“Le droit de grève est légitime mais…”

Par Hugues Lepaige

/

blog de HL

Hugues Lepaige : l’hégémonie poli­tique et idéo­lo­gique de la droite domine les esprits.

Image_8-20.png

Le Pre­mier ministre Elio Di Rupo et le pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne José Manuel Barroso

« Le droit de grève est légi­time mais… » : atten­tion, cette péti­tion de prin­cipe que l’on a trou­vée sous de nom­breuses plumes lors de la grève géné­rale de lun­di s’accompagnait en géné­ral de la démo­li­tion sys­té­ma­tique de sa mise en appli­ca­tion. Bien enten­du, une grève géné­rale n’est jamais une par­tie de plai­sir pas plus pour ceux qui la font que pour ceux qui la subissent. Mais on a rare­ment pu consta­ter un tel consen­sus média­tique avant, pen­dant et après un mou­ve­ment syn­di­cal. « Inutile, ana­chro­nique, dépla­cée, archaïque, injus­ti­fiée ou absurde » : on avait le choix des qua­li­fi­ca­tifs néga­tifs. Des médias qui, à l’étape sui­vante, se deman­daient avec une can­deur tou­chante si les syn­di­cats n’avaient pas per­du la bataille de l’opinion publique…

Le rou­leau com­pres­seur n’a sans doute jamais été aus­si puis­sant. Les innom­brables séquences consa­crées aux incon­vé­nients et aux désa­gré­ments pro­vo­quées par la grève ont par­ache­vé le tra­vail. Et on a vu des JT concur­rents réa­li­sé le même repor­tage, sur le même chan­tier avec le même contre­maître en fureur contre les mêmes syn­di­ca­listes et les même tra­vailleurs désem­pa­rés. Pen­dant que l’unique voya­geur blo­qué à l’aéroport de la Char­le­roi a failli deve­nir une star des médias. On a vu à cette occa­sion com­bien le dis­cours de l’austérité est inté­gré dans les men­ta­li­tés média­ti­co-poli­tiques, jusqu’où la culpa­bi­li­sa­tion de ceux qui mettent en cause le désordre éta­bli peut aller et à quel point l’hégémonie poli­tique et idéo­lo­gique de la droite domine les esprits. Ce qui consti­tue bien le cœur de la ques­tion pour ceux qui tentent de résis­ter à l’emprise du capi­ta­lisme finan­cier qui conti­nue à faire payer le prix de ses frasques et de ses pro­fits aux populations.

On peut certes s’interroger sur les stra­té­gies syn­di­cales à moyen et long terme et on y revien­dra. Mais dans l’immédiat elle est claire : il s’agit d’exprimer — et sans doute de cana­li­ser- la colère de ceux à qui on n’arrête pas de faire payer la crise au prix d’un recul social sans pré­cé­dent. Et d’autre part, de faire pres­sion afin d’éviter une aus­té­ri­té encore plus dra­co­nienne lors du pro­chain contrôle bud­gé­taire. Les ministres socia­listes et le pre­mier d’entre eux ont cruel­le­ment besoin de cette pres­sion-là pour évi­ter de deve­nir défi­ni­ti­ve­ment les otages de la droite libé­rale. Alors, vrai­ment inutile, cette grève ? Comme tou­jours la réponse dépend du lieu où on parle et de quels inté­rêts on se prévaut.