Escadron 421

Sous-coman­dant Insur­gé Galeano

/

enla­ce­za­pa­tis­ta

EN LIEN :

Le sous-com­man­dant insur­gé Galea­no, qui s’est fait connaître comme Mar­cos avant de prendre le nom d’un cama­rade assas­si­né en 2014, a été le porte-parole de l’Ar­mée zapa­tiste de libé­ra­tion natio­nale de 1994 à 2014. On peut lire, de ou sur (ou même contre) lui, en français :

Eux et Nous, sous-com­man­dants Mar­cos et Moi­sés, Édi­tions de l’Es­car­got, Paris, 2013

Éthique et poli­tique, sous-com­man­dant Mar­cos, Édi­tions de l’Es­car­got, Paris, 2013

Des morts qui dérangent, roman, Paco Igna­cio Tai­bo II et le sous-com­man­dant Mar­cos, Éd. Payot et Rivages, 2005 Titre ori­gi­nal : Muer­tos incó­mo­dos ; roman d’a­ven­tures écrit à quatre mains avec l’auteur espa­gnol Paco Igna­cio Tai­bo II

Mexique, calen­drier de la résis­tance, Rue des Cas­cades, Paris, 2007 (ISBN 978 – 2‑9170 – 5100‑9)

Don Duri­to de la forêt lacan­done (fic­tion roma­nesque), illus­tra­tions de Bea­triz Auro­ra, Édi­tions de la mau­vaise graine, Lyon, 2004 (ISBN 2 – 9150-1308‑X)

Depuis les mon­tagnes du sud-est du Mexique, ouvrage col­lec­tif : tome 1. Écrits des forges, Trois-Rivières, 2002 (ISBN 2 – 8904-6672 – 8) & tome 2. Temps des cerises, Pan­tin, 2003 (ISBN 2 – 8410-9422 – 7)

Contes Maya, l’Es­prit frap­peur, Paris, 2001 (ISBN 2 – 8440-5155 – 3)

Chia­pas : Le Sud-Est en deux vents, un orage et une pro­phé­tie in Cof­fret dix textes contre, Mille et une nuits, Paris, 1996 (texte en fran­çais dis­po­nible en archive [archive])

Ya bas­ta ! : tome 1, Les insur­gés zapa­tistes racontent un an de révolte au Chia­pas, Dagor­no, Paris, 1996 (ISBN 2 – 9100-1933 – 0) & tome 2. Vers l’in­ter­na­tio­nale zapa­tiste, Dagor­no, Paris, 1996 (ISBN 2 – 9100-1934 – 9)

L’Au­to­no­mie, axe de la résis­tance zapa­tiste, Raúl Orne­las Ber­nal, Rue des Cas­cades, Paris, 2007 (ISBN 978 – 2‑9170 – 5101‑6)

EZLN : 20 et 10, le feu et la parole, Glo­ria Muñoz Ramí­rez, éd. Nau­ti­lus, Paris, 2004

La Rébel­lion zapa­tiste, Jérôme Baschet, Paris, 2002 (ISBN 2080801406) ; Denoël, Paris, 2005 Flammarion

Mar­cos, le Maître des Miroirs, Manuel Váz­quez Mon­talbán, Mille et une nuits

Sous-com­man­dant Mar­cos, la géniale impos­ture, Ber­trand de la Grange, Maite Rico, Plon/Ifrane, 1998

Le rêve zapa­tiste, Yvon Le Bot, entre­tien avec le sous-com­man­dant Mar­cos, éd. du Seuil, Paris, 1997 (ISBN 2 – 0203-1011 – 2)

Mar­cos, la digni­té rebelle — Entre­tien avec le sous-com­man­dant Mar­cos, Igna­cio Ramo­net avec le sous-com­man­dant Marcos

La délé­ga­tion mari­time zapatiste

En route vers l’Europe

Com­mis­sion Sex­ta de l’EZLN

Le 10 avril 2021

Aux per­sonnes, groupes, col­lec­tifs, orga­ni­sa­tions, mou­ve­ments, coor­di­na­tions et peuples ori­gi­naires en Europe qui attendent notre visite,
À la Sex­ta natio­nale et internationale,
Aux réseaux de résis­tance et de rébellion,
Au Congrès natio­nal indigène,
Aux peuples du monde,

