Peut-on encore filmer ou photographier la police sans se faire arrêter ? Nos droits fondamentaux sont-ils en danger ? Des images, des témoignages et des réflexions sur notre liberté d’expression menacée.
Conçu pour être itinérante, l’exposition collective Dont shoot ! se tiendra à partir du 3 novembre 2018 au pianofabriek. Des images, des témoignages et des réflexions sur notre liberté d’expression en danger.
ZIN TV, le Collectif Krasnyi, Frédéric Moreau de Bellaing et la Ligue des Droits de l’Homme se sont associés afin de rendre visible des scènes de répression policière contre les migrants, contre les mouvements sociaux et contre les citoyens solidaires… et de dénoncer les multiples tentatives de criminalisation d’initiatives solidaires. Témoignages d’une démocratie qui se détériore et qui perd lentement ses droits fondamentaux.
L’image de l’affiche de l’exposition montre un individu tirant à bout portant sur des migrants, cette image fait l’objet d’une demande de retrait par la cellule communication de la zone de Police Bruxelles CAPITALE Ixelles car ils y ont reconnu un de leurs collègues. La demande fut motivée en vue de protéger la vie privée de l’agent. En vue d’obtempérer avec la police, les organisateurs de l’exposition ont aussitôt barré le visage du membre du personnel de la Zone de police. L’idée n’est pas d’interroger l’identité du personnage mais sa fonction, surtout lorsque le port d’un brassard est obligatoire pour un policier en civil afin de ne pas le confondre avec un civil ordinaire…
L’exposition artistique montrera des images ayant survécues aux tentatives de censure sur le terrain, images d’une résistance pour la liberté d’information.
Voici une réflexion de ZIN TV sur le contexte de l’exposition.
Lorsqu’un agent de la police fédérale saisit la caméra de ZIN TV, comme ce fut le cas le 15 octobre 2015 à Bruxelles, il laisse pour seule preuve de sa créativité une carte mémoire vide. Toutes les données de la carte mémoire ont été effacées… Filmés au départ par une équipe de ZIN TV, les registres de ce jour-là contenaient le déroulement d’une manifestation sociale et d’une répression policière. Un policier arracha la caméra des mains du caméraman qui filmait et sans le vouloir, le policier filme le dernier plan de la journée, et il s’exclame : « il faut effacer ces images ! ». Puis, il s’exécuta en accédant dans le menu de la caméra, reconfigurant la carte SD avec la ferme intention de ne laisser aucune trace de cette journée.
Par cet acte, le policier s’est transformé en pirate, en un délinquant et ses collègues en complices… Car il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou de filmer les actions de la police.
Au départ, ces registres étaient sensés informer sur les revendications des manifestations contre le traité de libre commerce. Depuis que nous avons réussi à reconstruire la carte SD, et récupérer une partie des images, les registres nous informent désormais sur les pratiques délictuelles d’un agent de police et deviennent également une pièce à conviction dans le procès entamé par ZIN TV & ATTAC contre la police fédérale et se constituent partie civile devant un juge d’instruction.
L’attention que des citoyens ou des journalistes portent à l’action policière devrait être considérée comme normale par les forces de l’ordre soucieuses du respect des règles déontologiques. En Belgique, sur le terrain, les policiers maintiennent souvent la confusion : « il est interdit de filmer », « vous n’avez pas de carte de presse », « vous devez flouter mon image »… Pire, dans le but d’intimider et de décourager le citoyen à filmer l’action policière, les agents des forces de l’ordre saisissent parfois votre matériel de prise de vues et l’anéantisse où… s’en serve pour repérer les meneurs. Est-il de trop d’affirmer que si l’impunité règne sur ces pratiques nous banalisons des pratiques fascistes ? Depuis quelques années, des centaines de cas sont recensées par la Ligue des Droits de L’homme, ObsPol, le Comité P dont la plupart resteront sans suite… Des milliers d’autres cas anonymes restés sans suite, par peur ?
