Fanon, Biko, Malcolm X : trois penseurs d’une actualité brûlante

Frantz Fanon, Steve Biko, Malcolm X. Trois grands penseurs de la décolonisation, de l'émancipation humaine, de la conscience noire.

Frantz_Fanon_Steve_Biko_Malcolm_X.pngpar Noé­mie Coppin

Alors que la France célèbre l’a­bo­li­tion de l’es­cla­vage, la fon­da­tion Frantz Fanon et le Front uni de l’im­mi­gra­tion et des Quar­tiers popu­laires orga­nisent une tour­née un peu par­ti­cu­lière. Le jeu­di 10 mai 2012, à Lille, après Lyon et Paris, et avant à Mar­seille, les enfants de ces trois grands hommes viennent à la ren­contre des Fran­çais, non pas pour com­mé­mo­rer de façon nos­tal­gique leur mémoire, mais plu­tôt pour trans­mettre leurs leçons de réflexion et d’ac­tions, pour les luttes actuelles.

Fanon, sym­bole de l’in­ter­na­tio­na­lisme et de l’u­ni­té afri­caine, alors même qu’au­jourd’­hui les grandes puis­sances conti­nuent d’op­pri­mer et de piller ce conti­nent qui a souf­fert de l’es­cla­vage, de la colo­ni­sa­tion. Fanon qui a pen­sé le racisme comme sys­tème, entre­te­nu à cause des rela­tions inégales entre pays domi­nants et domi­nés. Qui a éga­le­ment pen­sé le phé­no­mène iden­ti­taire, en expli­quant que lorsque le Noir est humi­lié, nié, oppri­mé, la pre­mière étape pour recon­qué­rir ses droits, c’est de se réaf­fir­mer en tant que Noir, être fier d’être noir. Il nous éclaire aujourd’­hui pour lire la réa­li­té française.

Mal­colm, qui a pro­gres­sé de la révolte à la com­pré­hen­sion du monde, qui s’est ren­du compte que la domi­na­tion de sa com­mu­nau­té était en lien avec la domi­na­tion de l’en­semble des domi­nés de la pla­nète, qui n’a eu de cesse de cas­ser les logiques argu­men­taires qui jus­ti­fient les dominations.

Biko, fon­da­teur de la conscience noire en Afrique du Sud, qui a com­pris qu’a­près l’ar­res­ta­tion de Nel­son Man­de­la, il fal­lait tra­vailler à l’au­to-orga­ni­sa­tion des com­mu­nau­tés noires pour être forts face aux dominants.

C’est en ces mots que Saïd Boua­ma­ma, socio­logue et membre du Front uni de l’im­mi­gra­tion et des Quar­tiers popu­laires, retrace l’ap­port pré­cieux de ces trois pen­seurs. Avant d’in­sis­ter sur la rai­son d’être de cette tour­née : “Cette socié­té ne chan­ge­ra que si nous sommes capables de créer du rap­port de force pour la faire chan­ger. Ces trois pen­seurs repré­sentent une période de l’his­toire de l’hu­ma­ni­té pen­dant laquelle l’es­poir d’une éman­ci­pa­tion mon­diale était pré­sent. On assiste aujourd’­hui au retour des guerres impé­ria­listes en Afgha­nis­tan, en Côte d’I­voire, au Mali. Par­tout, on nous dit que c’est l’Oc­ci­dent impé­ria­liste qui peut libé­rer nos peuples. Mais il ne peut y avoir d’é­man­ci­pa­tion octroyée”.

Ces trois pen­seurs sont donc aujourd’­hui d’une actua­li­té brû­lante. Que rete­nir de leur pen­sée et de leur enga­ge­ment aujourd’­hui ? Com­ment nous aident-ils à lire le monde actuel ? Leurs enfants tentent de répondre à la question.