Sœurs, frères et com­pañer@s :

Ce 10 avril 2021, les com­pañer@s qui consti­tuent le pre­mier groupe de délégué.es dans notre Tra­ver­sée pour la Vie, cha­pitre Europe, se sont réuni.es dans le « Semille­ro Com­man­dante Ramo­na » (Semille­ro : pépi­nière, ndt). Il s’agit de la délé­ga­tion maritime.

Lors d’une petite céré­mo­nie, selon nos us et cou­tumes, la délé­ga­tion a reçu le man­dat des peuples zapa­tistes pour por­ter au loin notre pen­sée, c’est-à-dire notre cœur.  Nos délégué.es ont un grand cœur.  Il s’agira non seule­ment d’embrasser celles et ceux qui, sur le conti­nent euro­péen, se rebellent et résistent, mais aus­si d’écouter et d’apprendre de leurs his­toires, de leurs géo­gra­phies, de leurs calen­driers et de leurs façons de faire.

Ce pre­mier groupe res­te­ra en qua­ran­taine pen­dant 15 jours, iso­lé dans le Semille­ro afin de s’assurer qu’il n’est pas infec­té par le dénom­mé COVID 19 et de se pré­pa­rer pour le temps de la tra­ver­sée en mer.  Pen­dant ces deux semaines, elles et ils vivront à l’intérieur de la réplique du bateau que nous avons construite au Semille­ro.

Le 26 avril 2021, elles et ils par­ti­ront vers un port de la Répu­blique du Mexique.  Il.les arri­ve­ront au plus tard le 30 avril et mon­te­ront à bord du bateau que nous avons bap­ti­sé « La Mon­taña ». Pen­dant deux ou trois jours et trois nuits, elles et ils res­te­ront à bord du navire, et le 3 mai 2021, jour de la Sainte Croix, Chan San­ta Cruz, le navire La Mon­taña par­ti­ra avec nos cama­rades en des­ti­na­tion des côtes euro­péennes, pour un voyage qui devrait durer 6 à 8 semaines. On estime que dans la seconde moi­tié du mois de juin 2021, elles et ils seront devant les côtes européennes.

À par­tir de ce 15 avril 2021, depuis les 12 cara­coles zapa­tistes, nos com­pañer@s des bases d‘appui réa­li­se­ront des acti­vi­tés pour saluer la délé­ga­tion zapa­tiste qui, par mer et par air, se ren­dra vers la géo­gra­phie appe­lée « Europe ».

Dans cette par­tie de ce que nous avons appe­lé « La tra­ver­sée pour la vie, cha­pitre Europe », les délégué.es zapa­tistes ren­con­tre­ront celles et ceux qui nous ont invité.es pour par­ler de nos his­toires mutuelles, de nos dou­leurs, de nos rages, de nos réus­sites et de nos échecs. Jusqu’à pré­sent, nous avons reçu et accep­té des invi­ta­tions des pays suivants :

Alle­magne,
Autriche,
Belgique,
Bulgarie,
Catalogne,
Sardaigne,
Chypre,
Croatie,
Danemark,
Slovénie,
État espagnol,
Finlande,
France,
Grèce,
Pays-Bas,
Hongrie,
Italie,
Luxembourg,
Norvège,
Pays basque,
Pologne,
Portugal,
Royaume-Uni,
Roumanie,
Russie,
Serbie,
Suède,
Suisse,
Turquie,
Ukraine.

-*-

À par­tir d’aujourd’hui, le Sous-com­man­dant insur­gé Galea­no publie­ra une série de textes dans les­quels il vous par­le­ra des membres de la délé­ga­tion mari­time zapa­tiste, des tra­vaux réa­li­sés, de cer­tains pro­blèmes que nous avons ren­con­trés, etc.

En résu­mé, nous sommes déjà en route pour l’Europe.

