Aujourd’hui, après un combat de plus de 3 ans, la famille de Lamine Moïse Bangoura peut enfin récupérer le corps de son fils et lui offrir des funérailles. Nous sommes soulagé.e.s que la famille de Lamine puisse peut-être enfin commencer son deuil. Nous relayons ici un extrait de l’article écrit par Olivier Mukuna de Cité 24 qui retrace cette histoire. L’article est disponible dans son entièreté sur cité 24, lien ci-dessous.
Trois ans et sept mois. C’est le temps de séquestration du cadavre de Lamine Bangoura par les pompes funèbres Benhammou. Un temps cruellement long qui a empêché la famille d’enterrer leur fils aîné, décédé après avoir subi des violences policières en 2018. Le corps de Lamine a été restitué le 7 décembre et sera inhumé ce vendredi à Bruxelles. Un dénouement qui survient après une médiation collective et l’intervention, décisive, de Benoît Vangrunderbeek, directeur des VGB Funerals. Explications.
De mémoire de journaliste, la demi-heure vécue le soir du 7 décembre 2021 a charrié une émotion difficilement descriptible. Observer, dans ce funérarium vide de Zaventem, Jean-Pierre et Marthe Bangoura, en pleurs, la maman soutenue physiquement par ses deux fils cadets, se diriger vers le cercueil contenant le corps de Lamine, restera un moment que nous n’oublierons jamais…
Pour rappel, le 7 mai 2018, Lamine Moïse Bangoura est étouffé jusqu’à ce que mort s’en suive. A 27 ans, il perd la vie entre les mains de huit policiers, venus l’expulser de son domicile à Roulers, pour un défaut de payement de loyer de 1500 euros.
Trois ans et sept mois plus tard, le corps de Lamine reste séquestré par un margoulin des pompes funèbres du nom de Zakaria Benhammou. Au bout d’un an d’enquête judiciaire autorisant l’enterrement, de négociations manquées en conciliations avortées, Benhammou exige près de 30.000 € à la famille pour qu’elle puisse récupérer leur défunt. Ce montant douteux correspondrait à l’addition des frais de conservation du cadavre (25 € par jour) depuis le 8 mai 2018. Les Bangoura, famille modeste, sont dans l’impossibilité de régler cette somme prohibitive.
Le volet financier de « l’affaire Bangoura » a été dénoncé, pour la première fois, lors de la manifestation bruxelloise Black Lives Matter du 7 juin 2020. Par Jean-Pierre Bangoura lui-même. Devant plus de 20.000 personnes scandalisées par le meurtre policier de l’afro-américain George Floyd et par l’historique des crimes policiers arabo-négrophobes perpétrés en Belgique, comme ailleurs en Europe. Cette dénonciation afro-descendante — d’une affaire survenue deux ans avant à la mort de George Floyd — ne sera traitée ni répercutée par aucun média mainstream belgo-blanc. Pourtant tous présents, ce 7 juin 2020, place Poelaert à Bruxelles, pour couvrir une « manifestation arc-en-ciel » et post-confinement sans précédent dans l’histoire du plat pays…
Censure médiatique belge francophone
Fin octobre 2020, le quotidien néerlandophone De Morgen publie une enquête retentissante sur l’affaire Lamine Bangoura. Un travail méticuleux qui s’appuie sur plusieurs enregistrements audio policiers datés du jour où Lamine a perdu la vie (7 mai 2018). Nominée au prix Belfius 2020, cette enquête, signée Samira Attilah et Douglas De Coninck, ne sera reprise ou citée par aucun média belge francophone.
Début janvier 2021, c’est une vidéo-documentaire, réunissant cinq des protagonistes du dossier, que nous réalisons avec Cécilia Guypen. Diffusée sur youtube, cette production journalistique sera reprise et traitée par trois médias français (AJ+ français ; RT France et TV5 Monde) mais, à nouveau, par aucun média mainstream belge francophone.
Le Comité Justice pour Lamine diffusera ensuite une analyse percutante sur les six obstacles cadrant la séquestration négrophobe du corps de Lamine Bangoura. Suit une autre brillante articulation, signée Bepax, portant sur « la déshumanisation des corps noirs ». S’enchaînent, square Lumumba, deux rassemblements bruxellois (les 9 mai et 7 novembre) qui exigeront également la libération du corps de Lamine. Mi-juillet, c’est le philosophe franco-américain Norman Ajari qui se fend d’une tribune éclatante intitulée : « Lamine Bangoura : dire la vérité au pouvoir ».
Dans l’intervalle, le député écologiste Simon Moutquin adresse une double interpellation aux ministres belges de la Justice et de l’Intérieur. Son titre : « Lamine Bangoura : une mort qui ne peut rester sans réponses ». Elle le restera, néanmoins. Et encore une fois, comme les analyses qui l’ont précédé, cette interpellation parlementaire ne suscitera l’intérêt d’aucun média belge francophone.
Idem pour la froide colère du français Lilian Thuram exprimée dans Le Soir du 27 février 2021. L’ex-champion du monde de football 1998, désormais activiste antiraciste, n’a pourtant pris aucun détours pour fustiger l’interminable séquestration : « Je trouve honteux que le corps de Lamine Bangoura soit encore à la morgue près de trois ans après sa mort. Apparemment, il y a des personnes qui n’ont pas honte ! C’est un manque total de respect pour la personne morte et pour sa famille, ses proches. Comment faites-vous votre deuil dans ces conditions-là ? Dans toute société, il y a des rites indispensables lorsqu’il y a décès. Si vous empêchez ce rite, là aussi, cela dit quelque chose de la société dans laquelle vous vivez. »
Lire la suite de l’article sur cité 24 : https://cite24.com/le-corps-de-lamine-bangoura-a-ete-rendu-a-sa-famille-video/