Le Venezuela répond à la tentative de coup d’État

Jamais on n’avait observé une telle intensité dans le bombardement médiatique pour nous faire accepter la nécessité d’une intervention extérieure, ou d’un coup d’État, sans attendre les élections.

Ren­for­ce­ment du pou­voir citoyen et des droits sociaux, sanc­tions envers les États-Unis…

Alors qu’en 1973 il res­tait des médias occi­den­taux pour s’émouvoir du coup d’État per­pé­tré au Chi­li, ceux d’aujourd’hui scandent à l’unisson : “Pré­sident du Vene­zue­la, laisse-toi te ren­ver­ser ! C’est pour ton bien ! Renonce à défendre le choix des élec­teurs ! Renonce à la loi, à la Consti­tu­tion. Si tu arrêtes un put­schiste, nous te dénon­ce­rons comme répres­seur !”. Le bull­do­zer des news, déjà bien rodé pour créer le per­son­nage Cha­vez, a été réac­ti­vé pour fabri­quer le tyran Madu­ro qui agite au loin un poing bru­tal pour mieux écra­ser des foules fana­ti­sées alors que la voix feu­trée de l’opposition de droite ou du porte-parole de la Mai­son Blanche, de face, en plan proche, s’étonne de tant de vio­lence. Même lors du coup d’État man­qué contre Cha­vez en 2002, jamais on n’avait obser­vé une telle inten­si­té dans le bom­bar­de­ment média­tique pour nous faire accep­ter la néces­si­té d’une inter­ven­tion exté­rieure, ou d’un coup d’État, sans attendre les élections.

C’est sans doute l’erreur his­to­rique, et sui­ci­daire, de la gauche euro­péenne : ne pas avoir démo­cra­ti­sé la pro­prié­té des médias, avoir lais­sé le ser­vice public mimé­ti­ser “l’information” des grands groupes privés[[Cas récent d’une émis­sion d’ARTE : http://vivavenezuela.over-blog.com/2015/02/le-venezuela-cartes-sur-table-l-humanite.html En Europe le gou­ver­ne­ment Tsi­pras montre la voie en rou­vrant la télé­vi­sion publique fer­mée sur injonc­tion de Bruxelles et en réem­bau­chant tous ses sala­riés pour que la popu­la­tion jouisse d’un “ser­vice public démo­cra­tique et plu­riel”. Toute révo­lu­tion citoyenne devrait s’accompagner de la créa­tion d’un vaste réseau de médias popu­laires pour que les citoyens dis­posent réel­le­ment d’informations alter­na­tives.]]. Qu’arriverait-il au jour­na­liste d’un grand média qui par­le­rait des 40.000 conseils com­mu­naux et de conseils du pou­voir citoyen qui apportent la matière grise de nombre de déci­sions gou­ver­ne­men­tales au Venezuela ?

Et le Madu­ro réel ? Celui que n’isolent pas les télé­ob­jec­tifs de l’AFP et de Reuters ?

Le jeu­di 26 février, lors de la créa­tion du nou­veau Conseil des per­sonnes han­di­ca­pées et des per­sonnes âgées[[Sur la nature de ces nou­velles ins­tances de pou­voir citoyen, lire « Démo­cra­ti­sa­tion de l’État, hausse des bud­gets sociaux : Nico­las Madu­ro met les bou­chées doubles« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/12/31/democratisation-de-letat-hausse-des-budgets-sociaux-nicolas-maduro-met-les-bouchees-doubles/]], il a approu­vé les cré­dits pour octroyer 300 mille pen­sions de plus, ce qui élève les béné­fi­ciaires de ce droit à trois mil­lions de citoyen(ne)s. Il a confir­mé l’octroi de 10.000 allo­ca­tions de san­té pour mieux pro­té­ger les per­sonnes âgées. Il a féli­ci­té les employés de la nou­velle mis­sion sociale “Foyers de la patrie” qui a visi­té en une fin de semaine 200 com­mu­nau­tés popu­laires, soit 25 mille familles : “Cette métho­do­lo­gie nous per­met d’arriver direc­te­ment jusqu’aux familles en évi­tant les mafias des intermédiaires”.