C’est tout pour le moment.

Depuis les mon­tagnes du Sud-est mexicain.

Sous-com­man­dant insur­gé Moisés.

Com­mis­sion Sex­ta de l’EZLN.

Mexique, avril 2021.

-*-

Avril 2021.

Calen­drier ? Un petit matin du qua­trième mois. Géo­gra­phie ? Les mon­tagnes du Sud-Est mexi­cain. Un silence sou­dain s’impose aux grillons, aux aboie­ments épars des chiens au loin, à l’écho d’une musique de marim­ba. Ici, dans les entrailles des mon­tagnes, un mur­mure plu­tôt qu’un ron­fle­ment. Si nous n’étions pas là où nous sommes, on pour­rait pen­ser que c’est la rumeur du grand large. Pas les vagues se bri­sant contre le rivage, la plage ou la falaise décou­pée par le caprice d’une entaille. Non, quelque chose d’autre. Et puis… un long gémis­se­ment et un trem­ble­ment intem­pes­tif, bref.

La mon­tagne se dresse. Elle retrousse un peu ses jupons, pudi­que­ment. Non sans dif­fi­cul­té, elle arrache ses pieds de la terre. Elle fait le pre­mier pas avec une gri­mace de dou­leur. Main­te­nant, elle a la plante des pieds qui saigne, cette petite mon­tagne, loin des cartes, des des­ti­na­tions tou­ris­tiques et des catas­trophes. Mais ici tout est com­pli­ci­té, alors une pluie hors sai­son lui lave les pieds et, avec la boue, soigne ses blessures.

« Prends soin de toi, ma fille », dit la Cei­ba mère. « Cou­rage », dit comme pour lui-même le huapác. L’oiseau tapa­ca­mi­no la guide. « Vers l’est, amie, vers l’est », dit-il tout en sau­tant d’un côté à l’autre.

Habillée d’arbres, d’oiseaux et de pierres, la mon­tagne che­mine. Et sur son pas­sage, des hommes, des femmes, des per­sonnes qui ne sont ni l’un ni l’autre, des petites filles et des petits gar­çons endor­mis s’accrochent aux bords de son jupon. Ils remontent au long de sa blouse, cou­ronnent la pointe de ses seins, suivent ses épaules et, une fois en haut de sa che­ve­lure, s’éveillent.

À l’est, le soleil, poin­tant à peine l’horizon, retient un peu sa ronde quo­ti­dienne obs­ti­née. Il lui a sem­blé voir mar­cher une mon­tagne cou­ron­née d’êtres humains. Mais au-delà du soleil et des nuages gris que la nuit a oubliés der­rière elle, per­sonne ici ne semble surpris.

« De fait, c’est ain­si que c’était écrit », dit le vieil Anto­nio en affû­tant sa machette à double tran­chant, et Doña Jua­ni­ta acquiesce avec un soupir.

Le foyer sent le café et le maïs cuit. Une cum­bia passe sur la radio com­mu­nau­taire. Ses paroles racontent une légende impos­sible : une mon­tagne qui navigue à rebrousse-poil de l’histoire.

-*-

Sept per­sonnes, sept zapa­tistes, consti­tuent la sec­tion mari­time de la délé­ga­tion qui visi­te­ra l’Europe. Quatre sont des femmes, deux sont des hommes et un·e est autre. 4, 2, 1. L’escadron 421 est déjà can­ton­né dans ledit « Centre d’entraînement mari­time-ter­restre zapa­tiste », situé dans le Semille­ro Coman­dan­ta Ramo­na dans la zone Tzotz Choj.

Ça n’a pas été facile. Et même, ça a été ardu. Pour arri­ver à ce calen­drier, nous avons dû affron­ter des objec­tions, des conseils, des décou­ra­ge­ments, des appels à la rete­nue et à la pru­dence, des sabo­tages purs et simples, des men­songes, des médi­sances, des énu­mé­ra­tions détaillées des dif­fi­cul­tés, des ragots et des inso­lences, et une phrase répé­tée jusqu’à la nau­sée : « Ce que vous vou­lez faire est très dif­fi­cile, pour ne pas dire impos­sible. » Et, bien sûr, tout en nous disant, en nous ordon­nant, ce que nous devons faire ou ne pas faire. Cela de ce côté-ci et de l’autre côté de l’océan.

