Maman, si je disparais un jour, ne les crois pas

Par Gil­raen Eärfalas

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FB de Gil­raen E.


tra­duit par ZIN TV

Chaque jour, des femmes dis­pa­raissent, en toute impunité.

Maman, si je dis­pa­rais un jour,
ne les crois pas.
Non, je ne me suis pas enfuie avec “le petit ami”,
non, je ne ven­dais pas de drogue et ne me livrais pas à des acti­vi­tés illégales,
non, je n’é­tais pas une petite amie, ni la com­pagne d’un dea­ler de drogue,
non, je ne me suis pas enfuie pour mener une vie sans règle.

Maman, si je ne rentre pas à la maison,
ne crois pas ce que les gens vont dire,
ne crois pas ce que dira la télévision,
ou la radio,
ou l’Internet,
tout le monde me blâmera,
ils diront que j’é­tais habillée de façon indécente,
ils diront qu’ils m’ont vu prendre un verre vendredi,
ils diront que je suis mon­tée dans une voi­ture avec plu­sieurs hommes,
ils diront que je cher­chais de l’argent,
ils diront que j’é­tais dehors la nuit.
On me repro­che­ra d’être allée danser,
d’a­voir mar­ché seule,
de ne pas avoir por­té de jupe allant jus­qu’aux chevilles,
d’a­voir por­té du maquillage,
d’a­voir été extravertie,
d’être une femme,
de ne pas avoir crié,
de ne pas m’être défen­due face à trois hommes,
tout le monde dira
qu’ils ont violé,
qu’ils ont frappé,
qu’ils ont tué “une pute de plus”,
parce que une femme “décente”
reste chez elle,
une “femme décente”.
ne se maquille pas, cela peut pro­vo­quer les regards,
“une femme décente”
ne parle pas à beau­coup d’hommes,
“une femme décente”
ne boit pas,
“une femme décente”
est soumise,
tête baissée,
ils ne ver­ront pas son visage.

Maman, la véri­té c’est que si je ne revien­drai pas,
ils vont cer­tai­ne­ment exploi­ter mon corps
comme un objet.
Je suis sûre que je serai par­tie depuis longtemps
comme le jouet d’un homme dépravé.
Je suis sûre que je serai un incubateur
pour don­ner nais­sance à des enfants pour le commerce,
Je suis sûre que je vais tra­vailler dans un sous-sol
en accom­plis­sant des tâches abominables,
Je suis sûre que je serai mise sur un site web aux enchères,
Je suis sûre que je serai dans une salle d’o­pé­ra­tion souterraine
sur le point de perdre la vie
pour don­ner un rein à un mil­lion­naire souf­frant d’une insuf­fi­sance rénale.
Je suis sûre que je serai sous terre,
dans un sac,
dans une boîte,
comme un déchet
comme une ordure.

Maman, je suis en train d’é­crire ceci
pour te faire savoir que je ne pars jamais à l’improviste,
Je n’é­teins jamais mon télé­phone pour t’empêcher de m’appeler,
Je ne te quit­te­rai jamais le cœur brisé.

Maman, si je ne reviens pas, ne les crois pas.