Ana Belén Montés entamera sa seizième année de détention et cette date coïncide avec la Journée Internationale pour la Paix.
Le 21 septembre prochain, Ana Belén Montés entamera sa seizième année de détention et cette date coïncide avec la Journée Internationale pour la Paix.
Etant donné qu’à la mi-août, le président Obama a déclaré qu’il ne comptait ni libérer ni échanger Ana Belén Montes, nous lui écrivons à l’occasion de cette Journée Internationale :
Monsieur le Président Obama
The White House
1600 Pennsylvania Avenue N.W.
Washington DC 20500 (USA)
le 7 septembre 2016
Monsieur le Président,
Le 21 septembre prochain, le quinzième anniversaire de l’arrestation d’Ana Belén Montes coïncidera avec la journée Mondiale de la Paix.
Heureuse coïncidence fortuite car les deux événements sont intimement liés. Que serait en effet notre monde aujourd’hui, si Ana Belén Montes n’avait pas présenté aux présidents George W. Bush et Bill Clinton des rapports où elle affirmait que Cuba n’était pas une menace pour la sécurité nationale des États-Unis ? Dans quelle folle aventure votre pays se serait-il lancé qui aurait pu embraser la planète ?
Au lieu de vous réjouir que votre pays ne se soit pas engagé dans une opération militaire, vous qui avez reçu le Prix Nobel de la Paix, le Département d’État en votre nom, et en réponse à une lettre de Devin Nunes qui préside le Comité Spécial Permanent de l’Intelligence de la Chambre des Représentants, a écrit le 19 août qu’Ana Belén Montes ne serait ni libérée ni échangée. Vous lui reprochez dans cette lettre de ne pas avoir manifesté de regrets pour son action d’espionnage. Mais comment pourrait-elle regretter d’avoir évité un bain de sang à des populations innocentes, tant cubaines qu’étasuniennes, elle qui a obéi à sa conscience plutôt qu’à la loi des États-Unis ? Lorsque des chemins divergent, il y a nécessité d’en choisir un et il n’en est qu’un ! Elle l’a exprimé clairement lors de son procès et ne renie rien de ses paroles.
Lors de la reprise des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba, le monde a respiré, et vos paroles à la Havane qui allaient vraiment dans le sens de celles prononcées par Ana Belén Montes dans sa plaidoirie, étaient source d’espoir.
Cet espoir s’amenuise quand on voit que le changement tant attendu n’avance que si peu, voire même recule comme lorsque votre gouvernement manifeste l’intention de vouloir supprimer à la fondation interreligieuse IFCO son statut d’organisme sans but lucratif. Même le gouvernement de George W. Bush ne s’y est pas risqué ! Les donateurs n’auraient ainsi plus droit à une réduction de leurs impôts et cela manifeste la volonté de porter le coup de grâce à cette association largement reconnue et respectée des Pasteurs pour la Paix qui depuis un quart de siècle organise notamment, car son champ d’action est nationalement et internationalement beaucoup plus large, des caravanes de l’amitié en solidarité avec le peuple cubain et en opposition avec le blocus. Cette fondation permet aussi à des étudiants pauvres des États-Unis d’étudier la médecine à l’école latino-américaine de médecine de Cuba.
Monsieur le Président, votre mandat s’achève dans quelques mois, puissiez-vous écouter votre conscience comme Ana Belén Montes a écouté la sienne, et partir en ayant prouvé au moins par un geste fort votre sincérité d’entretenir de bonnes relations entre les Etats-Unis et Cuba. Agissez en humaniste digne de votre prix Nobel de la Paix, libérez Ana Belén Montes !
Recevez, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments humanistes les plus sincères.
Jacqueline Roussie — 64360 Monein (France)
Maurice Lecomte — 13007 Marseille (France)
À Cuba, on a bien relevé l’ absence de regrets du Président Obama quant aux conséquences inévitablement génocidaires du blocus, lequel n’est pour lui qu’une erreur politique de casting. Au japon il n’a pas présenté non plus les excuses des États-Unis relativement à Hiroshima où la mort est venue les 6 août 1945 à 8 heures 16 minutes 45 secondes non du ciel mais du largage de Little Boy par l’Enola Gay, et à Nagasaki le 9 août 1945 à 11 heures 2 minutes du largage de Fat Man par Bockscar sur injonction du président Truman.
