Les résistantes

FR-NL - 26 min 39 sec - 2019

8 mars : Manifestez, protestez et organisez-vous contre le sexisme !

08.03 2021

UN FILM AVEC :

Le col­lec­tief 8 maars,

Le Gams,

Les Sti­biennes,

Les tra­vailleuses du Delhaize,

Le col­lec­tif “Noms peut-être

Prix fes­ti­val : Le film “les résis­tantes” a gagné 2 prix au Fes­ti­val Coupe cir­cuit | 4e édi­tion : le prix du jury pour son enga­ge­ment et le prix professionnel. 

Le film a éga­le­ment gagné le prix du mon­tage au fes­ti­val l’Ar­char­nière 2021

 

Réa­li­sa­tion : ZIN TV

Anne-Sophie Guillaume, Tama­ra Pier­no, Eli­sa Buc­co­li­ni, Emi­lienne Tem­pels, Fran­cis­co Espi­no­sa, Isa­belle Del­forge, Johanne Van­ders­teen, Maxime Kou­va­ras, Naya Kuu, Sarah Bah­ja, Tho­mas Michel, Valen­tin Fayet

Un article du maga­zine Axelle

Le 8 mars 2019, c’était la pre­mière grève fémi­niste en Bel­gique. Les actions et témoi­gnages des tra­vailleuses du Del­haize, des conduc­trices de la Stib, des mili­tantes ira­niennes et des femmes vic­times de vio­lences nous mènent à entre­voir l’am­pleur de cette grève.

Ce 8 mars 2019, c’était la pre­mière grève fémi­niste en Bel­gique. Par­tout dans le pays, des mil­liers de femmes se sont mises en grève et ont pris la rue pour dénon­cer le sexisme et les vio­lences du sys­tème patriar­cal. Tra­vailleuses, citoyennes, avec ou sans papiers, per­sonnes LGBTQIA+, femmes raci­sées, étu­diantes et tant d’autres ont vou­lu visi­bi­li­ser leurs combats.

ZIN TV, dans le cadre de la PVLS (per­ma­nence vidéo des luttes sociales), a vou­lu gar­der une trace de cette jour­née his­to­rique. Les actions et témoi­gnages des tra­vailleuses du Del­haize, des conduc­trices de la Stib, des mili­tantes ira­niennes et des femmes vic­times de vio­lences nous mènent à entre­voir l’am­pleur de cette grève. Ce film veut contri­buer à visi­bi­li­ser des luttes fémi­nistes et à ouvrir le débat.


Op 8 maart 2019 ging de eerste femi­nis­tische sta­king in Bel­gië door. In het hele land gin­gen dui­zen­den vrou­wen sta­ken en kwa­men zij de straat op om sek­sisme en geweld in het patriar­chale sys­teem aan de kaak te stel­len. Vrou­we­lijke werk­ne­mers, bur­gers, met of zon­der wet­tig ver­bli­jf, LGBTQIA+ per­so­nen, vrou­wen van kleur, stu­den­ten en vele ande­ren die hun stri­jd zicht­baar wil­den maken.

ZIN TV, als onder­deel van de PVLS (video per­ma­nen­tie voor sociale stri­jd), wilde deze his­to­rische dag vast­leg­gen. De acties en getui­ge­nis­sen van vrou­we­lijke arbei­ders in Del­haize, MIVB-chauf­feurs, Iraanse acti­vis­ten en vrou­we­lijke slach­tof­fers van geweld, lei­den ons naar de omvang van deze sta­king. Deze film wil de femi­nis­tische stri­jd zicht­baar maken en het debat aanwakkeren


En Octobre 2020, le film “Les résis­tantes”  gagne 2 prix au Fes­ti­val Coupe Cir­cuit : Le prix du jury pro­fes­sion­nel et le prix de l’en­ga­ge­ment.Voi­ci l’in­ter­view d’une par­ti­ci­pante du groupe de réa­li­sa­tion du film.

 


 

 

C’était le 8 mars 2019 : la grève des femmes en Bel­gique, par Marine Créer — N°217 Mars 2019
Maga­zine Axelle

L’appel à la grève fémi­niste lan­cé par le Collecti.e.f 8 maars a été enten­du : le 8 mars 2019, des mil­liers de femmes se sont mobi­li­sées à tra­vers la Bel­gique pour reven­di­quer leurs droits, en se met­tant à l’arrêt ou en mani­fes­tant, rejoi­gnant une coa­li­tion d’associations. axelle est allée à leur ren­contre dans les rues de Bruxelles.

