Chili, le proces des quatre mapuches, prisonniers politiques, se poursuit

Une Com­mis­sion per­ma­nente de Défense des Droits du Peuple Mapuche tra­vaille­ra pour la réforme de la Loi Antiterroriste

APPEL URGENT A LA SOCIETE CIVILE INTERNATIONALE

Nous, membres de la socié­té civile rési­dant en France et en Europe,
asso­cia­tions et comi­tés soli­daires du peuple Mapuche, expri­mons notre
indi­gna­tion contre la déci­sion de la Cour Suprême du Chi­li, en date du 3
juin 2011, de ne pas annu­ler le pro­cès du tri­bu­nal de Cañete, instruit
en appli­ca­tion de la loi 18 314 (Loi Anti­ter­ro­riste, héri­tée de la dic­ta­ture de Pino­chet et res­tée en vigueur au cours des dif­fé­rents gou­ver­ne­ments de la Concer­ta­tion) et enta­ché d’irrégularités.

Le 22 mars 2011, ce tri­bu­nal a condam­né à de lourdes peines quatre prisonniers
poli­tiques Mapuche, Hec­tor Llai­tul, Jona­than Huilli­cal, José Hue­nuche et
Ramon Llan­qui­leo, qui pour­suivent une grève de la faim depuis le 15 mars
2011.

Image_4-35.pngPour mémoire : En avril 2009, des arres­ta­tions mas­sives sont opé­rées dans plu­sieurs com­mu­nau­tés Mapuche au sud du Chi­li et une tren­taine de leurs membres sont déte­nus en pri­son préventive.

À par­tir du 12 juillet 2010, Hec­tor Llai­tul, Jona­than Huilli­cal, José
Hue­nuche et Ramon Llan­qui­leo. entament avec 30 autres pri­son­niers une
grève de la faim qui va durer 82 jours pour exi­ger des pro­cès justes,
l’élimination des doubles pro­cès (mêmes délits jugés à la fois devant
des tri­bu­naux civils et mili­taires) et la non-appli­ca­tion de la Loi
Anti­ter­ro­riste à leur encontre. Cette grève se ter­mine le 2 octobre 2010
avec un Accord du gou­ver­ne­ment de ne plus appli­quer cette loi dans les
pro­cès déjà entamés.

Le pro­cès de 18 des 34 pri­son­niers com­mence le 8 novembre 2010 au
tri­bu­nal de la petite ville de Cañete au cours duquel le Ministère
Public va fina­le­ment appli­quer la loi anti­ter­ro­riste et recou­rir aux
décla­ra­tions de « témoins sans visage ».

Onze Obser­va­teurs Inter­na­tio­naux envoyés par des orga­ni­sa­tions de
défense des Droits de l’Homme dénoncent dans leurs rap­ports les
ano­ma­lies juri­diques du pro­cès et le manque de garan­ties don­nées aux
défen­seurs. Mme Mireille Fanon Men­dès-France, juriste internationale,
Pré­si­dente de la Fon­da­tion Frantz Fanon, membre de l’Association
Inter­na­tio­nale des Juristes Démo­crates, est envoyée en mis­sion à ce
pro­cès comme Obser­va­trice Inter­na­tio­nale par la Fon­da­tion France
Liber­tés de Danielle Mit­ter­rand et a rédi­gé depuis un rap­port très
expli­cite sur la tenue de ce procès.

Le 18 février 2011, la Fédé­ra­tion Inter­na­tio­nale des Droits de l’Homme
(FIDH) et ses orga­ni­sa­tions membres au Chi­li, la Cor­po­ra­ción de
Pro­mo­ción y Defen­sa de los Dere­chos del Pue­blo (CODEPU) et
l’Observatorio Ciu­da­da­no (Obser­va­toire Citoyen) appellent les tribunaux
de jus­tice chi­liens à ne pas appli­quer la Loi Anti­ter­ro­riste en
mani­fes­tant la néces­si­té de révi­ser cette loi contraire aux normes
internationales.

Le 15 mars 2011, Hec­tor Llai­tul, Jona­than Huilli­cal, José Hue­nuche et
Ramon Llan­qui­leo, entament une seconde grève de la faim, dans l’attente
de la sen­tence du Tri­bu­nal de Cañete.

Image_5-19.pngLe 22 mars 2011, le tri­bu­nal de Cañete condamne Hec­tor Llai­tul à 25 ans de pri­son, et Jona­than Huilli­cal, José Hue­nuche et Ramon Llan­qui­leo à 20
ans de pri­son. Les treize autres Mapuche, accu­sés des mêmes présumés
délits sont acquit­tés, le 14e s’est sui­ci­dé pen­dant la procédure
judi­ciaire (Richard Eduar­do Neguey Pil­qui­man, jeune Mapuche, âgé de 19 ans, de
Puer­to Choque, Tirua).