Ici se trouvait une ville
Qui portait un nom
Détritus et cendres — amen-
En ont pris la place.
Ceux qui hier encore
Ici allaient et venaient
Y sont aujourd’hui –amen-
Couchés sous terre.
Que nul n’y touche
Pour que ce cadre désolé
Révèle ce que vous –amen-
Vous êtes fait à vous-mêmes.
« Inscription sur un tas de détritus », 1945.
Aujourd’hui nous avons largement dépassé la capacité d’éteindre l’humanité pour atteindre le Rien, de retirer l’humanité de l’histoire du cosmos. Nous nommons ce genre de positionnement, duplicité.
Et voilà que nous apprenons que le Recouvrement du Trésor Public des États-Unis en négation du statut d’organisme caritatif à but non lucratif de l’IFCO-Pasteurs pour la Paix impose sa Caravane humanitaire annuelle pour Cuba !
Alors notre lettre fait le lien avec cette nouvelle répression et nous demandons aussi au Président Obama de ne pas s’en prendre à la fondation IFCO-Pasteurs pour la Paix.
Liberté pour Ana Belén Montes militante internationaliste pour la Paix et refus du Blocus étendu à la caravane humanitaire pour Cuba des Pasteurs pour la Paix. Ces combats sont le même. Puisse Obama s’accorder avec lui-même !
En plus de notre lettre, nous joignons un texte très émouvant et dont nous partageons le contenu, écrit par Miriam, cousine germaine d’Ana. Il révèle la personnalité attachante d’Ana.
Nous vous joignons aussi un article interview qui nous fait mieux connaitre qui sont les Pasteurs pour la Paix, et leur problème présent, qui loin de n’être que le leur, est celui de la construction et activation de notre solidarité de classe.
Bonne lecture et n’oubliez pas, si vous le souhaitez, de signer la pétition ensoutien d’IFCO – Pasteurs pour la Paix.
Jacqueline Roussie et Maurice Lecomte.
Ana Belén Montes, une citoyenne du monde
Lors des 8èmes Rencontres Continentales en Solidarité avec Cuba, les 28 – 30 Juillet 2016, en République Dominicaine, a été faite la présentation d’Ana Belén Montes.
Il y a quelques années le leader pacifiste indien Mahatma Gandhi a dit : “Il existe une cour supérieure de justice et c’est la cour de la conscience. Elle surpasse toutes les autres juridictions”.
Ana Belén Montes a décidé d’obéir à sa conscience plutôt que d’obéir à la loi. Cette obéissance à sa conscience lui a valu une peine d’emprisonnement de 25 ans dans une prison de haute sécurité. De l’extérieur, le bâtiment ressemble à un immense réservoir de la couleur des tombes. Il est ceinturé d’une piste de gazon, vert et sain, comme pour résister à la sensation que les espaces désolés produisent. Mais depuis l’intérieur de l’édifice, il est impossible de remarquer la vie qui palpite dans le monde. À peine s’il a des fenêtres. En son sein, l’endroit pue l’urine et les excréments.
Les murs blancs monotones du Centre Médical Fédéral Carswell, situé à Fort Worth au Texas, contiennent dans l’une de ses cellules une prisonnière qui diffère de la population générale. Là, les femmes crient, griffent, mordent, trépignent, détruisent, paniquent, ou se précipitent à mourir. Elle, cependant, a construit pour elle-même une bulle. Depuis ce lieu de protection, elle voit tout, entend tout, ressent tout ; mais ne meurt pas. Si se cassait sa bulle, elle habiterait une enceinte orageuse. D’une certaine manière, Ana a réussi à préserver ce qu’elle a toujours été. À tout le moins, cette personne ayant frémi à l’injustice et choisi la solidarité avec les maltraités. Elle a des yeux brillants et l’esprit éveillé.