Bien sûr, tout ça sans comp­ter les obs­tacles du gou­ver­ne­ment suprême et de sa bureau­cra­tie igno­rante, bor­née et raciste.

Mais de tout ça, je vous par­le­rai une autre fois. Main­te­nant je dois vous par­ler un peu de notre délé­ga­tion mari­time zapa­tiste toute neuve.

Les quatre femmes, les deux hommes et l@ autre sont des êtres humains. On leur a appli­qué le test de Turing, avec quelques modi­fi­ca­tions que j’ai jugées per­ti­nentes, afin d’exclure la pos­si­bi­li­té que l’un·e d’entre elles·eux ou tou·te·s soient un orga­nisme cyber­né­tique, un robot, capable de dan­ser la Cum­bia del Sapi­to à contre-rythme. Par consé­quent, les 7 êtres appar­tiennent à la race humaine.

Les 7 sont nés sur le conti­nent qu’on appelle « Amé­rique », et le fait qu’ils par­tagent les dou­leurs et les rages d’autres peuples natifs de ce côté de l’océan fait d’eux des Lati­no-Amé­ri­cains. Ils sont aus­si mexi­cains de nais­sance, des­cen­dants des peuples ori­gi­naires mayas, comme le confirment leurs familles, leurs voi­sins et leurs connais­sances. Ils sont aus­si zapa­tistes, les docu­ments des com­munes auto­nomes et des conseils de bon gou­ver­ne­ment en attestent. Ne leur a été impu­té aucun délit qui n’ait été sanc­tion­né en son temps. Ils vivent, ils tra­vaillent, ils tombent malades, ils gué­rissent, ils aiment, n’aiment plus, ils rient, ils pleurent, ils se sou­viennent, ils oublient, ils jouent, ils sont sérieux, ils prennent des notes, ils cherchent des pré­textes, bref, ils vivent dans les mon­tagnes du Sud-Est mexi­cain, dans le Chia­pas, au Mexique, en Amé­rique latine, sur le conti­nent amé­ri­cain, sur la Pla­nète Terre, etc.

Les 7, de plus, se sont por­tés volon­taires pour faire la tra­ver­sée par mer — ce qui ne pro­voque pas beau­coup d’enthousiasme chez les zapa­tistes de tous âges et de tous types. Dans quelle mesure la cam­pagne de ter­reur déclen­chée par Espe­ran­za et toute la bande de Defen­sa Zapa­tis­ta, syn­thé­ti­sée dans le fameux algo­rithme « on va tou·te·s mou­rir misé­ra­ble­ment », y a‑t-elle contri­bué ? Je ne sais. Mais le fait d’avoir vain­cu les réseaux sociaux, what­sapp inclus, sans aucun avan­tage tech­no­lo­gique (et même pas de signal local de télé­phone cel­lu­laire) m’a moti­vé à mettre mon grain de sel de mer.

Ain­si, pous­sé par ma sym­pa­thie pour la bande de Defen­sa Zapa­tis­ta, j’ai deman­dé la per­mis­sion au Sub­Moy de par­ler à la délé­ga­tion, qui, entre cris, pleurs et rires d’enfants, se pré­pa­rait à l’invasion qui n’en est pas une… enfin, c’en est une, mais c’est quelque chose de, disons, consen­suel. Quelque chose comme un inter­na­tio­na­lisme sado­ma­so­chiste qui, bien sûr, ne sera pas bien vu par l’orthodoxie faite avant-garde, laquelle, comme il se doit, est tel­le­ment en avance sur les masses qu’on n’arrive pas à l’apercevoir.