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Nous sommes fortes, nous sommes fières, nous sommes fémi­nistes radi­cales et en colère , scande le bloc du Collecti.e.f 8 maars. © Marine Créer pour axelle magazine

Ven­dre­di 8 mars, au petit matin, Bruxelles s’éveille : les rues de la capi­tale sont rela­ti­ve­ment calmes. Appa­rem­ment, rien ne laisse pré­sa­ger que dans quelques heures, 15.000 per­sonnes (selon les orga­ni­sa­trices) mar­che­ront dans l’espace public pour défendre les droits des femmes.  Tou­te­fois, en cher­chant bien, on peut déjà trou­ver quelques indices… Des tabliers, éponges ou gants en caou­tchouc sont déjà accro­chés à cer­taines fenêtres en guise de sou­tien à la grève des femmes orga­ni­sée par le Collecti.e.f 8 maars.

Sur le sol de la sta­tion de métro De Brou­ckère, le slo­gan « Vul­va la revo­lu­tion » est tag­gué en mauve sur le sol. Même la sta­tue de Jacques Brel est cus­to­mi­sée : un fou­lard fémi­niste sur les épaules et un sexe fémi­nin peint en des­sous de la cein­ture. En atten­dant 14 heures, l’heure à laquelle les femmes feront du bruit dans toute la Bel­gique, les par­ti­ci­pantes se ras­semblent déjà sur le Car­re­four de l’Europe devant la gare Centrale.

Une voix pour les femmes SDF

Un peu à l’écart de l’hémicycle for­mé par les tentes abri­tant les ate­liers fémi­nistes, les pan­cartes colo­rées d’Awatif Majid, béné­vole à l’asbl Job Digni­ty, attirent l’œil. Selon elle, il est impor­tant que les femmes SDF soient aus­si repré­sen­tées lors des ras­sem­ble­ments autour du 8 mars. Awa­tif Majid évoque l’article 23 de la Consti­tu­tion belge, selon lequel « toute per­sonne a droit à un loge­ment décent ».  Je ne suis pas du tout pro­fes­sion­nelle du milieu, mais il y a tout de même des ques­tions qui se posent… Que faire au-delà d’apporter une tar­tine ou une soupe aux femmes dans la rue ? Fina­le­ment, ce qu’elles veulent, y’a pas pho­to : c’est avoir leur petit chez elle  , explique Awatif.

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Le 8 mars, Awa­tif Majid, béné­vole à l’asbl Job Digni­ty, s’est ren­due devant la gare Cen­trale de Bruxelles pour repré­sen­ter les femmes sans abri. © Marine Créer pour axelle magazine

Cela fait onze ans qu’elle tra­vaille pour la réin­ser­tion des femmes sans abri dans la socié­té, en les accom­pa­gnant béné­vo­le­ment à la recherche d’un tra­vail et d’un toit. Awa­tif revient sur ce qui l’a pous­sée à mener ce com­bat : J’ai fait la ren­contre d’une dame qui vivait depuis 28 ans dans la rue et son regard m’a bou­le­ver­sée de l’intérieur. C’était un regard très par­ti­cu­lier : plein d’humanité et d’espoir. J’ai donc mon­té une équipe de béné­voles et de pro­fes­sion­nels pour prendre la situa­tion en main avec l’asbl Job Digni­ty.  Grâce à un accom­pa­gne­ment com­plet com­pre­nant notam­ment des for­ma­tions pra­tiques, ain­si qu’un réseau de par­te­naires pri­vés, l’organisation a per­mis jusqu’ici à onze femmes sans abri d’avoir enfin un toit au-des­sus de leur tête.

Focus sur les femmes issues de l’immigration

De 9 heures à midi, les sympathisant·es de la grève des femmes pou­vaient prendre part à divers ate­liers : sexua­li­té, envi­ron­ne­ment, com­mu­nau­té LGBTQI… Agathe vient d’animer un ate­lier consa­cré aux femmes et à l’immigration : « On a abor­dé tous les pro­blèmes liés à cette thé­ma­tique, tels que le mariage for­cé ou les dif­fi­cul­tés pour trou­ver un loge­ment. Mais ça a aus­si débor­dé sur les vio­lences faites aux petites filles, telles que l’excision, et la manière dont ces enjeux sont gérés ici et ailleurs…  »

L’historienne de for­ma­tion est notam­ment reve­nue sur les défaillances de la Conven­tion de Genève vis-à-vis des muti­la­tions géni­tales encore impo­sées aux femmes et aux petites filles dans cer­tains pays. Si cette conven­tion est sup­po­sée pro­té­ger les per­sonnes per­sé­cu­tées dans leur pays d’origine en leur per­met­tant d’obtenir l’asile, beau­coup de vic­times de l’excision peinent à béné­fi­cier de ce droit.

