L’appareil photo, une arme révolutionnaire

Le mar­di 8 décembre 2020, Phan Thoan est mort à Hanoï, capi­tale du Vietnam.

Phan Thoan était l’auteur de la pho­to­gra­phie « La petite maqui­sarde » (« O du kich nho »), qui avait fait le tour du monde en 1965 en rai­son de son pro­fond conte­nu séman­tique, posant le sym­bole de la puis­sance mili­taire impé­riale dans la cor­pu­lence d’un pilote éta­su­nien cap­tu­ré face à la petite figure d’un gué­rillé­ra vic­to­rieuse qui l’a capturé.

Thoan, né il y a 97 ans dans la pro­vince cen­trale de Ha Tinh, au Viet­nam, a fixé l’i­mage lorsque le pilote William Andrew Robin­son a été cap­tu­ré le 20 sep­tembre 1965), à Hương Khê, dans la pro­vince viet­na­mienne de Ha Tĩnh, après que l’hé­li­co­ptère d’ar­tille­rie éta­su­nienne F4H avec lequel le mili­taire grin­go mitraillait la zone avait été abattu.

Le repor­ter vété­ran de 41 ans, à l’é­poque, a cou­ru à l’en­droit où des­cen­dait le para­chute du jeune homme de 22 ans, haut de 2 mètres et pesant 125 kgs ; quand il a fait la mise au point avec son appa­reil pho­to russe, la petite gué­rillé­ra de 17 ans„ Nguyễn Thị Kim Lai, 1 mètre et 37 kg, est appa­rue dans son viseur avec son modeste casque de guerre, fusil à la main. Le pho­to­graphe n’a pas hési­té à acti­ver l’ob­tu­ra­teur de son Zénith face à l’i­mage contras­tée qui sym­bo­li­sait sans doute l’af­fron­te­ment armé inégal dans lequel la plus grande puis­sance mili­taire du monde ten­tait de sou­mettre un petit pays de pay­sans de quelque 20 mil­lions d’ha­bi­tants, situé à l’est de la pénin­sule indo­chi­noise. En 1966, la pho­to a été pré­sen­tée lors d’une expo­si­tion natio­nale et, un an plus tard, elle a été impri­mée sur un timbre-poste qui a fait le tour de 167 pays, dont les USA.

Thoan a inti­tu­lé son œuvre « O du kich nho » (en viet­na­mien, « o » est une expres­sion ami­cale pour les femmes, uti­li­sée sur­tout dans la région cen­trale et la phrase totale se tra­duit par « La petite maqui­sarde »), et elle pour­rait très bien s’in­ti­tu­ler « David et Goliath ».

Le pilote Robin­son a pas­sé 7 ans et 5 mois dans la pri­son de Hoa Lơ de Hà nội, un endroit que les pilotes grin­gos eux-mêmes avaient bap­ti­sé « le Hil­ton de Hà nội », parce qu’ils y trou­vaient le confort le plus élé­men­taire. Ce fut l’une des plus longues déten­tions de guerre de l’his­toire mili­taire étasunienne.

Un autre pri­son­nier de Hoa Lơ était le futur séna­teur et can­di­dat à la pré­si­dence John McCain, dont l’a­vion avait été abat­tu sous le ciel de Hanoï le 26 octobre 1967. Le célèbre per­son­nage a été sau­vé par des pêcheurs dans le lac Truc Bach de Hanoï. Au bord du lac, une plaque rap­pelle le moment dra­ma­tique vécu par l’homme poli­tique éta­su­nien qui était pilote lors de l’a­gres­sion mili­taire contre le peuple vietnamien.

Trente ans après la cap­ture du pilote, en 1995, William Andrew Robin­son et la petite Nguyễn Thị Kim Lai, se sont ser­rés la main à Hanoï, mon­trant que la guerre entre les deux nations était une chose du pas­sé et qu’il n’y avait plus de ran­cune ni de haine entre les deux peuples. Des scènes comme celles-ci ont été répé­tées à de nom­breuses reprises au Viet­nam, comme les deux visites effec­tuées à la pri­son de Hoa par le séna­teur McCain. Lơ qui était né à Coco Solo, au Pana­ma, et est mort le 25 août 2017 en Arizona.