Je me suis pré­sen­té à l’assemblée et, affi­chant mon visage le plus tra­gique, je leur ai racon­té des choses hor­ribles sur la haute mer : les vomis­se­ments sans fin ; l’immensité mono­tone de l’horizon ; la nour­ri­ture pauvre en maïs, sans pop-corn et — hor­reur ! — sans sauce Valen­ti­na ; la claus­tra­tion pen­dant plu­sieurs semaines avec d’autres per­sonnes — avec les­quelles, les pre­mières heures, on échange des sou­rires et des atten­tions, et peu après des regards assas­sins ; j’ai aus­si décrit, avec force détails, de ter­ribles tem­pêtes et des périls incon­nus ; j’ai par­lé du kra­ken et, par défor­ma­tion lit­té­raire, je leur ai par­lé d’une gigan­tesque baleine blanche qui cher­chait furieu­se­ment à qui arra­cher la jambe, ce qui évi­te­rait à la vic­time un rôle hono­rable dans la cum­bia la plus lente. Ç’a été inutile. Et je dois vous avouer, au grand dam de ma fier­té de genre, que ce sont sur­tout les femmes qui ont dit : « en bateau », lorsqu’on leur pro­po­sait de choi­sir entre le voyage par mer et le voyage en avion.

Ain­si, ce ne sont pas 7, ni 10, ni 15, mais plus de 20 per­sonnes qui se sont ins­crites. Même la petite Vero­ni­ca, de trois ans, s’est ins­crite lorsqu’elle a enten­du l’histoire de la baleine assas­sine. Oui, c’est incom­pré­hen­sible. Mais lorsque vous la connaî­trez (la petite fille, pas la baleine), vous la plain­drez. Je veux dire, vous plain­drez Moby Dick.

Alors pour­quoi seule­ment 7 ? Eh bien, je peux vous par­ler des 7 points car­di­naux (l’avant, l’arrière, un côté, l’autre, le centre, le haut et le bas), des 7 dieux pre­miers, ceux qui ont don­né nais­sance au monde, et ain­si de suite. Mais la véri­té est que, loin des sym­boles et des allé­go­ries, ce nombre est dû au fait que la plu­part d’entre eux n’ont pas obte­nu leur pas­se­port et sont encore en train de batailler pour l’obtenir. Je vous racon­te­rai plus tard.

Bon, mais sûre­ment ces pro­blèmes ne vous inté­ressent pas. Ce que vous vou­lez savoir, c’est qui va navi­guer sur « La Mon­tagne », tra­ver­ser l’océan Atlan­tique et enva­hir… euh, je veux dire visi­ter l’Europe. Alors voi­ci leurs pho­tos et une très brève présentation :

Lupi­ta. Dix-neuf ans. Mexi­caine de nais­sance. Tsot­sil du Haut Chia­pas. Elle parle cou­ram­ment sa langue mater­nelle, le tsot­sil, et l’espagnol. Elle sait lire et écrire. Elle a été coor­di­na­trice locale des jeunes et admi­nis­tra­trice locale du tra­vail col­lec­tif. Musique qu’elle aime : pop, roman­tique, cum­bias, bal­lades, élec­tro­nique, rap, hip-hop, musique andine, musique chi­noise, révo­lu­tion­naire, clas­sique, rock des années 80 (c’est ce qu’on dit), maria­chis, musique tra­di­tion­nelle de son peuple… et reg­gae­ton (ndlr : si ça, n’est pas « un monde où tiennent plu­sieurs mondes », je ne sais pas ce qui pour­rait l’être. Fin de la note). Cou­leurs pré­fé­rées : noir, rouge, cerise et mar­ron. Expé­rience mari­time : enfant, elle a voya­gé en barque. S’est pré­pa­rée pen­dant six mois pour être délé­guée. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe. Elle repré­sen­te­ra assu­me­ra les tâches de Ter­cia Com­pa 1 durant la tra­ver­sée en mer.

