Méandres, par Johan van der Keuken

par Johan van der Keuken

Cet article est extrait de la revue Tra­fic n° 13, hiver 1995, pp. 14 – 23.

Au fond, ma recherche concerne tous les rap­ports pos­sibles entre les images et les sons.

En juin 1994, le Fes­ti­val inter­na­tio­nal du film docu­men­taire « Vue sur les Docs », à Mar­seille, a orga­ni­sé une rétros­pec­tive de mes films. Nous avons fait un vrai tra­vail de pré­sen­ta­tion et d’information. Pour la clô­ture, j’ai par­ti­ci­pé, dans une ambiance cha­leu­reuse, à un débat avec le public ani­mé par Marie-Chris­tine Per­rière et Ber­nard Favier, qu’ici je remer­cie. J’ai eu ensuite le désir de retra­vailler cette parole pour en faire un texte, que j’appelle « Méandres », car il m’est fami­lier d’avancer selon une tra­jec­toire angu­leuse, sinueuse, d’une chose à l’autre. Ce mou­ve­ment déter­mine sou­vent la forme de mes films : je tourne dans les coins, et je négo­cie les virages.

Donc : les cinéastes qui m’ont influen­cé sont autant des cinéastes de fic­tion que des docu­men­ta­ristes. À ce niveau, la dif­fé­rence n’a jamais joué. C’est le ciné­ma, sim­ple­ment, qui m’intéressait. À une cer­taine époque, Hit­ch­cock, par exemple. Dans cer­tains de mes films, il y a un tra­vail du champ-contre-champ, un des pro­cé­dés clas­siques du ciné­ma nar­ra­tif. II y a par­fois une cer­taine froi­deur, par exemple dans Le Masque (1989, 55 mn), qui peur rap­pe­ler Hit­ch­cock. Je pense à cer­tains plans de Mar­nie, mar­qués par un sta­tut d’in­cer­ti­tude : est-ce du réel ou du rêve ? Dans Le Masque, il y a une scène où le per­son­nage cen­tral, Phi­lippe, un Jeune SDF, se fait cou­per les che­veux chez le coif­feur, pour obte­nir l’ap­pa­rence bour­geoise tant dési­rée. Puis, dans le jeu de miroirs d’une bou­tique de mode, il enfile le cos­tume qui doit lui ser­vir de « masque » social. Des trans­for­ma­tions s’ef­fec­tuent sur son corps même, qui sont donc « vraies », mais qui sont démen­ties dans la scène sui­vante, où nous retrou­vons Phi­lippe dans le dor­toir de l’Ar­mée du Salut avec son phy­sique de galé­rien. Cette ambi­guï­té, cette incer­ti­tude sur le com­ment de ces images, fait déra­per, sor­tir des marques et des balises du documentaire.

Il y a le plai­sir aus­si, en fai­sant des films, d’ar­ri­ver à m’é­ton­ner moi-même, à faire des films que, peut-être, je ne com­pren­drai que dix ans plus tard. Un petit film comme On Ani­mal Loco­mo­tion (1994, 15 mn), par exemple, son inté­rêt, a mes yeux, est qu’il s’y dévoile quelque chose qui me sur­prend tota­le­ment. Mais la néces­si­té de son fil­mage, dans le détail, m’ap­pa­raît aus­si : ça se tient, thé­ma­ti­que­ment, cela a une cer­taine force, même si les rai­sons de me fil­mer ain­si, tenant la camé­ra devant moi — des frag­ments de mon corps, mon visage bouf­fon -, sont irra­tion­nelles. Il y a là un lien évident avec l’œuvre d’Ead­weard Muy­bridge (Human and Ani­mal Loco­mo­tion), ce pho­to­graphe et pré­cur­seur du ciné­ma qui a ana­ly­sé le mou­ve­ment du corps. En bra­quant la camé­ra sur moi, je deviens mon propre Muy­bridge. Mais, encore plus impor­tant : il me fal­lait un contre-mou­ve­ment aux images qui se pré­ci­pitent sur moi, un contre-cou­rant à tout ce qui vient de l’ex­té­rieur. L’in­té­rieur, c’est la place du cinéaste, son œil, sa tête, et je dirais qu’il faut un inté­rieur à tout exté­rieur. Ce sont là les rai­sons visibles, repé­rables. Der­rière elles sont les motifs plus intimes, qu’on n’en­tre­voit sou­vent que beau­coup plus tard.

