Meimei Bastos, poète et écrivain brésilien : C’est un tel pas de géant en arrière que je sens que nous allons bientôt être brûlés par l’Inquisition bolésonarienne, qui prétend que la terre est plate et que nous n’avons pas besoin de vaccins contre les maladies parce qu’à la fin, Dieu est là.
Meimei Bastos, poète et écrivain brésilien, a accordé une interview à Alba Ciudad 96.3 FM où elle a partagé son point de vue sur le scénario à venir pour le secteur culturel, et en général pour le peuple du Brésil avec la présidence de Jair Bolsonaro et son cabinet ministériel récemment annoncé.
Quelles sont les principales conquêtes culturelles que le peuple brésilien a accumulées et qui sont aujourd’hui menacées depuis la décision d’éradiquer le ministère de la Culture ?
Un peuple qui ne connaît pas, ne pratique pas, n’améliore pas et n’apprécie pas sa culture est un peuple facilement dominé. Et pour moi, c’est l’objectif principal du gouvernement actuel. D’affaiblir notre culture, d’intensifier l’absorption des cultures étrangères impérialistes afin d’ouvrir de plus en plus d’espace pour que les gringos viennent ici et nous exploitent, pour venir ici et faire ce qu’ils pensent bien faire avec notre peuple et notre richesse. Ils veulent livrer le Brésil et ils y travaillent. Le Ministère de la Culture, créé en 1985, a été une conquête de la communauté culturelle et de la société brésilienne lors de la démocratisation. Elle était responsable de la formulation, de la promotion et de la gestion des politiques culturelles dans les domaines les plus divers, de la préservation de la mémoire nationale, à la réalisation et au financement des projets, et son extinction est une grande perte pour toute la classe culturelle du pays qui met en péril toutes les conquêtes. C’est comme l’incendie criminel au Musée National de la République. C’est une dure attaque contre la nation brésilienne.
En général, comment caractérisez-vous le cabinet annoncé par Bolsonaro, quels sont, selon vous, les secteurs sociaux les plus vulnérables d’après les politiques mises en œuvre par ces ministres ?
Le gouvernement actuel, dont je ne me sens pas représenté et dans lequel je serai dans l’opposition et la résistance, représente la chose la plus arriérée que nous ayons aujourd’hui. C’est le visage du fondamentalisme, du conservatisme et du binarisme. Le gouvernement actuel ne dialogue pas avec la diversité, encore moins avec la réalité du peuple brésilien. Il représente une couche de notre société qui perdait de l’espace, ne pouvant pas exercer ses préjugés de race, de classe, de sexe et d’ethnicité et avec elle était menacée et utilisée toutes les ressources les plus faibles pour occuper le pouvoir. Bolsonaro et son cabinet gouverneront pour cette partie de la société et pour les intérêts des gringos, en particulier les États-Unis, auxquels ils se prosternent. C’est une honte pour le pays et met en danger tous les secteurs sociaux, en particulier ceux qui sont considérés comme des minorités : peuples autochtones, Noirs, femmes et LGBTQI. L’une des premières actions de ce gouvernement a été d’éteindre le ministère du travail et de la culture, puis de remettre la démarcation des terres indigènes et des quilombolas au ministère de l’agriculture, puisque celui qui remet le poulailler au renard a réduit le salaire minimum à 998 et qui était à 1006 reales. Le ministre de l’éducation prévoit des réductions dans l’éducation, ce domaine n’est pas celui des réductions à effectuer, c’est celui où il faut investir sans relâche, car ce sont l’éducation et la culture qui font les principales transformations, et ils le savent. C’est pour ça qu’ils démontent tout.
Ils démantèlent l’État, l’économie et seront responsables d’un revers majeur dans la société civile. Ce sera le gouvernement de la rétrogradation et de l’obscurité. C’est le principal défi que le mouvement populaire brésilien doit relever face à ce nouveau scénario en vue de reconquérir le pouvoir politique, les défis seront nombreux et divers. Je n’aurais jamais imaginé vivre une chose pareille. Je n’aurais jamais imaginé que je devrais me battre pour des lignes directrices qui, pour moi, étaient résolues, parce qu’elles concernaient les droits de l’homme, mais lors de son investiture, Bolsonaro a dit que ce qui était politiquement correct ne ferait pas partie du Brésil, et que cela signifiait-il ? C’est ce que nous appelons l’altérité, le respect et la reconnaissance de l’autre. Il a dit très clairement dans sa déclaration qu’il persécutera tous ceux qui ne partagent pas sa même idéologie. C’est un tel pas de géant en arrière que je sens que nous allons bientôt être brûlés par l’Inquisition bolésonarienne, qui prétend que la terre est plate et que nous n’avons pas besoin de vaccins contre les maladies parce qu’à la fin, Dieu est là. C’est comme si on revenait au Moyen Âge. Le défi sera de ne pas revenir au Moyen Âge.
Quelles mesures de résistance le mouvement culturel déploiera-t-il face à ce nouveau scénario ?
Certes, la communauté culturelle, comme elle l’a fait à d’autres moments sombres de l’histoire brésilienne, continuera à résister avec orgueil ce moment d’obscurité et gagnera. En 2016, sous la dictature de Temer, la classe culturelle a commencé une série d’occupations d’espaces culturels publics, diverses rassemblements et manifestations ont eu lieu à travers le pays. Je pense que nous irons par là. Ils ne nous feront pas taire, et nous ne serons pas intimidés. Je continuerai, en particulier, à écrire et à mener à bien les activités culturelles et politiques que je mène dans les périphéries. Je pense que c’est dans ces espaces que nous devons maintenir, dans les communautés, à côté des gens, le pouvoir populaire. Le Brésil n’est pas un pays d’idiots et de capitulant, nous sommes de plus en plus un peuple en lutte et en résistance. Nous avons déjà traversé des moments très difficiles. Ce ne sera pas Bolsonaro qui prendra nos forces.
Source : Alba Ciudad — Jhosy Coronado / traduit par ZIN TV