Trois ans après l’arrestation d’une équipe de ZIN TV et de la destruction de ses images, le 2 octobre 2018, Diego Dumont, membre de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, filme l’arrestation d’une vingtaine de migrants piégés dans le wagon d’un train dont les sorties ont été bloquées par les policiers, pour mieux les en extraire un à un. Diego filme à distance. Les policiers fédéraux violentent Diego sadiquement, jusqu’au sang, lui confisquent son GSM-caméra et l’embarquent menotté. Manifestement, il ne sert plus à rien de rappeler ses droits, de montrer sa carte d’identité… les policiers n’en tiennent plus compte.
Ce soir-là, 29 personnes étrangères en séjour illégal ont été arrêtées, 18 seront déportées dans un centre fermé. En cette heure tardive, le quai de la gare de Landen restera désespérément vide, quelques silhouettes en uniforme déambulent, une ombre vient planer au dessus de quelques taches de sang éparpillées sur les dalles… Théo Francken, secrétaire d’État fédéral à l’asile et à la migration, est présent sur les lieux. Il est accompagné d’un photographe, à des fins électorales, le ministre se vantera de la capture des migrants, comme s’il s’agissait de dangereux criminels. Il faut bien satisfaire l’électorat xénophobe qui pousse vers la clandestinité et la précarité des milliers personnes désignées comme des vecteurs de la délinquance.
Plus tard, lorsque Diego témoignera de l’agression, il dira : “J’ai eu peur. Je me suis demandé où cela allait s’arrêter” en effet, il a raison : depuis trois ans, on franchit un seuil supplémentaire dans l’abus. En suivant cette logique, lors des prochaines étapes les policiers ne se contenteront plus de l’élimination des preuves.
Cinq jours après la mésaventure des migrants et de Diego Dumont, le dimanche 7 octobre, entre 7h et 9h du matin, quatre familles — membres de la plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés — qui hébergent des migrants — ont été la cible de perquisitions de police. Portes et serrures forcées, plaquages au sol, mandats d’amener, citoyens menottés… Des ménages belges ont été traités comme des narcotrafiquants, comme des criminels pour avoir été solidaires envers un public plus souvent victime de traite d’êtres humains que coupable de trafic d’êtres humains.
Deux jours plus tard, le 9 octobre à 1h du matin, ne supportant plus l’isolement et les traitement inhumains infligés par notre politique d’immigration, un réfugié d’origine érythréenne se suicide au centre fermé pour étrangers de Vottem. Après les 8 personnes décédées en 2018 sur les routes migratoires en Belgique, dont la petite Mawda, après ce suicide, qui sera la prochaine victime de cette politique ? Les jours passent, les victimes augmentent… et nous devrions continuer à vivre en toute normalité, en toute passivité ?
La mémoire, la justice et la démocratie comme outils pour arrêter l’escalade.
Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, énonce l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’Homme. L’interdiction de filmer la police, équivaut à une atteinte d’un de nos droits fondamentaux démocratiques les plus essentiels. Banaliser ce délit équivaut à souiller la mémoire de ceux qui sont morts pour ces droits. C’est tuer une deuxième fois la rédaction de Charlie Hebdo, c’est oublier Norbert Zongo, c’est prolonger l’autodafé des nazis en 1933… A la censure ont toujours succédé les intimidations, les détentions arbitraires, les tortures, le sang, les balles, la mort… Les ravages laissés par le fascisme de l’Espagne de Franco ou le Chili de Pinochet ont démontré qu’il est plus facile de détruire la culture que de la reconstruire par après en démocratie, on parle dès lors de vide culturel… Une société amnésique et silencieuse, sans âme. En démocratie, pouvons-nous être complaisants avec les fascistes ?
C’est ainsi qu’en pleine démocratie, vers la mi-août 2018, Georges-Louis Bouchez, délégué général du Mouvement Réformateur (MR), souhaite que la référence au national-socialisme soit sanctionnée afin d’éviter les amalgames. Si sa proposition devient une loi, toute personne accusant Théo Francken ou quelqu’un d’autre de nazi, sera sanctionné car les accusés ne sont pas réellement nazis. Et cela, même si les dirigeants de la N‑VA ne semblent pas avoir de complexes à cultiver une promiscuité avec le passé collaborationniste nazi de la Flandre. Si le MR tente de protéger ses alliés d’extrême droite des amalgames qu’on leur colle, ils n’hésitent pas d’amalgamer l’extrême gauche avec les régimes nazis… En effet, le 24 octobre 2018, le MR a déposé une proposition de résolution au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin, notamment, d’inscrire dans les manuels scolaires la sensibilisation aux dangers des régimes communistes et à leurs crimes — “à l’instar de ce qui se fait pour le régime nazi” et interdire le subventionnement “des associations niant, minimisant ou justifiant les crimes commis par les régimes communistes “. Bref, si le MR n’est pas à une contradiction près, l’important est peut-être de ne pas de dire ce qu’on est mais d’être ce qu’on fait.