Pour la soi­rée d’ou­ver­ture de ce fes­ti­val, on avait pré­vu de mon­trer le Sara­je­vo Film Fes­ti­val Film (1993, 14 mn). On m’a dit que ce petit film avait tou­ché beau­coup de gens, qu’on y sen­tait, sans vio­lence évi­dente ni images san­glantes, ce que cela pou­vait être que de vivre en ces cir­cons­tances de siège et de guerre, mieux que dans des docu­ments, en un sens, beau­coup plus forts. Dans ce cas-là, on peut dire que la récep­tion du film s’est pour ain­si dire sta­bi­li­sée, ce qui n’est pas tou­jours le cas. C’est ain­si qu’il faut pré­sen­ter mes films, il faut qu’ils se ren­forcent et se déchirent entre eux. Il faut leur lais­ser un aspect inat­ten­du, mys­té­rieux, qu’ils soient vus en quelque sorte image par image. Par exemple. On Ani­mal Loco­mo­tion, c’est un second film sur Sara­je­vo, dont la récep­tion est com­plè­te­ment instable. Il s’a­git tou­jours de désta­bi­li­ser la façon dont on voit les choses, afin de pou­voir atteindre, ne serait-ce qu’un ins­tant, l’expé­rience.

Ed van Els­ken, Un amour à Saint-Germain-des-Prés

J’ai été influen­cé, très jeune, par un pho­to­graphe hol­lan­dais, Ed van Els­ken, dont le pre­mier album. Un amour à Saint-Ger­main-des-Prés est orga­ni­sé en un faux récit : une sorte de bande pho­to­gra­phique sur cer­tains mar­gi­naux, soi-disant “exis­ten­tia­listes”, à Paris, au début des années cin­quante. Une pho­to très noire et très crue, très pic­tu­rale en même temps. C’est un peu lui qui m’a décou­vert, quand il a vu les pho­tos que j’a­vais faites depuis l’âge de quinze ans, il m’a encou­ra­gé, et pra­ti­que­ment auto­ri­sé, à entre­prendre et à publier mon pre­mier livre d’i­mages : Nous avons dix-sept ans. C’est là que j’ai entre­vu un tout autre monde, une liber­té hors de cet uni­vers de classe moyenne dont j’é­tais ori­gi­naire. J’ai dédié Face Value (1991, 120 min) à ce pho­to­graphe, et fil­mé son por­trait, peu avant sa mort. Il dia­logue avec sa femme, tan­dis qu’il est en train de mou­rir, for­mu­lant une sorte de reli­gion à pro­pos de la vie maté­rielle, que je trouve for­mi­dable : « Cette mala­die, c’est mon cha­grin pri­vé, que j’es­saie­rai de por­ter avec élé­gance, jus­qu’à la fin. Tout se pré­sente de façon tota­le­ment logique : on gran­dit, on s’épanouit, on se dégrade, et c’est tout. Mais la vie est si incroyable qu’elle com­prend déjà son propre Para­dis. Ces gens qui demandent : pour­quoi est-on sur terre ? On est là pour pro­fi­ter de la créa­tion, nom de Dieu ! Et si tu n’es pas capable de voir ça, t’es une belle ordure ! ».

