la popu­la­tion boli­vienne à élire les 56 magis­trats des cours suprêmes élec­to­rales, consti­tu­tion­nelles et agro-éco­lo­giques du Conseil de la Magistrature.

Cela explique que, dès les pre­mières semaines de la marche, ses diri­geants « pré­voyaient » déjà arri­ver à La Paz, le 15 octobre, veille de l’élection judi­ciaire et que, quelques semaines avant celle-ci, la Confé­dé­ra­tion des peuples indi­gènes de Boli­vie (CIDOB), l’une des orga­ni­sa­tions qui par­raine la marche, appe­lait à un vote nul.

Bien sûr, dit encore Quin­ta­na, le but plus géné­ral de cette seconde phase est de divi­ser les peuples indi­gènes qui sont les bases d’appui du gou­ver­ne­ment Morales et de géné­rer des conflits obli­geant l’état plu­ri­na­tio­nal boli­vien à employer la force publique avec tous les dan­gers que cela implique pour la démocratie.

Les Etats-Unis conseillent les mar­cheurs comme l’a révé­lé un registre d’appels télé­pho­niques que le gou­ver­ne­ment boli­vien a pré­sen­té aux médias, le 21 août, et qui démontre que l’ambassade états-unienne a contac­té par cel­lu­laire, avant et pen­dant la marche, les diri­geants, Pedro Nuni, Rafael Quispe et Roxa­na Maru­pa Torres, épouse du pré­sident de la CIDOB, Adol­fo Chavez.

William Mozd­zierz, ministre conseiller de l’Ambassade, a dû, plus tard, avouer ces contacts, iden­ti­fiant même Eli­seo Abe­lo comme le fonc­tion­naire qui les a effectués.

Abe­lo, nous dit le jour­na­liste boli­vien, For­tu­na­to Esqui­vel, est le char­gé des affaires indi­gènes à l’ambassade des Etats-Unis. Son patron, Ben­ja­min G. Hess, a invi­té en Boli­vie trois spé­cia­listes états-uniens en affaires indi­gènes, Lind­say Robert­son, Ste­phen Gree­tham et Aman­da Cobb. Ceux-ci ont ren­con­tré des « repré­sen­tants de la socié­té civile », entre les 9 et 14 juillet der­nier, un mois avant le début de la marche du TIPNIS.

Les spé­cia­listes, raconte Esqui­vel, ont insis­té sur le fait qu’aux Etats-Unis, les autoch­tones sont pro­prié­taires des res­sources natu­relles de leurs ter­ri­toires alors qu’en Boli­vie ces res­sources appar­tiennent à toute la population.

Esqui­vel dénonce éga­le­ment que de nom­breuses ONG finan­cées par la USAID états-unienne sont à l’œuvre dans l’est boli­vien, prin­ci­pa­le­ment dans les pro­vinces du Pan­do et du Beni où, sous cou­vert de pro­mou­voir l’environnement et les droits indi­gènes, elles agissent contre le gou­ver­ne­ment Morales.

Un orga­nisme mexi­cain, le Centre d’analyse poli­tique et d’enquêtes socio-éco­no­miques (CAPISE) vient de publier un rap­port (1) qui montre com­ment une ONG états-unienne comme Conser­va­tion Inter­na­tio­nale (CI) se com­porte en che­val de Troie, au Chiapas.

Le rap­port révèle que la stra­té­gie de CI consiste à pro­vo­quer des affron­te­ments entre les com­mu­nau­tés et peuples zapa­tistes comme les Lacan­dons et les Caraïbes. De plus, l’ONG donne toute l’information qu’elle peut à l’USAID et aux trans­na­tio­nales qui la par­rainent (dont Mon­san­to, Che­vron et Rio Tin­to), beau­coup d’entre elles ayant des inté­rêts impor­tants en matière de biodiversité.

Après l’expulsion de l’ambassadeur Gold­berg, en 2008, dit Esqui­vel, le gou­ver­ne­ment boli­vien avait dit que l’USAID allait aus­si sor­tir du pays. Mais il ne l’a pas fait et la marche du TIPNIS doit main­te­nant lui faire regret­ter cette pro­messe non tenue.

(1) http://enlinea.capise.org.mx/files/caballodetroya.pdf

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