Début septembre 2018, alors qu’on pensait s’être débarrassé pour de bon de la pensée fasciste, de l’apologie d’Adolf Hitler, de l’idéologie raciste et antisémite, un reportage de la VRT nous avertit sur les projets nauséabond de l’organisation ultra-nationaliste Schild & vrienden. Le réalisateur, Tim Verheyden explique leur nature : « ils veulent un retour à la société d’antan teintée d’un nationalisme ethnique. Ce sont ces prises de positions, reliées à la glorification d’Hitler, et à la manière dont ils incitent à la haine qui en font un groupe dangereux ». Un mois avant les élections communales, ces révélations tombent mal pour la N‑VA où des dizaines de membres de Schild & Vrienden y sont actifs, ont des fonctions importantes ou sont candidats sur les listes du parti. Normal, l’organisation a été constituée afin d’« assurer la sécurité » lors des interventions du secrétaire d’Etat Theo Francken.
Depuis 2014, le parti libéral francophone MR semble déterminé à couvrir toutes les dérives de la N‑VA, son allié fédéral, dont la présence de dirigeants d’extrême droite au sein du gouvernement montre à quel point la banalisation du fascisme a progressé. Sans complexes, leurs dirigeants montrent l’exemple de cette banalisation. Ainsi, en juin 2013, Theo Francken participe à un dîner avec notamment Dries Van Langenhove, le principal dirigeant de Schild & vrienden et Bo De Geyndt, fondateur de Génération Identitaire Vlaanderen. Décembre 2016, Karlijn Deene, conseillère communale à Gand et collaboratrice directe de Geert Bourgeois, le ministre-président N‑VA de la Région flamande, participe à une fête de Noël organisé par le Vriendenkring Sneyssens, une amicale d’anciens nazis flamands du Front de l’Est où l’un des principaux orateurs de la soirée fut Oswald Van Ooteghem, un ancien officier de la SS. Se souvient-on de la participation de Théo Francken à l’anniversaire de Bob Maes, un ancien collaborateur de l’occupant nazi de notre pays durant la Deuxième Guerre mondiale et fondateur de la milice d’extrême droite VMO ? Se souvient-t-on qu’un autre dirigeant de la N‑VA, Ben Weyts, ministre flamand de la Mobilité et des Transports publics, était présent à la même fête et y a tenu un discours en son honneur ? Se souvient-on des déclarations de Jan Jambon minimisant la collaboration avec l’occupant allemand en la qualifiant d’ ”erreur” et qu’il faut prendre les choses avec du recul. « C’est plus facile à dire après. Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons. Moi, je ne vivais pas à cette époque-là ». Se souvient-on que la politique migratoire répressive de la N‑VA fut, en partie pratiquée par le prédécesseur de Theo Francken, Maggie De Block, de l’Open VLD et alors ministre du gouvernement du socialiste Elio Di Rupo ?
Détruire une mémoire est un acte barbare et il est considéré comme tel par les lois qui régissent nos sociétés modernes du XXIe siècle. En effet, ces lois tiennent compte des désastres historiques qu’a laissé l’expérience fasciste en Europe et ailleurs. Jusqu’où doit-on aller pour expliquer la gravité de la situation ? Il y a pourtant des signes : la répression de la liberté d’expression médiatique connait une forte augmentation depuis la formation du gouvernement MR & N‑VA.