Il y a quatorze ans qu’Ana Belén Montes survit dans l’enfer Carswell. Elle se réveille chaque matin pour faire face pareillement à la veille : privée de contact avec la nature, de l’embrassade de ses aimés, de conversations cohérentes et d’une atmosphère nourrissant son sentiment de valeur. Heureusement, sa conscience respire la paix. Elle sait qu’elle n’aurait pas pu vivre avec la pensée tranquille si elle avait ignoré le peuple cubain. Il s’agissait d’un pays assiégé par un autre pays. L’un était puissant et avide de domination. L’autre, le Cubain, décidé à construire un système de gouvernement par lui-même.
C’était en l’année 1985. À cette époque, Ana Belén avait obtenu un emploi dans l’Agence d’Intelligence de Défense, connue ce jour sous le nom de DIA. C’est elle-même qui a décidé de solliciter du travail là, après avoir obtenu une maîtrise en Études Internationales à l’Université Johns Hopkins. Ana a été une étudiante exceptionnelle. À peine quelques années auparavant elle avait été graduée d’un diplôme en Relations Étrangères à l’Université de Virginie. Son intelligence, sa pensée analytique et son haut niveau de responsabilité ont fait qu’elle a réussi à escalader des positions d’une plus grande influence. Elle a été affectée au Staff de la Base de la Force Aérienne à Washington, où elle a travaillé en tant que spécialiste de la recherche de renseignements. En 1992, elle a rejoint le Pentagone en tant qu’analyste. Au moment de son arrestation, en 2001, Ana Belén était l’une des analystes spécialisés pour Cuba.
Ana compris le moteur idéologique qui anime les pays prépotents. Elle a su ce qu’ils étaient et sont en mesure de faire pour imposer leur entreprise dans des pays étrangers. Les interventions des États-Unis dans les pays d’Amérique latine sont aussi vieilles que le pays lui-même. Le Nicaragua, le Guatemala, El Salvador, le Mexique, le Chili, la République Dominicaine, Puerto Rico, entre autres, ont fait l’objet de manœuvres illicites de la part du gouvernement étasunien. Toute cette histoire s’est sédimentée dans sa mémoire.
Ana a travaillé depuis les entrailles du pays puissant. À ce moment là, la politique de la nation étatsunienne comptait plus de trente ans d’imposition de pénalités au peuple cubain. Aujourd’hui elle dépasse un demi-siècle d’agressions et d’hostilités. Ana aurait pu poursuivre ce long terme. Après tout, il ne s’agissait ni de son pays, ni de son peuple. Elle aurait pu garder le silence. Faire ce que tant ont fait. Se limiter à effectuer son travail, et voilà tout. Ignorer ce qui semblait impossible à changer. Mais ses intestins à elle ont été tordus chaque fois qu’elle remarquait un crime d’État contre Cuba. Un autre crime, et un autre. Elle a choisi le chemin qu’assument quelques-uns. Le risque est très grand. La liberté personnelle est jouée. Et même, sa propre vie. C’est le même désir de justice qui a conduit Martin Luther King, le Mahatma Gandhi, Simón Bolivar, Nelson Mandela, et bien d’autres héros et héroïnes que l’histoire a connus et reconnus. Elle s’est livrée comme ils l’ont fait avec un engagement sans compromis devant le déshonneur, bien que chacun ait pris des chemins différents dans la lutte qu’ils ont choisie. Dans le fond, la même fin humanitaire les contraignait. Par cela, ils ont été en capacité d’élever la voix et à se mobiliser. Par cela, ils ont vibré aux principes qui nous ont faits voisins humains et bons. Par cela, ils ont stimulé le sens de la dignité ; Ils ont défendu le droit à l’autodétermination ; Ils ont résisté à la marée de la politique écrasante ; Ils ont transgressé l’injustice créée, propre au bras oppresseur.