À mon arri­vée à Paris, en 1956, j’ai fait la décou­verte d’un livre extra­or­di­naire : le New York de William Klein (album Petite Pla­nète n° 1, édi­tions du Seuil, 1956). En ren­trant à l’Idhec, je l’ai pris comme un vrai coup dans la gueule, quelque chose d’im­mense. Avec cette expres­sion, ces formes-là, quelque chose des bar­rières cultu­relles parais­sait se bri­ser, ouvrait la voie à autre chose. Et puis, vers la fin de mes études à l’Id­hec, à vingt ans, en 1958, j’ai vu arri­ver cer­tains films de la Nou­velle Vague. La longue course sur la plage, à la fin des Quatre Cents Coups de Truf­faut, C’é­tait peut-être la pre­mière fois que je voyais un film quit­ter réso­lu­ment le contexte nar­ra­tif pour s’installer dans la poé­sie d’une durée pal­pable : quel choc ! Encore plus fort, A bout de souffle de Godard : il avait cou­pé là où il vou­lait, au milieu des plans, com­po­sant son film comme une série de jump-cuts. Il se per­met­tait une liber­té entiè­re­ment nou­velle. L’ère du tra­vel­ling en fau­teuil rou­lant com­men­çait, avec l’im­pres­sion que le ciné­ma se décou­vrait de nou­veaux moyens, la per­mis­sion de faire tout ce que l’Id­hec n’en­sei­gnait pas. À par­tir de là, à la mesure de mon tra­vail pho­to­gra­phique (avec un pro­jet d’al­bum sur Paris, je me bala­dais avec mon appa­reil-pho­to à la main), l’i­dée et le désir d’un ciné­ma tota­le­ment phy­sique se sont mis à me han­ter, pour un ciné­ma “direct”. Ensuite est venue la ques­tion : dans quel type de récit peut-on inté­grer cela, et de quel appa­reil for­mel se servir ?

Les pre­miers films de Resnais, en ce sens, m’ont fas­ci­né : la recherche de struc­tures pour un contre-monde. Dans l’é­vo­lu­tion de mon tra­vail en tant que com­po­si­teur de films, je suis plus influen­cé par Resnais que par Godard, même si c’est Godard qui m’a pro­cu­ré ce moment libé­ra­teur, contre tout aca­dé­misme, et dont j’ai subi un tel impact d’exaltation que je n’en dor­mais plus. Enfin, il y avait la liber­té de Godard, et la com­po­si­tion de Resnais : Hiro­shi­ma mon amour, Muriel, L’année der­nière à Marien­bad, que je revois tou­jours avec émo­tion. D’un côté Hit­ch­cock, de l’autre Lea­cock. En pein­ture, Mon­drian et Pol­lock, ou Mon­drian et Van Gogh : l’a­pol­li­nien et le dio­ny­siaque, je veux les deux, je suis tou­jours entre les deux. Mais, pour faire évo­luer la struc­ture d’un film, on a peut-être plus, à apprendre chez Mon­drian : Resnais, Hit­ch­cock, Ozu sur­tout, sont du côté de Mon­drian. Ozu, c’est très fort. Ses films sont comme des assem­blages de points de vue plus ou moins fixes sur des élé­ments per­pé­tuel­le­ment recy­clés : la petite ruelle, les fils télé­gra­phiques, les poteaux, les mai­sons cloi­son­nées par le bois ou le papier. Espaces frag­men­taires et codés : des espaces vitaux nés du rap­port entre les élé­ments spatiaux.

Il se passe peu de chose, on dirait, et tout à coup c’est une émo­tion intense. Là, j’ai sen­ti qu’on tou­chait à une essence du ciné­ma. Cela ne vient pas seule­ment des acteurs, mal­gré tout leur talent, leur émo­tion ; pas du récit non plus, dont le par­cours est un peu tou­jours le même : la perte de quel­qu’un, dont on finit par s’accommoder, selon une néces­si­té de la perte, même très dure. C’est fina­le­ment l’ap­pren­tis­sage de vivre, avec ce qu’il y a ou ce qu’il n’y a plus, qui passe par­fois par des moments très dou­lou­reux, mais dans une grande ten­dresse. Le cadre est plu­tôt dur, dans un agen­ce­ment de l’es­pace qui est à la fois phy­sique et men­tal. Comme chez Hit­ch­cock, c’est à la fois l’es­pace de l’action, celui du sus­pense de l’his­toire, et un espace inté­rieur, men­tal. Chez Ozu, c’est fait avec rete­nue, humour, finesse. Dans Le Goût du saké, il aborde la ques­tion de la moder­ni­té, qui croise celle de la perte.