Quit­tons cette Europe qui n’en finit pas de par­ler de l’homme tout en le mas­sa­crant par­tout où elle le ren­contre. À tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde

Frantz Fanon

Mireille_Mende_s-France_Fanon.pngMireille Men­dès-France Fanon, fille de Frantz Fanon

La tour­née est orga­ni­sée par le Front uni des quar­tiers popu­laires. Actuel­le­ment, les quar­tiers popu­laires, en France comme ailleurs, sont mar­gi­na­li­sés, exclus. Et Fanon, Biko ou Mal­colm X n’ont jamais par­lé d’autre chose que de l’ex­clu­sion des per­sonnes. Les per­sonnes pri­vées d’É­tat, de droits civils ou poli­tiques, ou anni­hi­lées par une poli­tique d’a­par­theid. Et quoi que fassent ou disent ces habi­tants des quar­tiers, issus de l’im­mi­gra­tion, cela ne semble jamais suf­fi­sant. Tou­jours plus de preuves d’in­té­gra­tion sont à appor­ter. Est-ce qu’on va conti­nuer, sans arrêt, à mon­trer que nous sommes assi­mi­lables, inté­grables, digé­rables ? Il nous faut dire que nous sommes là, sim­ple­ment, avec nos his­toires, celles de nos parents, celles de nos grands-parents. Et réflé­chir ensemble pour défi­nir des notions telles que la Répu­blique, ou la laï­ci­té, qu’on nous oppose sans cesse.

Aujourd’­hui, des jeunes comme Tre­vor Mar­tin, aux États-Unis, sont tués et leurs assas­sins sont libé­rés car il a le droit de “net­toyer son ter­ri­toire”. Aujourd’­hui, les Pales­ti­niens sont pri­vés de leur État parce que les Occi­den­taux ont besoin d’un État qui les pré­serve du “péril” arabe et musul­man. Au nom d’une crise finan­cière mon­diale, on conti­nue à impo­ser aux peuples des mesures dras­tiques qui les mènent dans la misère. C’est bien contre tout cela que nos pères se sont battu.

Fanon s’est enga­gé dans l’ar­mée de libé­ra­tion de la France libre. Né en Mar­ti­nique, il pen­sait que son devoir de citoyen fran­çais était de s’en­ga­ger pour com­battre l’en­ne­mi nazi. Rapi­de­ment, il a déchan­té. Quand ils sont arri­vés, ils ont été envoyés en Algé­rie où Fanon s’est retrou­vé avec les tirailleurs séné­ga­lais. Il a ensuite été envoyé en Alsace, et s’est aper­çu que sur place, les pay­sans alsa­ciens n’en avaient rien à faire. Son second enga­ge­ment était sur le plan pro­fes­sion­nel. En tant qu’é­tu­diant en méde­cine à Lyon, il s’est enga­gé dans l’é­tude de la psy­chia­trie. Il s’est retrou­vé interne dans un grand hôpi­tal en Lozère. Pen­dant la guerre, l’hô­pi­tal était tenu par un ancien répu­bli­cain espa­gnol qui avait intro­duit des méthodes de tra­vail avec les malades men­taux basées sur la psy­cho­thé­ra­pie ins­ti­tu­tion­nelle. L’i­dée était de faire tom­ber toutes les portes qui enfer­maient les per­sonnes dans leur mala­die, de façon à les mettre en rela­tion avec le reste du monde. C’est là que Fanon a été confron­té à la folie, posée dif­fé­rem­ment. Il s’a­gis­sait de voir ce que disait la folie d’un homme sur un sys­tème, sur les dys­fonc­tion­ne­ments de la socié­té. Et non l’in­verse. Cela l’a ame­né à réflé­chir aux dif­fé­rentes formes de l’a­lié­na­tion. Non seule­ment per­son­nelle, mais aus­si sociale, poli­tique, dans les rap­ports de hié­rar­chie, etc.