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Agathe, ani­ma­trice d’un ate­lier sur les femmes et l’immigration, explique : « Chaque année je par­ti­cipe aux évè­ne­ments du 8 mars et, d’habitude, il n’y a que des femmes blanches qui inter­viennent… Ce que j’aime cette fois-ci, c’est l’inclusion de toutes les femmes et de leurs pro­blé­ma­tiques. Ce 8 mars a un autre visage, c’est vrai­ment chouette !  » © Marine Créer pour axelle magazine

Il est impos­sible pour Agathe d’élaborer une liste exhaus­tive des luttes por­tées par les femmes issues de l’immigration, mais elle sou­haite tout de même insis­ter sur l’afro-féminisme :  Il est assez mécon­nu du public. C’est une branche du fémi­nisme qui prend en compte les afro-des­cen­dantes.   Elle ajoute que pour celles-ci, la bataille est double : à la fois contre le patriar­cat mais aus­si le colonialisme.

Un cro­chet par la grève des tra­vailleuses du commerce
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« Assez de cette socié­té qui sème le chô­mage et la pré­ca­ri­té ! » reven­diquent les tra­vailleuses du sec­teur com­mer­cial lors de leur action menée à la rue Neuve. © Marine Créer pour axelle magazine

Il est déjà 13 heures. Il est temps de quit­ter la gare Cen­trale pour rejoindre le cor­tège des tra­vailleuses du com­merce à la rue Neuve, une artère com­mer­ciale du centre de la capi­tale. Si cer­taines tra­vailleuses ont déjà mar­qué le coup au Del­haize Mozart, à Uccle, en s’arrêtant deux heures, une sen­si­bi­li­sa­tion à la grève des femmes à grande échelle est en route.

Relire : Tra­vailleuses de Del­haize à Nivelles, étu­diantes bruxel­loises ou mili­tantes lié­geoises : la grève du 8 mars a déjà commencé !

Sous les yeux éba­his des passant·es, le défi­lé bat son plein. Le spec­tacle vaut le détour, que ce soit pour voir des employé·es des enseignes de la rue Neuve lâcher leurs acti­vi­tés, le sou­rire aux lèvres, pour entendre la chan­son Milord d’Edith Piaf revi­si­tée à la sauce fémi­niste, ou pour aper­ce­voir des hommes, soli­daires de la grève de leurs col­lègues fémi­nines, se fau­fi­ler dans la foule pour dis­tri­buer leurs tracts. La ban­nière « Nous vou­lons 0 % d’écart sala­rial » de la CNE rejoin­dra les militant·es de la CGSP pour unir reven­di­ca­tions et chants sur la place Saint-Jean, où la sta­tue de l’héroïne Gabrielle Petit a été revê­tue d’une écharpe mauve.

Soli­da­ri­té inter­cul­tu­relle et intergénérationnelle

Retour au Car­re­four de l’Europe. Il est à pré­sent 14 heures et grand temps de faire du bruit. Sur place, 1.500 per­sonnes (selon les orga­ni­sa­trices) sont déjà là, armées de sif­flets, cas­se­roles et méga­phones. Tous les moyens sont bons pour débou­cher les oreilles du patriar­cat. Le brou­ha­ha fémi­niste est entre­cou­pé de prises de parole : syn­di­cats, femmes sans papiers, mamans céli­ba­taires… s’emparent du micro ouvert pour par­ta­ger leur réa­li­té de vie.

Mais il n’y a pas que sur le podium que les langues se délient. En atten­dant que le monde afflue dans le centre-ville pour enta­mer à 17 heures une grande marche fémi­niste jusqu’à la place du Luxem­bourg, chacun·e sou­haite por­ter son mes­sage sur le Car­re­four de l’Europe. C’est le cas du Gang des vieux en colère, dont les membres mas­cu­lins sont sym­bo­li­que­ment venus habillés en jupe pour mon­trer leur refus des dis­cri­mi­na­tions infli­gées aux femmes. Dan­ny Degraeve, une retrai­tée de 75 ans, membre du gang, explique les rai­sons de sa venue : « Au niveau des retraites, il y a une énorme dis­pa­ri­té : celles des femmes sont 28 % plus basses que celles des hommes. C’est effrayant. On se bat aus­si parce que les jeunes ne vont plus rien avoir. »

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Dan­ny Degraeve, retrai­tée de 75 ans, membre du Gang des vieux en colère, est indi­gnée : « Au niveau des retraites, il y a une énorme dis­pa­ri­té : celles des femmes sont 28 % plus basses que celles des hommes. C’est effrayant !  » © Marine Créer pour axelle magazine