C’est le pas­sage du saké au whis­ky Lorsque j’ai eu le plai­sir de séjour­ner briè­ve­ment au Japon, il y a quelques années, du train à grande vitesse, je regar­dais avec avi­di­té le pay­sage urbain, recon­nais­sant les plans d’O­zu. La ruelle, les mate­las mis à sécher, aux fenêtres de petites mai­sons. C’est un espace où se recons­ti­tue la nour­ri­ture de notre regard. Mon tra­vail par rap­port au réel se situe dans ce double mou­ve­ment : un va-et-vient entre la fic­tion­na­li­sa­tion et le retour au monde. Un regard de recon­nais­sance sur le monde, au double sens du terme. Le mot recon­nais­sance s’ap­plique très bien à Ozu.

J’ai com­men­cé à faire mes propres films avec une camé­ra que mes parents m’ont offerte quand j’ai quit­té l’Idhec, où je n’a­vais pas envie de res­ter jus­qu’au diplôme. C’é­tait une petite Bolex, qui per­met­tait de tour­ner des plans de vingt-quatre secondes. Il fal­lait sans arrêt remon­ter le res­sort, j’ai tourne avec elle tous mes pre­miers films, à par­tir de 1960. En 1965, J’ai obte­nu une autre Bolex, avec de grands char­geurs, un moteur, et un géné­ra­teur Pilo­tone, qui me per­met­tait de tour­ner en syn­chrone. C’est ain­si que j’ai réa­li­sé Bep­pie (1965, 38 mn). À par­tir de là, J’ai com­men­cé à com­bi­ner des séquences en son syn­chrone et en son libre. Il faut pen­ser qu’a­vant le déve­lop­pe­ment du ciné­ma véri­té, le ciné­ma docu­men­taire c’é­tait une image avec une musique, un brui­tage ou un com­men­taire sépa­rés, non syn­chrones. Avec le temps, le besoin s’est fait sen­tir d’a­voir plus de cou­leurs sur la palette, et l’élé­ment de syn­chro­nie des sons est deve­nu important.

Quand sont arri­vés les films de Jean Rouch, Les Maîtres-Fous, et sur­tout Moi, un noir, ce fut un autre choc. Tout à coup, l’i­dée d’une « syn­taxe ciné­ma­to­gra­phique », sur laquelle j’a­vais déjà beau­coup de doutes, a été balayée pour moi au pro­fit d’une « syn­taxe du corps » qui dic­tait l’en­chaî­ne­ment des images et des sons. Plus tard, ce fut sur­tout Eddie Sachs at India­na­po­lis, de Lea­cock, Drew et Pen­ne­ba­ker (1961), qui m’a impres­sion­né. Le film tour­nait lit­té­ra­le­ment en rond pen­dant deux heures, en sui­vant les tours d’une course auto­mo­bile. Ce cercle, c’é­tait la forme gra­phique d’une scé­no­gra­phie pui­sée direc­te­ment dans la contin­gence du réel.

J’a­vais donc deux Bolex, la petite, à res­sort, avec laquelle je conti­nuais à tour­ner beau­coup de plans, et cette Bolex bri­co­lée, qui avait la manie de se coin­cer en milieu de bobine. J’ai inté­gré ce défaut dans Her­man Slobbe — L’En­fant aveugle II (1966, 29 mn), où la pel­li­cule qui se coince devient une méta­phore de la dif­fi­cul­té de faire du ciné­ma, et une invi­ta­tion à cap­ter les secousses du monde. L’al­ter­nance de ces deux camé­ras résume assez ma posi­tion dans le cou­rant des années soixante : entre le lan­gage du mon­tage, qui avait domi­né le docu­men­taire d’a­vant-garde (et qui avait débou­ché sur une sorte de pic­to­ria­lisme com­men­té), et le ciné­ma-véri­té qui me fas­ci­nait par sa capa­ci­té d’é­pou­ser la durée des évé­ne­ments, mais qui man­quait des moyens for­mels pour décrire « le monde des choses ». J’ai com­po­sé avec les deux, tout en fai­sant des incur­sions dans dif­fé­rents domaines nar­ra­tifs ou expérimentaux.