L’attentat du 13 novembre 2015 à Paris a débloqué 400 millions d’euros supplémentaires en faveur de la sécurité et contre le terrorisme à Bruxelles, s’ajoutant aux 9,2 milliards d’euros en matériel de guerre. Malgré l’arsenal déployé et la sécurité renforcée en Belgique, cela n’a pas empêché les attentats du 22 mars 2016. C’est dans une société endeuillée, encore sous le choc, qu’on nous parle de renforcer la coopération transnationale, d’échange d’informations, de police marocaine en patrouille chez nous dans les quartiers populaires, d’un aéroport national comme celui de Tel Aviv, d’importer les méthodes musclées du FBI… Où est cet équilibre entre sécurité et liberté ? La sécurité publique se fait au détriment de nos libertés. L’État policier se banalise. La liberté se meure en toute sécurité…
Après que Paris ait été frappé par des attentats qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés, à Bruxelles, le niveau d’alerte terroriste est passé au niveau 4. Et c’est ici qu’apparaissent les chats pour aider la police : les lolcats du blackout bruxellois, sous le hashtag #BrusselsLockdown, une avalanche de photos de chats produite par le journalisme officiel en réponse à la demande de discrétion de la part de la police. Durant l’alerte qui affecte la capitale belge, les 22 et 23 novembre 2015, les félins envahissent Facebook et Twitter pour ne pas interférer avec les “opérations policières en cours”. Comprenez bien, les journalistes officiels s’auto-censurent, ils cessent d’informer sur l’état d’alerte en Belgique et pour combler le vide ils publient des images de chats… Le chaton comme figure ironique de la censure par omission, icône de l’innocuité… Les forces de l’ordre ont sommé les médias de ne plus partager “d’informations via les réseaux sociaux”, comme si on devait se rendre à l’évidence que le travail journalistique était incompatible avec les actions des forces de l’ordre.
Bruxelles, dimanche 27 mars 2016 : Quelques centaines d’hommes au crâne rasé, tatoués, blousons noir-jaune-rouge, visages mi cachés, faisant des saluts nazi, piétinent les fleurs déposées en hommage aux victimes des attentats en face des marches de la Bourse, ils frappent, ils bousculent les citoyens en deuil… Ils sont escortés par la police.
Le samedi 2 avril 2016, en réponse à l’appel européen lancé par Génération Identitaire de venir manifester contre les “islamistes” à Molenbeek, un rassemblement antifasciste et antiraciste était censé se tenir à la Bourse à 13h. Le déploiement policier y fut plus important que celui des manifestants. La manifestation a été interdite. Déguerpissez ! Obtempérez ! Des arrestations violentes de personnes pourtant au comportement pacifique. La police emporte brutalement des jeunes qui grattent une guitare, des simples passants, ils encerclent les terrasses des cafés, contrôlent les identités, fouillent dans les toilettes, menottent avec des colsons. Le président de la Ligue des droits de l’homme se fait arrêter, ainsi qu’un journaliste de ZIN TV et 80 autres personnes. Cette-fois-ci, c’est la police en civil qui filme.
Les mesures visant à prévenir les attentats sont récupérés pour asseoir un pouvoir toujours plus autoritaire et arbitraire…
Notre liberté de contestation et d’expression
La politique impopulaire du gouvernement Michel a connu depuis le début de son mandat des contestations sans cesse croissante, aussi bien en ce qui concerne l’appauvrissement de la population que les coupes budgétaires et autres mesures d’austérité prises dans le cadre de la stricte discipline budgétaire de la Commission européenne. La dette publique de la Belgique continue à augmenter, le relèvement de la TVA sur l’électricité est passé à 21 %, l’âge de la pension à 67 ans, suivent aussi le tax-shift, une politique d’immigration discriminatoire et répressive, le maintient en fonctionnement irresponsable des réacteurs nucléaires en fin de vie, le désinvestissement de la SNCB, la limitation du droit de grève…
Descendre dans la rue pour exiger plus d’investissements en emplois dans l’enseignement, dans le logement social et dans le service public… Protester contre les mesures antisociales, anti-écologiques et anti-démocratiques du gouvernement et la politique d’économies de la Commission européenne ne semble pas faire plier le gouvernement. Bien au contraire, ceux qui créent la crise pointent du doigt ceux qui défendent les victimes de la crise. C’est le monde à l’envers. Les mouvements sociaux et les syndicalistes sont ciblés, criminalisés et trainés en justice.