Dan­ny Degraeve ajoute que la géné­ra­tion de ses parents avait réus­si à obte­nir la retraite par répar­ti­tion pour vieillir décem­ment, mais que ce sys­tème est voué à dis­pa­raître : « On veut que les jeunes fassent une « épargne pen­sion », mais ce n’est que pour le béné­fice des banques. Je pense aus­si notam­ment à tout le sec­teur des grandes sur­faces où les femmes sont lésées : elles doivent tra­vailler à ¾ temps et com­plé­ter leurs reve­nus avec un deuxième job. Com­ment vou­lez-vous qu’elles mettent un franc de côté !  Si les membres du Gang des vieux en colère savent qu’il est trop tard pour chan­ger la donne pour leurs propres pen­sions, elles/ils sont là pour les géné­ra­tions sui­vantes. D’ailleurs, Dan­ny Degraeve se dit ras­su­rée de voir les jeunes pro­tes­ter dans la rue, pour l’environnement, pour l’égalité femmes-hommes…

Fémi­nistes, en avant marche !

Vers 17 heures, des mil­liers de per­sonnes arrivent au ren­dez-vous au Car­re­four de l’Europe, pour mar­cher ensemble au nom des droits des femmes. Tout au long de la jour­née, le Collecti.e.f 8 maars pro­po­sait des séri­gra­phies et un espace dédié à la concep­tion d’affiches fémi­nistes. Les looks des arrivant·es sont tra­vaillés : capes fémi­nistes, dégui­se­ments de sor­cières, maquillages vio­lets en tout genre…

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Des mil­liers de per­sonnes se sont ras­sem­blées à Bruxelles pour défendre les droits des femmes. © Marine Créer pour axelle magazine

L’espace devient pro­gres­si­ve­ment trop étroit pour conte­nir cette foule aux mille slo­gans, venue de la Bel­gique entière à l’appel du Collecti.e.f 8 maars, de la Marche Mon­diale des Femmes ou encore de la cam­pagne Rosa… Les pan­cartes fémi­nistes étalent une créa­ti­vi­té sans limites, d’une repré­sen­ta­tion fémi­nine du Man­ne­ken Pis uri­nant sur le patriar­cat à l’utilisation des paroles de la chan­teuse fran­çaise Aya Naka­mu­ra : « Qu’on conti­nue à gar­der le silence, y’a pas moyen Djad­ja ». Sans oublier les affiches repré­sen­tant de gigan­tesques cli­to­ris ou encore des uté­rus per­son­ni­fiés lan­çant des doigts d’honneur.

Au bout de 45 minutes d’attente (ou plu­tôt de per­fec­tion­ne­ment des slo­gans fémi­nistes), le cor­tège se met en marche. Les mil­liers de per­sonnes ras­sem­blées devant la gare Cen­trale rejoignent pro­gres­si­ve­ment la danse. Les ban­nières se suivent à la queue leu leu : les syn­di­cats (la FGBT, la CNE et la CSC), mais aus­si la cam­pagne Rosa et bien sûr le bloc du Collecti.e.f 8 maars qui met l’inclusion de toutes les femmes à l’honneur.

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Ce 8 mars, rien ne peut arrê­ter ces femmes déter­mi­nées, pas même la petite cein­ture, ce ring auto­mo­bile qui cein­ture le centre-ville de Bruxelles… © Marine Créer pour axelle magazine

 Nous sommes fortes, nous sommes fières, nous sommes fémi­nistes radi­cales et en colère  , scande le bloc du Collecti.e.f 8 maars. Une liesse fémi­niste plane dans l’espace public. Ce 8 mars, rien ne peut arrê­ter ces femmes déter­mi­nées, pas même la petite cein­ture, ce ring auto­mo­bile qui cein­ture le centre-ville, hors du par­cours ini­tial de la marche, dont elles s’emparent en fai­sant fi des voi­tures les entou­rant. Leur slo­gan « À nous la rue ! », encou­ra­gé par les coups de klaxon, prend alors tout son sens. Elles savourent ce moment jusqu’à ce qu’une dizaine de poli­ciers leur barrent le pas­sage. Les forces de l’ordre et la horde de fémi­nistes se font face pen­dant quelques minutes, après quoi le bloc du Collecti.e.f finit par rejoindre la place du Luxem­bourg, où la slam­meuse belge Joy inter­prète sur scène son album L’art de la joie, dont la sor­tie était jus­te­ment pré­vue ce 8 mars : l’occasion de se réjouir en musique de la réus­site de cette pre­mière grève fémi­niste. En atten­dant l’heure du bilan et des pers­pec­tives, on peut déjà noter le ren­dez-vous pris pour l’année prochaine !

Par Marine Créer —
Maga­zine Axelle — N°217 Mars 2019

Toutes les infos sur les dif­fé­rentes mobi­li­sa­tions, un peu par­tout en Bel­gique : https://8maars.wordpress.com/agenda/

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