Fidel Castro : Le sang africain coule dans nos veines
En renversant le dictateur pro-américain Batista en janvier 1959, Castro a réalisé la seconde révolution caribéenne de l’histoire après celle menée entre 1791 et 1804 par Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines en Haïti, terre de naissance du panafricanisme. En l’espace de deux ans, Castro modifie radicalement les structures économiques, sociales et politiques d’une île néocolonisée par le capitalisme américain. En septembre 1960, après avoir rencontré Malcolm X, Kwame Nkrumah ou Gamal Abdel Nasser à New York, il devient – et restera jusqu’à sa mort – une cible à abattre pour l’impérialisme américain.
Originaire d’une île où les Africains ont toujours joué un rôle central dans les luttes, Castro décide d’apporter un soutien politique et militaire indéfectible à la libération de l’Afrique du colonialisme, de l’impérialisme et du racisme, de l’Algérie à l’Afrique du Sud en passant par le Congo, de la Guinée à la Tanzanie en passant par l’Ethiopie.
Invité d’honneur de la Conférence de la Tricontinentale organisée à La Havane en janvier 1966, le leader bissau-guinéen Amilcar Cabral précisa les modalités d’une solidarité fondée sur la formation militaire, scientifique et sociale, dans laquelle les Cubains devaient politiquement rester au service des combattants et des peuples africains. Le respect de l’engagement à toujours protéger la souveraineté africaine permet d’inscrire Fidel Castro dans le groupe des leaders ayant une conscience et une vision géostratégique panafricaniste.
C’est en apprenant l’entrée de troupes sud-africaines impérialistes en Angola que Fidel Castro décide, en novembre 1975, de lancer l’Opération Carlota, du nom d’une Africaine morte après avoir lancé une révolte anti-esclavagiste à Cuba en 1843. Près de quarante mille soldats cubains envoyés en quelques semaines permettent au Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola (MPLA) d’entrer à Luanda et de proclamer l’indépendance du pays. A l’issue d’une guerre sans merci, la victoire du MPLA et des Cubains contre les troupes de l’UNITA et de l’Afrique du Sud à Cuito Cuanavale en janvier 1988 constitue un tournant décisif en imposant un rapport de force pour obtenir l’indépendance de la Namibie et la fin du régime d’apartheid.
Entre temps, Fidel Castro a accueilli des combattants de la libération traqués par les Etats-Unis comme la résistante afro-américaine Assata Shakur. Dirigeant le Mouvement des Non-Alignés, Cuba a soutenu tous les groupes socialistes et révolutionnaires des Amériques et de la Caraïbe, en particulier à l’île de la Grenade qui connaît une période révolutionnaire (1979 – 1983) interrompue par l’assassinat de Maurice Bishop. En Afrique, le modèle cubain inspire la révolution menée par Thomas Sankara au Burkina Faso : justice sociale, solidarité internationaliste, formation professionnelle et conscientisation politique du peuple sont au rendez-vous.
Cuba a survécu pendant plus de deux décennies à la chute de l’URSS grâce aux soutiens tissés dans le monde entier, notamment dans les pays du Sud. La formation de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) avec le Venezuela d’Hugo Chávez Frías a ouvert la voie en 2004 à une nouvelle reconfiguration géopolitique, dans laquelle les Sommets Afrique-Amérique du Sud devaient jouer un rôle central pour de nouveaux liens de solidarité intercontinentaux.
La Ligue Panafricaine – UMOJA souligne que Cuba n’a pas hésité à envoyer du personnel médical au moment où l’épidémie d’Ebola rendait les peuples de Guinée, de Sierra Leone et du Libéria comme infréquentables pour de nombreux Africains. De même, la présence de nombreux étudiants africains « oubliés » à Cuba par leurs propres gouvernements montre à quel point les pays africains doivent se mettre à la hauteur de ce qu’une île d’une dizaine de millions d’habitants a pu réaliser, tout en étant combattue par la superpuissance américaine et ses outils de propagande. La résistance de Cuba éclaire nos propres insuffisances et oblige à dénoncer l’inconscience et l’ingratitude de nombreux gouvernements africains qui ont tourné le dos aux principes révolutionnaires de lutte et de solidarité panafricaniste.
En cette période de grande tristesse, la Ligue Panafricaine – UMOJA (LP-UMOJA) se joint au Peuple révolutionnaire de Cuba pour saluer la mémoire du Commandante Fidel Castro, décédé dans la soirée du 25 novembre 2016 à l’âge de 90 ans.
La disparition de Fidel Castro, annoncée par son frère Raul qui fut présent à chacune des grandes étapes de l’engagement cubain en Afrique, interpelle chaque Africain sur le sens des mots Révolution, Souveraineté, Unité et Solidarité. Fidel Castro suivait avec beaucoup d’attention l’actualité du panafricanisme. « Le sang africain coule dans nos veines », aimait-il rappeler pour justifier l’engagement de Cuba pour l’Afrique.
La Ligue Panafricaine – UMOJA demande à tous les militants africains et panafricanistes d’apporter à leur tour un soutien indéfectible au Peuple Cubain face à la reconquête impérialiste en cours. Le chemin pour réaliser ce soutien est de travailler à l’émancipation des peuples et à l’unité politique de l’Afrique, autour du mot d’ordre fédérateur de la Souveraineté, en s’appropriant le slogan lancé par Fidel Castro en 1959 en entrant dans La Havane libérée « la Patrie ou la Mort, nous vaincrons ! »
Fait à Abidjan et Toulouse, le 04 décembre 2016