Un de ses pre­miers postes a été au sein de l’hô­pi­tal de Bli­da, en Algé­rie. Cela ne l’a pas trop dépay­sé, puis­qu’il connais­sait déjà la domi­na­tion des Blancs en Mar­ti­nique. Il avait affaire à des gens colo­ni­sés et tor­tu­rés, et à des colo­ni­sa­teurs tor­tion­naires. Quand le FLN est venu lui deman­der de venir soi­gner ses bles­sés dans les mon­tagnes, il a accep­té, en conti­nuant à tra­vailler sur la désa­lié­na­tion de l’homme malade. Et ce que Fanon disait du racisme, de la colo­ni­sa­tion, de la domi­na­tion, de l’a­lié­na­tion, c’est mal­heu­reu­se­ment tou­jours actuel. En France, il y a une recru­des­cence et une dé-com­plexi­fi­ca­tion du racisme qui s’est main­te­nant ins­ti­tuée en racisme d’É­tat avec toutes les lois xéno­phobes que nous avons. Son ana­lyse du voile est aus­si actuelle. Quand il nous parle de ce qu’est l’O­NU lors de l’as­sas­si­nat de Lumum­ba, c’est aus­si très éclai­rant. L’ONU ne ser­vant que les domi­nants, pour per­mettre aux plus riches de s’en­ri­chir. Il nous pousse, encore aujourd’­hui, à réflé­chir au type de monde que nous voulons.

Fanon est arri­vé au début de la déco­lo­ni­sa­tion, lors­qu’en 1955, à Ban­dung, les peuples se sont réunis et ont dit qu’ils ne vou­laient plus de cet ordre de misère, cet ordre raciste, ils reven­di­quaient l’au­to­dé­ter­mi­na­tion. Cin­quante ans plus tard, il y a une re-colo­ni­sa­tion du monde, un racisme effron­té, aux États-Unis et même en Afrique où des élites qui ont l’es­prit for­ma­té comme les Blancs pro­duisent du racisme entre les Afri­cains. Cin­quante ans après Ban­dung donc, l’é­man­ci­pa­tion des peuples n’est tou­jours pas acquise.

Doit-on conti­nuer de se jus­ti­fier sur l’a­bat­tage de la viande hal­lal ou pen­ser vrai­ment les pro­blèmes du monde autre­ment que par la divi­sion ? On nous parle de digni­té humaine, mais nous sommes l’hu­ma­ni­té. Nul besoin de nous divi­ser. Nous reven­di­quons le droit à la digni­té humaine, le droit à la non-dis­cri­mi­na­tion, et pour l’en­semble des peuples, le droit à l’é­ga­li­té. On ne peut plus accep­ter d’être main­te­nus sous domi­na­tion. Nous sommes assez forts, car nous ne sommes pas juste ici : nous sommes en Afrique, nous sommes au Mali où ils veulent faire une par­ti­tion du pays, nous sommes en Libye où ils ont per­mis une inter­ven­tion illé­gale au regard du droit inter­na­tio­nal, nous sommes au Sou­dan où la par­ti­tion a été effec­tuée en toute vio­la­tion du droit inter­na­tio­nal, nous sommes à Mayotte qui devrait être res­ti­tuée à la grande Comores depuis 1974 alors que la France refuse de le faire, nous sommes avec tous les migrants qui sont presque la nou­velle forme d’es­cla­vage aujourd’­hui. Nous sommes tous des migrants. Même si l’on peut un peu res­pi­rer avec le nou­veau pré­sident, nous devons être là et mon­trer que les com­bats de nos pères ne sont tou­jours pas achevés.