À la fin des années soixante, j’ai acquis une Arri­flex BL, une vraie camé­ra syn­chrone, assez lourde, mais avec laquelle j’ai quand même tour­né jus­qu’à la fin des années soixante-dix. Ensuite, j’ai héri­té d’un peu d’argent, et j’ai pu échan­ger mon Arri­flex contre une Aäton. Avec l’Arriflex, à cause du poids, je n’ar­ri­vais pas à faire cer­tains mou­ve­ments, par exemple- à me rele­ver d’une posi­tion accrou­pie. Avec l’Aäton, le dyna­misme est supérieur.

Entre-temps, il y a eu des films en 35 mm : Un film pour Luce­bert (1967, 24 mn) 1, La Vélo­ci­té 40 – 70 (1970, 25 mn), et Beau­ty (1970, 25 mn). J’ai pu y explo­rer la cou­leur, des com­po­si­tions aux cadres plus larges, plus de varié­té dans la pro­fon­deur de champ, et un son libre, déta­ché, que j’appliquais en couches, comme un peintre. Aujourd’­hui encore j’ai le sen­ti­ment que c’est le tra­vail du son qui rap­proche le ciné­ma de la peinture.

J’ai tou­jours gar­dé ma Bolex pour des prises spé­ciales. Dans La Jungle plate (1978, 90 mn), tout ce qui est de l’ordre du minus­cule, je l’ai fil­mé avec la Bolex. Elle per­met des mani­pu­la­tions inté­res­santes, que j’u­ti­lise encore dans cer­tains de mes films : les chan­ge­ments d’ob­jec­tifs, les sur­im­pres­sions en rem­bo­bi­nant la pel­li­cule dans la camé­ra, les ralen­tis ou les accé­lé­rés. Actuel­le­ment je la garde en copro­prié­té avec un de mes fils (Sti­jn van San­ten, fils d’un pre­mier mariage de ma femme Nosh­ka, qui vit avec moi depuis l’âge de trois ans), qui est deve­nu cinéaste.

Avec cette Bolex, il a fait des choses, mer­veilleuses, très auda­cieuses, et cela m’a don­né envie de la reprendre pour On Ani­mal Loco­mo­tion. Lors d’un sémi­naire à Ham­bourg, avec Arta­vazd Pele­chian, en février 1994, on s’est bien amu­sés avec ça : on a repen­sé cer­taines affaires de mon­tage — mon pro­pos avec Loco­mo­tion, où je me suis éga­le­ment sou­ve­nu du tra­vail de Jonas Mekas. Grâce à Alf Bold, qui pro­gram­mait le ciné­ma Arse­nal à Ber­lin, jus­qu’à sa mort, en 1993, j’ai pu voir Rémi­nis­cences of a Jour­ney to Lithua­nia. D’abord j’ai trou­vé ça nul : cette image qui sau­tait… Mais Alf Bold m’a dit : « Il faut que tu consi­dères ton juge­ment. C’est vrai­ment bien. » Je ne l’ai pas oublié. C’est jus­te­ment ce trem­ble­ment qua­si per­pé­tuel de l’i­mage qui la fait exis­ter, entre liber­té et incertitude.