Peut-être à son insu, Ana Belén s’est insérée dans la tradition de la lutte Antillaise, comme l’a énoncé Ramón Emeterio Betances voilà plus d’un siècle. Depuis lors, la Confédération Antillaise a poursuivi sa lutte pour en finir avec le colonialisme européen aux Antilles, au travers de la consolidation des Grandes Antilles dans un organisme régional qui aiderait à préserver la souveraineté de la République dominicaine, de Cuba et de Porto Rico. D’autres patriotes ont adopté la même idée solidaire de Betances : Eugenio Maria de Hostos, José Martí, Gregorio Luperón, Juan Rius Rivera, Pedro Albizu Campos, Juan Antonio Corretjer Montes, Juan Mari Brás et Rubén Berríos, entre autres. La lutte continue toujours.
Le 16 Juillet 1867, le Comité révolutionnaire de Porto Rico a émis la proclamation suivante : “Cubains et portoricains, unissez vos efforts, travaillez de concert, nous sommes frères, nous sommes un en disgrâce ; nous sommes un aussi dans la Révolution et l’indépendance de Cuba et de Porto Rico ! Ainsi, demain nous pourrons former la confédération des Antilles”.
Comme si elle avait dans son sang les postulats héroïques du leader antillais, Ana Belén Montes, de parents portoricains, née en Allemagne, ayant grandi aux États-Unis d’Amérique, a offert sa vie pour que Cuba puisse préserver son droit à l’autodétermination, et ce, malgré les pressions imposées par l’empire nord-américain.
Ana Belén a eu l’occasion entre ses propres mains. Le système étasunien lançait de nouvelles attaques contre Cuba. Ana s’est trouvée déchirée entre deux options : agir ou rester silencieuse. Soit se faisant complice des agressions, soit dénonçant la main criminelle. Elle a ressenti la peur. Elle était consciente des conséquences de son action. Elle savait que, si découverte, elle ferait face à une condamnation à perpétuité. Et même à la possibilité de la peine de mort. Ce faisant, Ana n’a rien reçu en retour. Pas d’argent, pas de faveurs, aucune reconnaissance. Peut-être, la solitude qu’impose un travail clandestin requérant une extrême discrétion, et la peur d’être prise. Mais la voix de sa conscience a été plus forte. Elle s’est armée en valeur. Elle a essayé de contribuer à ce que le pays caribéen se protège du terrorisme d’État organisé et financé par les États-Unis. Ce fut son crime.
Ana Belén a été arrêtée le 21 Septembre 2001, à son propre bureau. Les agents de sécurité ont apporté un fauteuil roulant pour la neutraliser, si nécessaire. Cela n’a pas été nécessaire. Pale et silencieuse, Ana a marché debout et la tête haute.
Un an plus tard, le 16 Octobre 2002, Ana faisait face à la Cour Fédérale des États-Unis. 25 ans d’emprisonnement dans une prison de sécurité maximale lui ont été infligés après qu’elle ait plaidé coupable de complot d’espionnage pour la Direction du Renseignement de Cuba. Avec sa fermeté habituelle, elle a lu ses déclarations à la Cour Fédérale, révélant les principes et les valeurs l’ayant conduite à protéger le peuple cubain de la politique hostile des États-Unis. Dans son plaidoyer, elle a proclamé :
“Honorable, je me suis impliquée dans l’activité qui m’a amené à vous parce que j’ai obéi à ma conscience plutôt qu’à la loi. Je considère que la politique de notre gouvernement envers Cuba est cruelle et injuste, profondément hostile, et je me suis considéré comme moralement obligée d’aider l’île à se défendre de nos efforts pour lui imposer nos valeurs et notre système politique”.
Ana Belén est ma cousine germaine. Bien que vivant toutes deux dans des pays différents (elle, aux États-Unis et moi au Porto Rico), nous avons toujours maintenu une correspondance et nous nous sommes visitées durant quelques étés.