L’arme la plus puis­sante entre les mains de l’op­pres­seur est l’es­prit de l’opprimé

Steve Biko

kosinathi_Biko.pngNko­si­na­thi Biko, fils de Steve Biko

J’ai eu deux expé­riences mal­heu­reuses en France, et je m’é­tais pro­mis de ne plus y reve­nir. La pre­mière, c’é­tait lors d’une confé­rence à Nantes. Les pro­cé­dures mises en place par la Droite nous ont cau­sés du tort et l’am­bas­sade d’A­frique du Sud nous a conseillé de quit­ter la ville. Par la suite, j’ai eu des expé­riences néga­tives, à conno­ta­tion raciste, à l’aé­ro­port. C’est Mireille France Fanon qui m’a convain­cu de reve­nir pour cette tour­née. Nous sommes les enfants de cet héri­tage, de cette his­toire, mais nous sommes aus­si des acti­vistes, des militants.

Je repré­sente la fon­da­tion Steve Biko, qui porte trois objec­tifs. Atteindre le lea­der­ship au niveau local, faire la pro­mo­tion du dia­logue public, par­ti­cu­liè­re­ment autour des sujets les plus brû­lants de l’ac­tua­li­té démo­cra­tique, et enfin dis­sé­mi­ner l’in­for­ma­tion pour la jeu­nesse sud-afri­caine. L’hé­ri­tage de Steve Biko est celui de la longue lutte du peuple sud-afri­cain. Notre expé­rience du racisme et de la dis­cri­mi­na­tion a com­men­cé à par­tir de 1652. Puis, elle s’est accé­lé­rée dans les années 1880 par la décou­verte de l’or et du dia­mant à Johan­nes­bourg. Dans les années 1910, la majo­ri­té de la popu­la­tion noire sud-afri­caine a été dépos­sé­dée de ses terres. Steve Biko est né en 1946, juste après le début de l’a­par­theid. Dans les années cin­quante, le par­ti natio­nal a gagné les élec­tions en Afrique du Sud et a mis en place un cer­tain nombre de lois qui ont dépos­sé­dé les popu­la­tions sud-afri­caines de leurs droits les plus élé­men­taires. Ils ont fait voter la loi sur la terre, la loi sur les com­mu­nau­tés qui déter­mi­nait où les gens devaient habi­ter, la loi sur l’é­du­ca­tion ban­toue, la loi sur le tra­vail réser­vé et beau­coup d’autres. L’his­toire de la résis­tance à ces lois a pris trois formes. La pre­mière a été enga­gée par l’ANC, asso­cié à la figure de Nel­son Man­de­la. La deuxième figure est le Congrès pan­afri­cain, et la troi­sième, le Mou­ve­ment de la conscience noire créé par Steve Biko. Ce mou­ve­ment a été for­mé à par­tir de luttes qui ont eu lieu sur le conti­nent afri­cain. Steve Biko connais­sait alors les luttes menées par Frantz Fanon et Mal­colm X. Ce mou­ve­ment a émer­gé à par­tir de la situa­tion d’op­pres­sion que vivaient les Sud-Afri­cains. Quand Man­de­la a été empri­son­né, en 1962, la com­mu­nau­té noire est res­tée sans lea­der. Cette période a été domi­née par la poli­tique libé­rale du gou­ver­ne­ment sud-afri­cain, orien­tée vers les inté­rêts de la popu­la­tion blanche. La com­mu­nau­té noire a cédé son pou­voir poli­tique. Le pre­mier com­bat du Mou­ve­ment de la conscience noire a été de recons­truire une iden­ti­té propre à la com­mu­nau­té noire. Ces per­sonnes étaient expo­sées à la répres­sion de l’a­par­theid et ce sont eux qui étaient donc à même d’ap­por­ter la réponse appro­priée. Dans les années 1977 il y a eu un mou­ve­ment très fort qui a affec­té non seule­ment le domaine poli­tique mais aus­si l’es­pace cultu­rel, social et beau­coup d’autres. Cela a posé un gros pro­blème au gou­ver­ne­ment sud-afri­cain. Il y eut alors beau­coup de tue­ries, dont celle de Steve Biko en sep­tembre 1977. Mais l’é­lan créé par le Mou­ve­ment de la conscience noire a redy­na­mi­sé la lutte contre l’a­par­theid, dans les années quatre-vingt et jus­qu’à la fin dans les années quatre-vingt-dix. En 1990, Nel­son Man­de­la a été libé­ré, comme beau­coup d’autres lea­ders, dont des dis­ciples de Steve Biko. Pré­sen­tés jusque-là comme des ter­ro­ristes, ils sont deve­nus les meilleurs espoirs pour le pays. En 1994, une nou­velle démo­cra­tie com­men­çait. On a fait l’er­reur de pen­ser que c’é­tait la fin de l’a­par­theid, mais ce n’é­tait que le début de cette fin. Nous avons été célé­brés par­tout comme un pays arc-en-ciel, et on n’a pas pris le temps de s’at­ta­quer au pro­blème de la cohé­sion sociale. Aujourd’­hui encore, on dis­cute autour de ce que ça signi­fie d’être sud-afri­cain. On est arri­vé à la conclu­sion qu’il fal­lait célé­brer la nation sud-afri­caine dans toute sa diver­si­té. En quelques jours pas­sés en France, je me rends compte que l’un des défis majeurs posé à cette socié­té, est de savoir ce qu’ ”être Fran­çais” signi­fie. Et on ne peut pas légi­fé­rer sur la diver­si­té en dehors de la socié­té, en dehors d’un débat public et franc. Cette dis­cus­sion doit concer­ner toutes les iden­ti­tés fran­çaises. Je suis donc heu­reux d’être ici au moment où un nou­veau pré­sident est élu, en espé­rant que ce moment sera mis à pro­fit pour redy­na­mi­ser ce débat.