Les quatre pri­son­niers poli­tiques, plus que jamais déter­mi­nés à
pour­suivre leur grève de la faim, demandent à leurs avo­cats de faire un
recours de nul­li­té de leur pro­cès auprès de la Cour Suprême du Chili.

Le 3 juin 2011, au lieu d’annuler le pro­cès de Cañete, la Cour Suprême,
dans une déci­sion contra­dic­toire, a réduit les peines du délit
d’ « attaque contre le Pro­cu­reur et son escorte poli­cière », mais a
main­te­nu les peines – de 10 ans et un jour pour Hec­tor Llai­tul, et 5 ans
et un jour pour les trois autres – éta­blies pour « vol avec
inti­mi­da­tion ». Elle a juste cher­ché une « solu­tion intermédiaire »
condam­nant ain­si à 14 ans de pri­son Hec­tor Llai­tul et à 8 ans : Jonathan
Huilli­cal, José Hue­nuche et Ramon Llanquileo.

Il nous est dif­fi­cile de com­prendre pour­quoi l’autre incul­pa­tion (vol
avec inti­mi­da­tion), éga­le­ment ins­truite sous le coup de la loi
anti­ter­ro­riste et avec le recours à des « témoins sans visage », n’a
pas fait l’objet du même réexa­men. Il paraît clair que les pressions
poli­tiques exer­cées par l’Etat chi­lien, son Minis­tère Public et le
groupe de pres­sion des grandes entre­prises ont eu suf­fi­sam­ment d’effet
sur les magis­trats de la Cour Suprême pour que ceux-ci renoncent à
annu­ler le pro­cès dit de Cañete.

On constate aus­si que les magis­trats de la Cour Suprême ont réduit les
lourdes peines des quatre condam­nés concer­nant la pré­su­mée « attaque du
Pro­cu­reur et de son escorte poli­cière », pour laquelle ils avaient
pour­tant été déjà acquit­tés, le 16 décembre 2010, par le Troisième
Tri­bu­nal Mili­taire de Val­di­via, acquit­te­ment confir­mé par la Cour
d’Appel de Concep­tion, le 26 mai 2011.

De nom­breuses orga­ni­sa­tions Mapuche ont décla­ré que « si on les
condamne, nous sommes tous condam­nés ». En effet, dans les prochaines
semaines, plu­sieurs dizaines de membres de com­mu­nau­tés mapuche seront
défé­rés devant des tri­bu­naux et, en rai­son de cette déci­sion de la Cour
Suprême, ils risquent d’être aus­si jugés en ver­tu de la loi
anti­ter­ro­riste et de ses « témoins sans visage ».

Pré­ci­sons que même si les avo­cats des quatre condam­nés déposent dès
main­te­nant un recours auprès de la Cour Inter­amé­ri­caine des Droits de
l’Homme, la réponse pren­dra plu­sieurs années et il sera trop tard pour
ceux qui sont actuel­le­ment à l’extrême limite de leur grève de la faim,
hos­pi­ta­li­sés et ali­men­tés de force.

Hec­tor Llai­tul, Jona­than Huilli­cal, José Hue­nuche et Ramon Llan­qui­leo ne
demandent ni clé­mence, ni par­don, ni grâce, mais un pro­cès respectant
les garan­ties consti­tu­tion­nelles chi­liennes et les normes inter­na­tio­nales conformes.

Nous appe­lons la socié­té civile chi­lienne, ses par­le­men­taires, ses
syn­di­ca­listes, ses jour­na­listes, ses artistes, celles et ceux qui
tra­vaillent pour une autre socié­té au Chi­li, celles et ceux qui luttent
aus­si, comme les Mapuche, pour défendre leur envi­ron­ne­ment, à protester
par­tout au Chi­li, comme elles et ils l’ont fait récem­ment contre le
pro­jet HydroAy­sén, en sou­tien aux reven­di­ca­tions des prisonniers
poli­tiques Mapuche.

Nous appe­lons enfin la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale à pro­tes­ter auprès des
auto­ri­tés chi­liennes et par­ti­cu­liè­re­ment auprès du Pré­sident Piñe­ra pour
qu’il inter­vienne en urgence afin que les pri­son­niers Mapuche soient
libé­rés, dans l’attente d’un nou­veau pro­cès juste et équitable,et que
soient défi­ni­ti­ve­ment sup­pri­més l’application de la loi antiterroriste
et le recours aux témoins sans visage dans les pro­chains procès
concer­nant des Mapuche inculpés.