-*-

Caro­li­na. Vingt-six ans. Mexi­caine de nais­sance. Ori­gi­nel­le­ment tsot­sil du Haut Chia­pas, à pré­sent tsel­tal de la sel­va Lacan­done. Elle parle cou­ram­ment sa langue mater­nelle, le tsot­sil, ain­si que le tsel­tal et l’espagnol. Elle sait lire et écrire. Mère céli­ba­taire d’une petite fille de six ans. Sa mère l’aide à s’occuper de l’enfant. Elle a été la coor­di­na­trice de « Como mujeres que somos » [« Comme les femmes que nous sommes »] et a sui­vi des cours de méde­cine vété­ri­naire. Elle est actuel­le­ment com­man­dante à la direc­tion poli­ti­co-orga­ni­sa­tion­nelle zapa­tiste. Musique qu’elle aime : pop, roman­tique, cum­bias, rock des années 80 (c’est ce qu’on dit), musiques de groupes et révo­lu­tion­naires. Cou­leurs pré­fé­rées : crème, noir et cerise. Expé­rience mari­time : une fois en barque. S’est pré­pa­rée pen­dant six mois pour être délé­guée. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe.

-*-

Xime­na. Vingt-cinq ans. Mexi­caine de nais­sance. Cho’ol du nord du Chia­pas. Elle parle cou­ram­ment sa langue mater­nelle, le cho’ol, et l’espagnol. Elle sait lire et écrire. Mère céli­ba­taire d’une petite fille de six ans. Sa mère la sou­tient en s’occupant de l’enfant. Elle a été coor­di­na­trice des jeunes et est actuel­le­ment com­man­dante à la direc­tion poli­ti­co-orga­ni­sa­tion­nelle zapa­tiste. Musique qu’elle aime : cum­bias, tro­pi­cale, roman­tique, révo­lu­tion­naire, rock des années 80 (c’est ce qu’on dit), élec­tro­nique et ran­che­ras. Cou­leurs pré­fé­rées : vio­let, noir et rouge. Expé­rience mari­time : une fois en barque. S’est pré­pa­rée pen­dant six mois pour être délé­guée. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe. Com­man­dante en second de la délé­ga­tion mari­time, après Dario.

Yuli. Trente-sept ans. Elle aura trente-huit ans en mai, en mer. Ori­gi­nel­le­ment tojo­la­bal de la sel­va fron­ta­lière, à pré­sent tsel­tal de la sel­va Lacan­done. Elle parle cou­ram­ment l’espagnol. Elle sait lire et écrire. Mère de deux enfants : une fille de douze ans et un gar­çon de six ans. Son com­pa­gnon la sou­tient en s’occupant des enfants. Son com­pa­gnon est tsel­tal, alors ils s’aiment, se dis­putent et s’aiment à nou­veau en espa­gnol. Elle a été pro­mo­trice d’éducation, for­ma­trice en édu­ca­tion (per­sonne qui forme les pro­mo­teurs et pro­mo­trices d’éducation) et coor­di­na­trice d’un col­lec­tif local. Musique qu’elle aime : roman­tique, groupes, cum­bia, val­le­na­to, révo­lu­tion­naire, tro­pi­cale, pop, marim­ba, ran­che­ras et rock des années 80 (c’est ce qu’on dit). Cou­leurs pré­fé­rées : noir, mar­ron et rouge. Expé­rience mari­time : aucune. S’est pré­pa­rée pen­dant six mois pour être délé­guée. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe.

-*-

Ber­nal. Cin­quante-sept ans. Tojo­la­bal de la zone de la sel­va fron­ta­lière. Il parle cou­ram­ment sa langue mater­nelle, le tojo­la­bal, et l’espagnol. Il sait lire et écrire. Père de onze enfants : l’aîné de trente ans et la plus jeune de six ans. Sa famille le sou­tient en s’occupant des enfants. Il a été mili­cien, res­pon­sable local, ensei­gnant de la Escue­li­ta zapa­tis­ta 2 et membre du conseil de bon gou­ver­ne­ment. Musique qu’il aime : ran­che­ras, cum­bias, hui­chol musi­cal, marim­ba et révo­lu­tion­naire. Cou­leurs pré­fé­rées : bleu, noir, gris et mar­ron. Expé­rience mari­time : canoë et barque. S’est pré­pa­ré pen­dant six mois pour être délé­gué. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe.