Une tasse de café inté­grée n’est pas suf­fi­sante pour payer 400 ans de tra­vaux forcés

Mal­colm X

Malaak_Shabazz.pngMalaak Sha­bazz, fille de Malcolm

Mal­colm X est né en 1925 et a été assas­si­né en 1965. Il n’é­tait pas raciste, mais réa­liste. Il avait une posi­tion sans com­pro­mis contre toutes formes de dis­cri­mi­na­tion et de ségré­ga­tion basées sur la race. Il ne jugeait pas les gens sur la cou­leur de leur peau, mais sur leurs actes et com­por­te­ments envers les autres. Il croyait que la révo­lu­tion dont nous avons besoin est la révo­lu­tion des esprits. Si vous êtes debout pour rien, vous tom­be­rez à la pre­mière occa­sion. Quand mon père a été assas­si­né, ma mère était enceinte de moi et de ma sœur jumelle. Mais l’hé­ri­tage de sa phi­lo­so­phie et de ses écrits a lais­sé une trame à suivre pour tous les mili­tants. J’ai été influen­cée par ma mère, qui disait tou­jours qu’il était son pro­fes­seur. L’au­di­to­rium où il a été assas­si­né s’ap­pelle main­te­nant le Centre Mal­colmX et Bet­ty Sha­bazz. C’est un mémo­rial et un centre d’é­du­ca­tion, dont la mis­sion concerne les droits de l’homme et la jus­tice sociale. Pas juste pour les gens d’o­ri­gine afri­caine, mais pour tous les gens de cou­leur qui recherchent la jus­tice. C’est impor­tant, car glo­ba­le­ment, on a arrê­té de par­ler du racisme et de l’in­jus­tice. J’ai visi­té quelques vil­lages en France, et j’ai vu le racisme qui s’ex­prime à l’é­gard des Noirs et des musul­mans. On m’a deman­dé com­ment je pou­vais aider la France, venant d’un pays comme les États-Unis. Je me suis ren­du compte que même si les gens nous voient comme le pays de la liber­té depuis qu’un pré­sident noir a été élu, le racisme n’a pas dis­pa­ru. Sous la pré­si­dence de George Bush, son frère était gou­ver­neur de la Flo­ride. Il a fait voter la loi “stand your ground”, une loi qui a été votée dans neuf États. “Stand your ground” per­met aux Blancs qui se sentent mena­cés par un Noir ou une per­sonne de cou­leur de le tuer sans être pour­sui­vis. Tre­vor Mar­tin, un jeune noir amé­ri­cain de 17 ans, qui se bala­dait avec un soda et des bon­bons, s’est fait tirer des­sus par un homme blanc en Flo­ride. Et pen­dant une semaine, per­sonne ne l’a su. Ses parents le cher­chaient, ils ont signa­lé sa dis­pa­ri­tion à la police. Il était à la morgue, sous iden­ti­té incon­nue, alors même qu’il avait son télé­phone por­table sur lui. Quand l’af­faire a été média­ti­sée, la com­mu­nau­té noire a été scan­da­li­sée, récla­mant