L’enfer dans tous les sens du terme

Par Mor­te­za Rezai

/

Maqshosh

EN LIEN :

Témoi­gnage rec­ceuilli par Maq­shosh.

Témoi­gnage de Mor­te­za Rezai, un des réfu­giés ayant sur­vé­cu à l’in­cen­die de Moria et vivant actuel­le­ment dans le camp tem­po­raire sur l’île de Lesbos

Dans ce camp de Les­bos, les céli­ba­taires ont été sépa­rés des familles. Les pre­miers jours, nous n’a­vions pas accès à l’élec­tri­ci­té. On nous a appor­té de l’eau dans des camions-citernes, il y avait peu de toi­lettes et on avaient tous la nau­sée. Plus tard, ils ont ouvert un centre médi­cal. Mais l’ac­cès à l’élec­tri­ci­té reste assez dif­fi­cile. La rai­son pour laquelle nous avons dû retar­der cette inter­view est jus­te­ment que je n’a­vais pas accès à l’électricité.

Je pense qu’à ce jour, tous les réfu­giés ont reçu une aide psy­cho­lo­gique, à l’ex­cep­tion des arri­vées de der­nière minute. Les deman­deurs d’a­sile ont besoin de trois cartes dis­tinctes pour rem­plir leurs papiers, mais l’O­NU n’a pas encore ouvert son bureau des réfu­giés dans le camp, de sorte que de nom­breuses cartes brû­lées ou endom­ma­gées dans l’in­cen­die de Moria [sep­tembre 2020] n’ont pas été réim­pri­mées. Si nous pro­tes­tons, on nous dit que nous devons attendre que l’O­NU ouvre son bureau.

Moria c’é­tait l’en­fer dans tous les sens du terme. Je vivais dans la sec­tion néer­lan­daise, mais en rai­son de la sur­po­pu­la­tion, les gens plan­taient des tentes des deux côtés de la route et il n’é­tait pas facile d’ac­cé­der aux ser­vices ou à la nour­ri­ture. La loi et l’ordre n’é­taient pas res­pec­tés dans le camp et la police grecque ne s’en sou­ciait guère.

Les familles manquent de pro­duits de pre­mière néces­si­té et de longues files d’at­tente se forment pour l’eau. La popu­la­tion est si nom­breuse qu’un seul membre d’une famille peut faire la queue pen­dant deux heures pour de la nour­ri­ture tan­dis qu’un autre attend le même temps pour de l’eau. Dès que le petit-déjeu­ner est ser­vi à huit heures du matin, de longues files d’at­tente se forment et se pour­suivent jus­qu’à onze heures, et il n’y a même pas assez pour tout le monde.

Mais ce n’est pas notre plus gros pro­blème. Le plus gros pro­blème est de faire trai­ter nos demandes d’a­sile et de pou­voir trou­ver une jus­tice en tant que réfu­giés. Lors­qu’une per­sonne est contrainte de deve­nir un réfu­gié, elle peut sup­por­ter le manque d’eau, d’élec­tri­ci­té ou de nour­ri­ture, car ce qu’elle sou­haite le plus, c’est que sa demande d’a­sile soit exa­mi­née. Mais en arri­vant ici, moi et d’autres réfu­giés qui ont ris­qué de graves dan­gers pour deman­der l’a­sile, nos espoirs sont anéan­tis et nos rêves sont presque impos­sibles à réaliser.

Des conflits inter­ra­ciaux appa­raissent en rai­son des condi­tions de vie dans le camp. Méde­cins sans fron­tières a aver­ti à plu­sieurs reprises que la situa­tion dans le camp est cri­tique car les réfu­giés sont sou­mis à une forte pression.

Le pre­mier jour où je suis arri­vé au camp, on m’a deman­dé mes coor­don­nées géné­rales et on m’a ins­crit. Après six mois, c’é­tait mon tour d’être inter­ro­gé sur ma demande d’a­sile. Mais la poli­tique a ensuite chan­gé et ils ont déci­dé d’in­ter­ro­ger les réfu­giés arri­vés au camp après 2020. Cela a entraî­né un retard dans les entre­tiens avec les réfu­giés comme moi. Fina­le­ment, ils ont pu m’in­ter­ro­ger et j’at­tends une réponse à ma demande d’a­sile, mais on ne sait pas quand je rece­vrai une réponse.

La situa­tion n’a pas beau­coup chan­gé lorsque l’é­pi­dé­mie de covid-19 a com­men­cé. De temps en temps, on nous  donne des masques jetables de mau­vaise qua­li­té. Ceux qu’ils ont dis­tri­bués à Moria étaient de mau­vaise qua­li­té, mais dans le camp tem­po­raire de Les­bos, ils sont un peu mieux. Ils n’ont pas mis en place de cli­niques spé­ciales pour trai­ter les cas de covid-19, mais ils ont dési­gné une sec­tion du camp pour la qua­ran­taine des malades.

L’in­cen­die de Moria était ter­rible. Elle s’est répan­due si vite que nous avons à peine eu le temps de faire nos bagages et de fuir. Les jours sui­vants, nous avons dor­mi sur le sol. La situa­tion était très dif­fi­cile. Il n’y avait pas de latrines et la seule source d’eau était un robi­net qui n’é­tait là que pour l’ar­ro­sage. A cette époque, nous l’u­ti­li­sions pour nous laver, nous laver et boire. Les pre­miers jours, nous avons pré­pa­ré de la nour­ri­ture avec l’argent qui nous res­tait, mais les jours sui­vants, les orga­ni­sa­tions d’aide nous ont don­né des colis de nourriture.

Nous étions plus éloi­gnés des autres réfu­giés et plus proches du camp détruit de Moria. Un matin de bonne heure, la police est venue et nous a obli­gés à faire nos bagages et à nous dépla­cer vers le camp tem­po­raire sur l’île.