-*-

Darío. Qua­rante-sept ans. Cho’ol du nord du Chia­pas. Il parle cou­ram­ment sa langue mater­nelle, le cho’ol, et l’espagnol. Il sait lire et écrire. Père de trois enfants : un gar­çon de vingt-deux ans, une fille de neuf ans et la plus jeune de trois ans. Le gar­çon et la fille partent avec leur mère en Europe par avion en juillet. Il a été mili­cien, res­pon­sable local, res­pon­sable régio­nal, et est actuel­le­ment com­man­dant à la direc­tion poli­ti­co-orga­ni­sa­tion­nelle zapa­tiste. Musique qu’il aime : ran­che­ras de Bertín et Lalo, musique tro­pi­cale, marim­ba, musique régio­nale et révo­lu­tion­naire. Cou­leurs pré­fé­rées : noir et gris. Expé­rience mari­time : canoë. S’est pré­pa­ré pen­dant six mois pour être délé­gué. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe. Il sera le coor­di­na­teur de la délé­ga­tion mari­time zapatiste.

-*-

Mari­jose. Trente-neuf ans. Tojo­la­bal de la zone de la sel­va fron­ta­lière. Elle parle cou­ram­ment l’espagnol. Elle sait lire et écrire. Elle a été mili­cienne, pro­mo­trice de san­té, pro­mo­trice d’éducation et for­ma­trice en édu­ca­tion. Musique qu’elle aime : cum­bias, roman­tique, ran­che­ras, pop, élec­tro­nique, rock des années 80 (c’est ce qu’on dit), marim­ba et révo­lu­tion­naire. Cou­leurs pré­fé­rées : noir, bleu et rouge. Expé­rience mari­time : canoë et barque. S’est préparé·e pen­dant six mois pour être délégué·e. Volon­taire pour voya­ger en bateau vers l’Europe. A été désigné·e comme l@ premier·première zapa­tiste à débar­quer et c’est avec il·elle que com­men­ce­ra l’invasion… enfin, la visite en Europe.

 

-*-

 

Ain­si, le pre­mier pied à se poser sur le sol euro­péen (bien sûr, si on nous laisse débar­quer) ne sera pas celui d’un homme ni d’une femme. Ce sera celui d’un·e autre.

Dans ce que feu le Sup­Mar­cos aurait décrit comme « une claque avec un bas noir pour toute la gauche hété­ro­pa­triar­cale », il a été déci­dé que la pre­mière per­sonne à débar­quer sera Marijose.

Dès qu’elle·il aura posé les deux pieds sur le sol euro­péen et se sera remise du mal de mer, Mari­jose criera :

« Ren­dez-vous, visages pâles hété­ro­pa­triar­caux qui per­sé­cu­tez ce qui est différent ! »

Nan, je plai­sante. Mais ça ne serait bien qu’elle le dise, non ?

Non, en des­cen­dant à terre, l@ com­pa zapa­tiste Mari­jose dira d’une voix solennelle :

« Au nom des femmes, des enfants, des hommes, des anciens et, bien sûr, des zapa­tistes autres, je déclare que le nom de cette terre, que ses natu­rels appellent aujourd’hui “Europe”, s’appellera désor­mais : SLUMIL K’AJXEMK’OP, ce qui signi­fie “Terre insou­mise”, ou “Terre qui ne se résigne pas, qui ne défaille pas”. Et c’est ain­si qu’elle sera connue des habi­tants et des étran­gers tant qu’il y aura ici quelqu’un qui n’abandonnera pas, qui ne se ven­dra pas et qui ne capi­tu­le­ra pas. »

-*-

 

Dont acte.

Sup­Ga­lea­no.
Avril 2021.

(À suivre…)

  1. L@s Terci@s Comp@s sont des groupes de vidéastes zapatistes 
  2. La Escue­li­ta zapa­tis­ta : école à laquelle chacun·e a été invité·e à connaître le mode de vie zapa­tiste d’août 2013 à jan­vier 2014.