Nous sommes des immigrés et des enfants d’immigrés refusant de jouer le jeu de l’invisibilité et de l’assimilation qu’on nous impose. Nous clamons haut et fort notre existence, nous ne resterons pas dans les quartiers, dans les écoles, dans les métiers, dans les destins qui nous sont assignés. Nous ne resterons pas muets face à cette culture coloniale et raciste qui vient nous frapper au visage quotidiennement. Du boulevard Léopold II à la rue des colonies, la capitale européenne ne manque pas de références et d’allégeances à un passé sanglant. Et le sang qui a coulé, c’est celui des nôtres, les morts oubliés, ce sont les nôtres, c’est notre histoire qu’on insulte.
Nous ne changerons pas ce que nous sommes, nous ne changerons pas nos prénoms et nos noms. Nous ne changerons pas notre culture, ni nos manières de nous habiller et de vivre. Nous ne changerons pas nos croyances, pour nous insérer dans une société qui ne nous considère que comme citoyens de seconde zone ou étrangers. Nous ne vendrons pas ce que nous sommes pour vivre une vie d’acharné à peine considéré, pour faire fonctionner un système qui exploite partout dans le monde, un système qui est allé jusqu’à vendre les siens au nom du profit…
L’immigration n’est pas un privilège que l’on nous a accordé, c’est un préjudice qui puise ses racines dans le colonialisme. On ne nous a pas sauvés de notre ignorance, de nos guerres ou de notre pauvreté, on nous a plongés dedans. A force de manipulation et d’ingérence les puissances coloniales ont semé le chaos et la pauvreté sur quatre continents : l’Afrique, l’Amérique du sud et l’Asie, l’Océanie.
Nous sommes né-e‑s noir-e‑s, arabes, métis-ses, dans une société blanche. Nous sommes allés en tant que noir-e‑s, arabes, métis-ses, dans des écoles blanches. Des écoles imprégnées des mécanismes coloniaux, où la question des peuples colonisés est totalement invisibilisée. Parler de l’esclavage sans parler de la révolte des esclaves haïtiens, de la décolonisation sans parler de Patrice Lumumba, ou Cabral Amilcar, c’est rendre un service à l’idéologie coloniale.
Pourquoi faire un scandale quand Nicolas Sarkozy dit que l’homme africain n’est pas rentré dans l’histoire quand la majorité le pense, parce que cette histoire a décidé de rayer tous ceux à la peau foncée. Nous travaillons en tant que noir-e‑s, arabes, métis-ses, dans des entreprises, dans des lieux à majorité blanche. Nous sommes noir-e‑s, arabes, métis-ses, nous sommes forcés de nous définir par notre couleur de peau ou plutôt notre non-couleur de peau. Nous ne sommes pas blanc et c’est cela qui détermine notre place dans la société actuelle. C’est le fait d’être noir-e‑s, arabes, métis-ses, qui détermine si l’on a un job, c’est ce fait qui détermine si l’on a un appart, c’est encore ce fait qui détermine la façon dont vous comporterez avec nous et c’est toujours ce fait qui détermine notre engagement.
Le racisme n’as pas disparu, il s’est juste invisibilisé. Il ne se résume pas aux relations individuelles, il n’est pas uniquement prôné par quelques individus atomisés, il n’est pas qu’à l’extrême droite, il est partout, tout le temps. C’est l’organisation de la discrimination raciale à l’échelle de la société. C’est pour cette raison que nous ne parlerons jamais de racisme anti-blanc. La société ne vous discrimine pas parce que vous êtes blanc. Elle vous discrimine pour votre statut social ou parce que vous êtes une femme mais jamais parce que vous êtes blanc. La volonté de créer un groupe antiraciste non-mixte nait de plusieurs constats. L’échec de l’antiracisme institutionnel, l’écart entre ceux qui luttent pour les racisé-e‑s et les racisé-e‑s eux-mêmes. Le racisme et les discriminations qu’il engendre peuvent être compris par ceux qui n’en sont pas victimes, mais il ne peut disparaitre que par leurs seuls efforts. Les lois antiracistes ne suffisent pas à elles seules pour dissoudre ce mal de la société. La loi n’a pas aboli le racisme mais son expression.
Nous sommes bien déterminés à assainir un nombre infini de coups à la structure actuelle de la société, à faire apparaitre au grand jour les mécanismes racistes, à nous opposer à toute forme de paternalisme, à nous opposer aussi à un antiracisme institutionnel et/ou moral qui n’a fait jusqu’alors qu’invisibiliser la question structurelle du racisme, à nous battre contre toute forme de récupération. Notre antiracisme est révolutionnaire pas réformiste, notre antiracisme passe par la chute du système capitaliste et par la régularisation de tous les sans-papiers. Il passe par l’autonomie de tous les racisé-e‑s. Notre antiracisme est politique. Et par ce texte « Nous déclarons notre droit sur cette terre à être des Hommes, à être respectés en tant qu’être humain, à jouir des droits d’un être humain, dans cette société, sur cette terre, aujourd’hui, ce que nous comptons faire exister par tous les moyens nécessaires.* »
*citation : El-Hajj Malik El-Shabazz aka Malcolm X
n.v.anticoloniale@gmail.com
Source de l’article : La Nouvelle Voie Anticoloniale sur FB — JOC Bruxelles