J’ai par­fois déclen­ché des trem­ble­ments dans mes films, comme un effet de ponc­tua­tion ou de réac­tion émo­tive. Par exemple, quand je filme Le Pen, j’ai envie de don­ner des coups de pied dans la camé­ra, de secouer l’i­mage au rythme de ses invec­tives pleur­ni­chardes. Cer­taines per­sonnes trouvent cet effet trop gros dans Face Value, mais il cor­res­pond à un besoin irré­flé­chi que j’ai éprou­vé pen­dant le tour­nage. Bon goût ou mau­vais goût, c’est ma façon d’être impli­qué dans le film. Un trem­ble­ment bien dif­fé­rent de celui de Mar­ker dans Sans Soleil. Là, il y a comme une dis­so­lu­tion du cadre, une sorte de danse de l’i­mage : enchaî­ne­ment d’i­dées, de phrases, de jeux de mots, mais aus­si des rac­cords de lumi­no­si­té, de mou­ve­ment pur. Cet effet de flot­te­ment vient pro­ba­ble­ment de ce que Mar­ker a tour­né à la main, avec une camé­ra si légère qu’il ne pou­vait pas la sta­bi­li­ser, sur­tout avec une focale plu­tôt longue. Mais il a su en faire un avan­tage. C’est un grand tra­vail musi­cal, de musique de l’i­mage. Cette façon de faire, j’y ai été sen­sible à tra­vers Mekas. Tout cela cir­cule. Et la Bolex s’y est retrou­vée à l’ordre du jour.

Les artistes n’é­prouvent pas de dif­fi­cul­té, en géné­ral pour dire que, dans le pas­sé, ils ont été influen­cés par tel ou tel. Mais il est plus déli­cat de dire : aujourd’­hui je suis sous influence. C’est plus déli­cat et plus sub­til : les influences deviennent un moyen de se réac­tua­li­ser, de rajeu­nir. Sans nier qu’on vieillit, on peut appré­cier de par­ti­ci­per d’un ciné­ma jeune. Il ne faut pas se cris­per pour refaire les mêmes trucs qu’on a faits vingt ans avant. On est moins fort, phy­si­que­ment, et il faut en tenir compte. Se regar­der faire, faire évo­luer ses acquis. Dans mon cas, c’est une évo­lu­tion avec recy­clage. Dans le pas­sé, en cher­chant à m’é­loi­gner de l’é­ti­quette « docu­men­taire », j’ai cher­ché du côté du concept de « ciné­ma thé­ma­tique ». Le ciné­ma que je fai­sais se situait quelque part entre docu­men­taire et fic­tion, entre « véri­té » et mon­tage, entre fil­mage fron­tal et com­po­si­tion en angles obliques, et sur­tout il pou­vait être vu comme un ensemble de rela­tions dyna­miques entre des images récur­rentes sus­cep­tibles d’être consi­dé­rées comme des thèmes, des sujets, dont on pou­vait faire l’inventaire : les mar­chés (il y en a bien une dizaine dans les films de cette rétros­pec­tive), les mises à mort de bêtes, la viande crue, les fruits ; les fenêtres, les façades, les bornes qui marquent les limites d’un ter­ri­toire ; les écoles, l’enseignement et l’ap­pren­tis­sage ; les por­traits, les mains, le contact tac­tile avec les choses, les outils ; les pieds qui marchent, le contact avec le sol ; les yeux qui regardent l’oeil de la camé­ra ; le blo­cage des yeux, les aveugles, le blo­cage des sens, les han­di­caps phy­siques, les corps qui se fatiguent dans un mou­ve­ment répé­ti­tif ; l’eau, le feu, la pierre, le métal, l’air et ses qua­li­tés lumi­neuses et tac­tiles ; le som­meil ; les écrans.