Encore enfant, je me suis sentie en admiration d’Ana. Je me souviens de sa tendance à l’étude, de son attitude réflexive, de sa discrétion. Elle a toujours démontré de bons sentiments envers ses parents, ses frères, sa grand-mère et ses tantes. Elle m’a toujours semblé sensible, gentille, attentive aux autres et aimante avec sa famille. J’ai même voulu imiter jusqu’à mes douze ans, sa longue chevelure brillante. Au fil du temps, le respect envers ma cousine a crû. J’ai observé son sens éthique, sa capacité à faire preuve de solidarité envers les plus pauvres, et son attitude désintéressée envers les autres. Une fois, au cours d’un été où elle se trouvait à la maison, elle a pris l’initiative de contribuer financièrement en faveur d’un couple de gens modestes venant de contracter mariage. Ana avait seize ou dix-sept ans. Elle ne les connaissait pas, n’avait pas été invitée à la noce, mais sa générosité l’a mue à leur faire une offrande, de façon anonyme, et ainsi alléger leur charge financière. Ses inclinations, je l’avoue, répondaient à un mode de vie très différent de celui promu dans les sociétés matérialistes, axé sur l’éphémère, l’élargissement de l’ego ou l’hédonisme.
Lors d’un autre de ces étés où Ana nous visitait, j’avais remarqué qu’un jour elle s’était habillée d’un noir rigoureux. “Pourquoi”, avais-je demandé, ce à quoi elle avait répondu : “Le père de ma meilleure amie est mort.” Elle a ajouté : “Je veux être avec elle.” Avec des gestes comme celui-ci, anonyme, Ana sympathisait avec ceux qui souffraient. Son amie s’appelait Terry. Je ne l’ai jamais oublié.
Quand Ana venait à Puerto Rico, la plage était une destination obligée. Elle aimait se mettre à la mer, s’exposer au soleil, manger un ananas frais et boire du lait de noix de coco. Elle aimait la compagnie des cousins et des petits cousins, en particulier les plus farceurs. Elle s’assurait de visiter grand-mère, les tantes et grands-tantes. À toutes elle faisait une offrande. Avec toutes elle était très affectueuse.
Depuis son incarcération, voici quatorze ans, Ana Belén et moi, nous nous écrivons aussi souvent que possible. Je vous avoue que, depuis lors, nous nous sommes encore plus rapprochées l’une l’autre. Les lettres sont une étreinte à distance. Les mots imprimés, un luxe. Au travers de celles-ci, nous racontons la vie et les défis de chacune. Elle, depuis son monde physique serré. Moi, depuis l’amplitude d’un espace sans verrous. Mais l’esprit ne connaît pas de murs. Ainsi, les mots que nous échangeons se trouvent. Là, coïncident les désirs ardents d’Ana et les miens ; les réflexions d’Ana et les miennes ; les amours d’Ana et les miens. Et les trêves [sont] des preuves d’amour.
Elle ne le sait pas, mais depuis toujours, son énergie solidaire m’a émue. C’est comme s’il y avait imprimé dans ses cellules la conscience de l’autre, différente de l’autre, mais tout aussi précieuse, existante. Je me suis aussi enrichie après avoir remarqué sa capacité à écouter attentivement, à être présente avec les mots et avec le sentiment, à réagir à la douleur des autres et à faire partie de la solution. Mais Ana m’a offert quelque chose de plus. Avec son action, cela a été un exemple de courage et d’humilité. Et elle m’a donné le privilège de l’accompagner, aussi “vêtue de noir”, dans l’enceinte des barreaux de sa cellule.
Ana Belén résiste. Elle le fait en symbiose aux principes qui sous-tendent sa vie. Ainsi, lorsque le 14 Décembre 2014, le président Obama a déclaré que : “Ces 50 années ont démontré que l’isolement ne fonctionne pas. Il est temps d’avoir une nouvelle stratégie,” le cœur d’Ana a fait un saut. Ana n’est pas naïve. Elle sait que la nation étatsunienne cherchera à atteindre son objectif, sinon avec le fiel, avec le miel. Malgré ce, elle interprète le geste du président comme l’indice d’une réconciliation possible entre les deux pays. Et pour Ana, ce n’est autre chose qu’un indice que son rêve d’amitié entre les deux peuples commence à prendre forme réelle.
Ana résiste grâce à la loyauté qu’elle a accordée à sa propre conscience. Parce que, que cela nous plaise ou non, elle ne nous abandonnera jamais. En cela, je pense que la conscience d’Ana l’accompagne dans sa solitude. Et je suis sûre qu’au milieu de l’enfer qu’elle vit, elle lui donne un sens infini de paix.