La politique sécuritaire et répressive du gouvernement MR & N‑VA s’inscrit dans la continuité de celle du gouvernement antérieur, la violence institutionnelle s’exerce de façon croissante, mêlant racisme d’État, islamophobie, répression antisyndicale et politique. La NV‑A contrôle le ministère de l’intérieur – donc la police, ainsi que le ministère de la défense et l’immigration, entre autres. Faut-il s’étonner qu’à l’intérieur de ces institutions publiques l’extrême droite y bombe son torse ? A travers leurs politiques répressives, ils cherchent à se rendre utiles auprès des secteurs patronaux les plus réactionnaires, montrant leur vrai visage de néolibéraux conservateurs. Ainsi, toutes les armes liberticides sont utilisées pour mieux installer un système d’inégalités et de méga-profits. Car, à l’heure de sa crise mondialisée, le capitalisme ne promet plus rien à ceux qu’il écrase toujours plus et dont il craint les colères organisées et convergentes.
Dans la Belgique du XXIe siècle, la violence est dorénavant devenue banale. Comme il est devenu banal d’assister à la noyade massive de milliers de migrants dans la méditerranée, comme est devenue banale la promiscuité entre les milliardaires et le pouvoir politique, comme il est banal que personne ne s’offusque qu’un lobbyiste devienne ministre… Comme c’est devenu banal de réprimer les mouvements sociaux et ceux qui les font exister dans l’imaginaire collectif. Qu’il est banal d’être blasé, d’être cynique… pourvu qu’on se dérobe à l’action collective.
Et la démocratie ?
Tous les méfaits de la démocratie sont remédiables par davantage de démocratie, disait Alfred Emanuel Smith. Énoncer les principes démocratiques c’est bien, encore faut-il les faire respecter. A cette fin, il convient de se mobiliser le plus largement possible contre la violence d’État antisociale, antidémocratique et raciste. Il faut dénoncer sans relâche, sans concession, toutes les répressions contre toutes et contre tous. Il faut faire vivre la démocratie, c’est en son sein qu’un autre projet de société doit voir le jour. Il faut freiner ce capitalisme qui nous conduit vers le pire. Radicaliser la démocratie suppose à la fois de transformer les structures de pouvoir et d’établir une autre hégémonie que celle que nous vivons.
Le cas de Jordan Croeisaerdt est plein d’enseignements à tirer… La SNCB engage des huissiers de justice pour intimider les cheminots qui s’opposent au plan de restructuration du rail, et sur les piquets de grève, ils sont à l’affut de la moindre irrégularité. Accusé de comportement violent lors d’un piquet à l’entrée du siège de la SNCB, le 6 janvier 2016, Jordan reçoit une astreinte de 1700€ et trois mois de suspension sans indemnités. Cette sanction vise à créer un précédent, à décourager tous les futurs grévistes et limite dangereusement le droit à la contestation sociale. Aussitôt, Jordan introduit un recours. Le suspens a duré deux ans, deux ans de mobilisations en solidarité avec Jordan.
Le 23 février 2018, l’audience au conseil d’État rend ses conclusions : « On voit ce qui a beaucoup fâché la partie adverse, c’est que le requérant ait pris la parole dans les médias et ait porté atteinte à l’image des chemins de fer belge. J’estime que la partie adverse a fait feu de tout bois pour adresser des reproches au requérant dont l’activité syndicale semble jugée trop vive. Il n’y a cependant pas d’éléments qui permettent d’affirmer que le requérant ait eu un comportement abusif. Parce que c’est la seule question : Est-ce que le requérant a dépassé les limites de ce qui est acceptable ? » En mars 2018, la justice donne raison à Jordan contre son employeur. Une victoire pour la démocratie qui en appelle d’autres.
D’où le besoin de créer des médias citoyens afin de rendre visible les luttes sociales et ainsi les faire exister dans l’imaginaire collectif, pour rendre compte des revendications du mouvement social et témoigner de la violence exercée à son encontre. On comprend mieux pourquoi ils essayent de nous faire taire et veulent nous empêcher de filmer. Ils ne savent pas qu’ils ne pourront pas nous en empêcher, car nous avons de notre côté la raison.
Le Collectif ZIN TV