Par Ernest Pépin
Faugas/Lamentin/Guadeloupe
Pourtant j’avais pris soin de me munir de feuilles vertes
Comme une offrande à la forêt lointaine
Mais la forêt grondait comme une jungle
J’avais pris soin de me plier dans les coins
De n’habiter nulle part
Et de courtiser les trottoirs
De bien tendre la main aux guichets
De me fondre dans la nuit du métro
Malgré tout
On m’appelle sans papiers
Connaissez-vous la minorité visible d’un sans papiers
Cela ressemble à l’invisible
Aux contrôles
Aux refoulés
Je vis ma vie de rats dans les égouts du malheur
J’habite au fond de l’exil
Je pue l’exil au fond de ma cage
Je crois en Dieu comme tout le monde
Mais j’occupe l’église de mon quartier
Oui de mon quartier Au nom du Père
J’occupe l’église pour voir Dieu de plus près
On m’appelle sans papiers
Mais personne ne m’appelle par mon nom
Il paraît que mon nom pue
Que c’est un nom à coucher dehors
Un nom d’oiseau qui a perdu son nid
Un nom d’oiseau sans papiers
Mon nid c’est la banlieue
Le foyer
La cave où dorment les zombis
Mon nid c’est un aller sans retour
Un retour sans aller
On m’appelle sans papiers
Je gratte un bout de vie
Je ronge mon os en silence
De temps en temps
Je crie
Je prie
L’Europe ne peut accueillir toute la misère du monde
Mais l’Europe a causé toute la misère du monde
Alors je suis parti sans papiers
Au nom de la misère du monde
Au nom de mes richesses
Sans papiers