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Avant d’entamer à tra­vers le ter­ri­toire un nou­veau cycle de “gou­ver­ne­ment de rue”[[Sur le gou­ver­ne­ment de rue, lire « Nous t’écoutons Clau­dia« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/05/06/nous-tecoutons-claudia/]] Madu­ro a rap­pe­lé l’idée cen­trale de sa poli­tique : mal­gré la guerre éco­no­mique[[« Tout ce que vous avez tou­jours vou­lu savoir sur les files d’attente au Vene­zue­la sans jamais oser le deman­der« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/07/tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-les-files-dattente-au-venezuela-sans-jamais-oser-le-demander/]] et la chute des prix du pétrole, pas d’austérité mais l’approfondissement d’un État social et par­ti­ci­pa­tif. “Comme le dit le maire Rodri­guez, on nous agresse parce que nous sommes un gou­ver­ne­ment des pauvres. Il n’y a que dans le socia­lisme que les res­sources sont admi­nis­trées en fonc­tion de celui ou celle qui en a besoin”. Pen­dant cette assem­blée un gros dos­sier arrive aux mains de Madu­ro. Ani­bal, affec­té d’une inca­pa­ci­té de l’ouïe, un des porte-paroles du nou­veau conseil natio­nal, prend la parole en lan­gage de signes : “Nous sommes 120 porte-paroles venus des 24 états du pays, nous avons tra­vaillé ensemble sur ces pro­po­si­tions”. “C’est pour cela que j’ai créé les conseils de gou­ver­ne­ment popu­laire, pour que le peuple prenne le pou­voir, pour qu’il assume le pou­voir poli­tique, pour qu’il se conver­tisse en peuple pré­sident” lui répond Madu­ro. [[Voir le point (2) sur la démo­cra­ti­sa­tion de l’État.]]

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Le same­di 28 février lors d’une mobi­li­sa­tion popu­laire contre l’ingérence des États-Unis (pho­to), le pré­sident a pour­sui­vi : The Wall Street Jour­nal a écrit récem­ment que l’heure est venue de m’appeler tyran, je réponds : je serais un tyran parce que je ne me laisse pas ren­ver­ser ? Et si je me laisse ren­ver­ser, je serais un démo­crate ? Le peuple devrait per­mettre que s’installe un « gou­ver­ne­ment de tran­si­tion », éli­mi­nant la Consti­tu­tion ? Je ne le per­met­trai pas et s’il le fal­lait je me bat­trai dans la rue avec le peuple et nos forces armées. Nous vou­lons construire la paix, la sta­bi­li­té la coexis­tence, la vie en com­mun. Que ferait le pré­sident Oba­ma si un coup d’État était orga­ni­sé contre son gou­ver­ne­ment ? Celui qui per­siste dans ses acti­vi­tés ter­ro­ristes, put­schistes, celui qui agit hors de la Consti­tu­tion, sera arrê­té pour être jugé même si The Wall Street Jour­nal ou le New York Times m’appellent le tyran, ce n‘est pas la tyran­nie, non, c’est tout sim­ple­ment la loi.”

Durant cette marche qui a par­cou­ru les rues de Cara­cas, Madu­ro a signé un décret indem­ni­sant 74 familles de vic­times du “Cara­ca­zo”[[« Com­ment la plu­part des jour­na­listes occi­den­taux ont ces­sé d’appuyer la démo­cra­tie en Amé­rique Latine », https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/03/16/comment-la-plupart-des-journalistes-occidentaux-ont-cesse-dappuyer-la-democratie-en-amerique-latine/]] : en 1989, après deux jours d’émeutes popu­laires qui sui­virent l’application des mesures néo-libé­rales exi­gées par le FMI, le pré­sident social-démo­crate Car­los Andrés Pérez avait sus­pen­du les garan­ties consti­tu­tion­nelles et avait envoyé l’armée “réta­blir l’ordre”. En 72 heures, 2000 à 3000 furent assas­si­nées. Madu­ro a rap­pe­lé que cette même aus­té­ri­té de choc fait par­tie du pro­gramme que la droite véné­zué­lienne avait pré­vu d’appliquer en cas de suc­cès du coup d’État le 12 février 2015[[Lire « L’«accord de tran­si­tion » Macha­do-Ledez­ma-Lopez : ce que révèle et ce qu’occulte le pro­gramme de la droite véné­zué­lienne en cas de suc­cès d’un coup d’Etat« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/22/laccord-de-transition-machado-ledezma-lopez-ce-que-revele-et-ce-quocculte-le-programme-de-la-droite-venezuelienne-en-cas-de-succes-dun-coup-detat/]]. Jusqu’à l’élection de Hugo Cha­vez, aucun gou­ver­ne­ment n’avait accep­té de recon­naître les fosses com­munes, les dis­pa­ri­tions, et les tor­tures. Les 74 indem­ni­sa­tions décré­tées par Madu­ro s’ajoutent aux 596 accor­dées à d’autres familles par le gou­ver­ne­ment bolivarien.