Der­nières informations :

Le mer­cre­di 8 juin, au 86e jour de la grève de la faim des quatre
Pri­son­niers Poli­tiques Mapuche, leurs familles ont com­men­cé une grève de
la faim liquide « Pour un Pro­cès Juste et l’élimination de la Loi
Anti­ter­ro­riste ». Trois des quatre pri­son­niers ont été transférésdans
dif­fé­rents hôpi­taux (Jona­than Huilli­cal est à l’hôpital de Nueva
Impe­rial, José Hue­nuche, à l’hôpital de Los Angeles, Ramon Llan­qui­leo, à
la UTI de l’hôpital de Concep­ción et Hec­tor Llai­tul reste hos­pi­ta­li­sé à
l’hôpital de Victoria).Image_3-53.png

Le jeu­di 9 juin, après une ren­contre de la direc­trice de l’Institut des
Droits de l’Homme, Mme Lore­na Fries, des Arche­vêques Mgrs Ricar­do Ezzati
et Fer­nan­do Cho­ma­li avec les ministres de la Jus­tice, Felipe Bulnes, et
de la Pré­si­dence, Cris­tian Lar­rou­let, il a été déci­dé de réunir de
nou­veau dans l’hôpital de Vic­to­ria, les quatre pri­son­niers politiques
Mapuche.

Dans la soi­rée de jeu­di, une table de négo­cia­tions, pré­si­dée par Mgr
Cho­ma­li, Arche­vêque de Concep­cion, a réuni Nati­vi­dad LLanquileo
Pil­quimán et Mil­la­ray Gar­ri­do Pailla­lef, porte-parole des prisonniers,
Pame­la Pes­soa, épouse de Hec­tor Llai­tul, Lore­na Fries, direc­trice de
l’Institut Natio­nal des Droits de l’Homme, Ame­ri­go Incalcaterra,
repré­sen­tante du Haut Com­mis­sa­riat des Nations Unies pour les Droits de
l’Homme, Mgr Pedro Ossan­don, Evêque auxi­liaire de Concep­cion, Padre José
Fer­nan­do Diaz, repré­sen­tant de la Com­mis­sion Natio­nale de la Pastorale
Indi­gène de la Zone Sud. Cette ren­contre a abou­ti à un Accord pour créer
une Com­mis­sion per­ma­nente de Défense des Droits du Peuple Mapuche. Cette
Com­mis­sion tra­vaille­ra pour la « réforme de la Loi Anti­ter­ro­riste pour
qu’elle res­pecte les normes inter­na­tio­nales ». Une fois réunis de
nou­veau à l’hôpital, les quatre pri­son­niers ont assu­ré que les accords
obte­nus à cette table de négo­cia­tion leur don­naient les garan­ties pour
conti­nuer à lut­ter pour les droits de leur peuple, motif qui les amenés
à ces­ser leur grève de la faim.

Dans l’attente que la Loi Anti­ter­ro­riste ne soit plus uti­li­sée dans les
pro­chains pro­cès des Mapuche liés à la lutte pour la récu­pé­ra­tion de
leurs ter­ri­toires, nous sou­tien­drons les tra­vaux de cette Commission.

Signa­taires :

Asso­cia­tion fran­co chi­lienne CORDILLERA (France), Asso­cia­tion Lati­nos en Lille (France), Asso­cia­tion Nue­vo Concep­to Lati­no (France), Asso­cia­tion Pichi­ma­pu, Asso­cia­tion pour l’enfa nce Mapuche, Barcelone
(Espagne), Asso­cia­tion Terre et Liber­té pour Arau­co (France), Col­lec­tif pour les Droits de l’Homme au Chi­li (France), Comi­sión de Apoyo a los Pue­blos Ori­gi­na­rios ACRG, Genève, Suisse, Comi­té Mapuche Bel­gique COMABE, Bruxelles, Bel­gique, Comi­té de Soli­da­ri­té avec les Indiens des Amé­riques – Nitas­si­nan (France), Comi­té de Soli­da­ri­té avec les Peuples du Chia­pas en Lutte — CSPCL (France), Defen­soría Inter­na­cio­nal de los Dere­chos de los Pue­blos (DIDEPU),
Genève, Suisse, Fon­da­tion France Liber­tés (France), Jacques Fath, membre du Comi­té Exé­cu­tif Natio­nal du PCF, res­pon­sable des Rela­tions Inter­na­tio­nales, Keju­gun Mapuche (France), Mou­ve­ment contre le Racisme et pour l’Amitié contre les Peuples (MRAP),
France, Mou­ve­ment pour la Coopé­ra­tion Inter­na­tio­nale (MCI), Suisse, Raquel Gar­ri­do, Avo­cate, Porte-parole inter­na­tio­nale du Par­ti de Gauche