l’ar­res­ta­tion de l’as­sas­sin. Le crime a été décri­mi­na­li­sé car il avait été per­pé­tré par un Blanc sur un Noir. Dans le cas inverse, l’homme noir aurait été mis en pri­son immé­dia­te­ment. Une recherche a mon­tré que cin­quante autres Noirs désar­més ont été assas­si­nés de la même manière par des hommes blancs. C’est inac­cep­table qu’un homme noir se fasse tirer des­sus juste parce qu’un Blanc ne veut plus le voir dans son quar­tier. Aujourd’­hui, aux États-Unis, les attaques sur les hommes noirs de plus en plus nom­breuses. Grâce au mou­ve­ment des droits civiques des années soixante et 70, nous avons des orga­ni­sa­tions qui nous pro­tègent et nous ren­forcent en tant que mino­ri­tés. Nous ne nous lais­sons pas faire. Aux États-Unis, nous avons un for­mu­laire de natio­na­li­té, qui dis­tingue : Noir, Blanc, Asia­tique, Indien-Amé­ri­cain, et “Autre”. Beau­coup de gens, dans cette case “autre” écrivent juste “Être humain”. Nous avons ce droit d’é­crire “Être humain” grâce au mou­ve­ment des droits civiques. Un Ita­lien peut dire “je suis un Ita­lien-Amé­ri­cain”, un Chi­nois peut dire “je suis un Chi­nois-amé­ri­cain”, un Noir peut dire “je suis un Afri­cain-Amé­ri­cain”. Per­sonne ne va vous dépouiller de votre héri­tage si vous vivez dans ce pays. Ce pays devient secon­daire et votre héri­tage devient pre­mier. Mes ancêtres étaient en par­tie des esclaves. Donc je suis amé­ri­caine, mais je suis aus­si afri­caine. Je ne par­ti­rai pas des États-Unis car nous avons construit ce pays, mais je reste afri­caine. Per­sonne ne peut me reti­rer cela. Nous avons com­bat­tu pour nos droits et pour le droit amé­ri­cain. Nous avons com­bat­tu pour avoir le droit de reven­di­quer notre héri­tage et de vivre dans un pays en paix. Je pense que toute per­sonne dans le monde devrait avoir le droit de faire la même chose. Ce qui s’est pas­sé dans le pas­sé est un crime contre l’hu­ma­ni­té, mais on ne peut aller de l’a­vant qu’en recon­nais­sant ce qui s’est pas­sé. Je suis bénie d’a­voir une mère comme Bet­ty Sha­bazz, qui a trans­for­mé l’en­droit où son mari a été assas­si­né en un lieu de jus­tice glo­bale et sociale. À tra­vers cette asso­cia­tion, nous menons des débats inter­na­tio­naux, nous fai­sons par­tie de l’u­ni­ver­si­té de Colum­bia à New York, nous pro­je­tons des films indé­pen­dants que per­sonne d’autre ne montre et per­met­tons des dis­cus­sions per­mises nulle part ailleurs. C’est aus­si l’hé­ri­tage de la pen­sée de mon père.

Noé­mie Coppin

Source : afri­cul­tures