Par ailleurs, le pré­sident a annon­cé quatre mesures en réponse aux sanc­tions impo­sées par les États-Unis en vio­la­tion du Droit inter­na­tio­nal et dénon­cées par l’ensemble des pays latino-américains[[Lire « L’Amérique Latine serre les rangs autour du Véné­zué­la : les États-Unis iso­lés (avec décla­ra­tion inté­grale du som­met de la CELAC)« , https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/02/05/lamerique-latine-serre-les-rangs-autour-du-venezuela-les-etats-unis-isoles-avec-declaration-integrale-du-sommet-de-la-celac/]], ain­si qu’aux 168 décla­ra­tions offi­cielles émises par l’administration Oba­ma contre le gou­ver­ne­ment boli­va­rien de 2014 à 2015 :

– L’entrée du ter­ri­toire véné­zué­lien est inter­dite aux fonc­tion­naires éta­su­niens com­plices d’actes ter­ro­ristes, de vio­la­tions de droits de l’homme, de crimes de guerre. Par­mi ceux-ci l’ex-président George W. Bush, l’ex-vice-président Dick Che­ney ; l’ex-directeur de la CIA George Tenet, notam­ment liés au mas­sacre de cen­taines de mil­liers d’irakiens sur la base du men­songe des “armes de des­truc­tion mas­sive” et à la créa­tion de centres de tor­ture – pri­sons secrètes en Europe, Abu Ghraib, Guan­ta­na­mo, etc… « Inter­dit aus­si d’accorder des visas aux citoyens amé­ri­cains qui ont vio­lé les droits humains et ont bom­bar­dé des popu­la­tions civiles « . La déci­sion concerne aus­si les congres­sistes d’extrême droite Bob Menen­dez, Mar­co Rubio, Ilea­na Ross-Leh­ti­nen et Mario Diaz-Balart, proches du réseau ter­ro­riste du cubain Posa­da Car­riles qui vit actuel­le­ment aux USA sous la pro­tec­tion des autorités.

– Adé­qua­tion du nombre de fonc­tion­naires de l’Ambassade des États-Unis à Cara­cas. Le gou­ver­ne­ment éta­su­nien y main­tient plus de 100 employés alors que seule­ment 17 fonc­tion­naires véné­zué­liens sont auto­ri­sés à tra­vailler à l’ambassade véné­zué­lienne à Washing­ton. La chan­ce­lière Del­cy Rodri­guez a rap­pe­lé que cette facul­té de deman­der l’équilibre du nombre échoit à tout gou­ver­ne­ment en ver­tu de la Conven­tion de Vienne.

– Réci­pro­ci­té en matière de visas : “Les citoyens véné­zué­liens qui voyagent aux États-Unis doivent payer pour obte­nir un visa. A pré­sent, pour réta­blir l’égalité de trai­te­ment, les éta­su­niens qui nous visitent, devront obte­nir un visa et payer ce que paye un Véné­zué­lien qui voyage aux États-Unis”.

– “Finies, les réunions des fonc­tion­naires éta­su­niens pour conspi­rer sur notre ter­ri­toire”: Les res­pon­sables de l’ambassade éta­su­nienne à Cara­cas ont été infor­més que doré­na­vant « toute réunion réa­li­sée par eux au Vene­zue­la devra être noti­fiée et approu­vée par le gou­ver­ne­ment du Vene­zue­la« , confor­mé­ment aux articles 41 et 41.2 de la Conven­tion de Vienne. Madu­ro a révé­lé : « nous avons détec­té et cap­tu­ré cer­tains éta­su­niens enga­gés dans des acti­vi­tés secrètes, notam­ment d’espionnage, essayant de recru­ter des gens dans les vil­lages fron­ta­liers avec la Colom­bie et sous influence para­mi­li­taire. Dans l’État du Táchi­ra nous avons cap­tu­ré un pilote d’avion éta­su­nien d’origine lati­no-amé­ri­caine, avec toute sorte de docu­ments. Il est en train de faire des révélations”.

En conclu­sion de son dis­cours, Madu­ro a réaf­fir­mé son res­pect pour le peuple éta­su­nien ain­si que pour la com­mu­nau­té afro-amé­ri­caine, his­pa­nique et caraïbe sou­vent vic­times des vio­la­tions de droits de l’homme de la part de leur propre gou­ver­ne­ment, rap­pe­lant que ces mesures ne sont pas prises contre eux, mais contre l’élite qui per­siste à s’ériger en poli­cier mon­dial et à refu­ser de res­pec­ter le prin­cipe de souveraineté.

Thier­ry Deronne., Cara­cas, 1er mars 2015

Source de l’ar­ticle : vene­zue­lain­fos


Notes :