Ana résiste avec les mots qu’elle lit. Elle lit avidement les mots des autres. Ana s’instruit, analyse, formule des avis, s’exprime. Elle sait que les livres sont un antidote à l’encontre de la sottise et de l’oubli. Elle lit de l’histoire, de la politique, de la spiritualité, elle lit des vérités universelles dans le langage des enfants. Elle a été enchantée avec José Mujica, l’ancien président de l’Uruguay et le pape Francisco. Elle admire les deux pour leur profondeur, leur simplicité et leur identification avec les moins heureux.
Ana résiste en regardant et appréciant les beautés naturelles dans les documentaires du NationalGeographic racontés par David Attenborough retransmis dans la prison. Ceux-ci lui rappellent qu’existe un monde harmonieux outre les griffes qui l’emprisonnent. Ana fait une place dans son âme à cet univers étonnant. Elle sait que, malgré les injustices dont elle a été témoin, la bonté humaine existe. Et tout à coup, est apparue la volonté de la connaitre par l’ensemble des frères et sœurs de Cuba, de Puerto Rico, de France, du Brésil, d’Italie, du Canada, de la République Dominicaine, du Chili, d’Argentine, entre autres, qui soutiennent et sympathisent avec les principes qu’elle a défendus. Je ne crois pas me tromper si j’affirme qu’ils lui ont réchauffé le cœur.
Ana s’autorise à ressentir. Des larmes s’écoulent quand l’émotion l’étreint. Elle a été émue quand elle a été prévenue que la lutte est par elle, réellement la lutte pour un idéal plus ample et transcendant son élargissement. Cette lutte se réfère au processus de réconciliation des pays et des peuples, au rapprochement des citoyens du monde, même si ceux-ci poursuivent différentes façons de vivre. Comme elle-même l’a prononcé, inspiré par un proverbe italien : “Tout le monde est le même pays”.
Ana aime Cuba. Mais elle aime plus [encore] les justes causes. Elle a protégé Cuba parce qu’il s’est avéré être le pays meurtri par une nation puissante et hostile. Si cela avait été l’opposé, si Cuba ou Porto Rico avaient été les nations puissantes, Ana aurait défendu les faibles États-Unis.
Ana ne veut pas de rôle de premier plan. Elle est incommodée d’être traitée d’héroïne ou d’exceptionnelle. Pour elle, elle a agi conformément à une obligation personnelle qu’il lui était impossible d’ignorer. Il lui est simplement arrivé ce qui est arrivé aux médecins cubains qui se sont sentis obligés d’offrir leurs services aux patients de l’Ébola, là-bas en Afrique de l’Ouest, malgré les risques encourus. Ils ne se sont pas sacrifiés pour que l’histoire les reconnaisse héroïques ou exceptionnels. Ils ont simplement obéi à leur conscience ; Ils ont accompli leur devoir et assumé les risques. Une obligation s’imposant, tout comme pour Ana, et qui leur semblait incontournable.
Ainsi, je sens Ana. En cela, elle ne recherche, ni attend l’éloge. En cela, elle supporte l’insulte. En cela, elle a aussi enduré la peur qu’a pu provoquer sa lutte, et toujours encore, supporte l’enfer de la prison. Pour elle, l’appui à sa cause n’est pas autre chose que l’appui à la souveraineté de Cuba face aux États-Unis ; ou plutôt, au droit d’aider tous les pays du monde à construire leur propre destin. Ana se solidarisera toujours avec ce principe universel, et je suis sûre qu’elle continuera d’offrir sa vie pourvu que Cuba ne renonce pas à son idéal libertaire.
C’est Ana. Internationaliste. Indéniablement solidaire. Respectueuse de l’humanité. Accrochée aux principes de justice et de paix pour lesquels ont combattu tant d’autres héros et héroïnes au travers des âges. Et avec la modestie qu’ont généralement ceux habités par ces nobles idéaux.
Liberté pour Ana Belén Montes !
2 Août 2016. Par Miriam Montes Mock