Il y a donc une mémoire des images enre­gis­trées dans le pas­sé qui fonc­tionne dans le pré­sent. Avec les années, les films s’ag­glu­tinent entre eux. Mais mal­gré cette acti­vi­té de mémoire, à chaque fois il faut retrou­ver la fraî­cheur du « fil­mer pour la pre­mière fois ». On doit être dis­po­nible au « direct », c’est-à-dire au carac­tère unique et fina­le­ment incon­trô­lable de chaque situa­tion, si on veut que le film puisse sur­vivre au cata­logue thé­ma­tique. Donc ce concept de « ciné­ma thé­ma­tique » est lui aus­si trop contrai­gnant. II est vrai qu’on dia­logue avec les mêmes aspects de la vie. C’est ain­si qu’on « recycle », en deve­nant à la longue un peu plus exi­geant sur la seconde prise : l’autre prise, l’autre mou­ve­ment, l’autre angle, à inven­ter. On consomme alors plus de pel­li­cule. En tour­nant avec l’Aä­ton, le rap­port entre la quan­ti­té de pel­li­cule consom­mée et le film fini a évo­lué pour moi, avec les années, de 1/7 Jus­qu’à 1/10, Avec On Ani­mal Loco­mo­tion, je lai réduit a 1/5, a cause de la Bolex : avec la contrainte des plans très courts, on gas­pille moins au fil­mage, et on aug­mente le temps de mon­tage, tout en conden­sant le ton filmique.

C’est donc la spé­ci­fi­ci­té des moyens qui déter­mine les che­mins qu’on va prendre, vers des buts par­tiel­le­ment incon­nus, et dans une arti­cu­la­tion pro­gres­sive du film. Le style n’est pas une carac­té­ris­tique homo­gène. c’est un ensemble d’er­rances, peut-être de tics, au tra­vers des­quels la per­sonne de l’au­teur se tient tout juste cohé­rente. Le der­nier moment d’u­ni­té avant l’ef­fon­dre­ment, le der­nier moment d’une « vision du monde », comme on disait autre­fois : on recom­mence sans cesse la recherche de ce der­nier moment.

Quoi qu’il en soit, je n’ai Jamais été de ceux qui tournent d’a­bord une masse de plans pour ensuite assem­bler le film sur une table de mon­tage. Ni non plus de ceux qui disent : « J’écris le film, je le monte, et je le monte en consé­quence. » Pour moi, ce n’est ni l’un ni l’autre. Le mon­tage com­mence par le vision­nage de toutes les matières, qui per­met déjà une éva­lua­tion des élé­ments tour­nés : « Ça, c’est bien, ça, c’est zéro », et une inter­pré­ta­tion : « Là , j’étais à côté, j’ai vou­lu faire telle chose, mais ça n’est pas ça », ou bien : « Là, quelque chose sur­git, beau­coup mieux ou plus impor­tant que ce qui était pré­vu. » — Ensuite on doit trou­ver, ou retrou­ver, les liai­sons, peu à peu : le pro­gramme caché qui est déjà ins­crit dans les images fil­mées. Dans un ciné­ma lar­ge­ment impro­vi­sé comme le mien, les choses se pro­gramment de façon semi-consciente. Il y a natu­rel­le­ment une pré­mé­di­ta­tion mini­male des élé­ments néces­si­tés au tour­nage et au mon­tage, et des déci­sions immé­diates, ins­tinc­tives, dans un constant retour sur soi : se rap­pe­ler ce qu’on a déjà fait, ce qui s’est pas­sé, et sur­tout qui on a été soi-même. Je veux dire, pas seule­ment une per­sonne, mais plu­sieurs, avec des rap­ports variables à l’in­té­rieur du moi, selon des condi­tions et des exi­gences dif­fé­rentes à chaque ins­tant du tour­nage pour connaître la nature de ce qu’on a fil­mé, il importe de savoir qui on a été, et dans ce tri­angle en mou­ve­ment, les pro­grammes et les sché­mas se des­sinent, se défi­nissent, ain­si que la direc­tion et le sens du voyage.

L’im­por­tant à mes yeux, dans deux films aus­si dif­fé­rents que Le Temps (1984, 45 mn) ou I Love $ (1986, 45 mn), c’est le voyage. Ce sont des films métho­di­que­ment oppo­sés. L’un repose sur l’artificialité : série de longs tra­vel­lings dans un monde clos, où les gens et les choses ont été mis en place. L’autre se pré­sente comme une tra­ver­sée « en direct », pleine de ren­contres et de confron­ta­tions impré­vues, de quatre villes dans le monde. Mais tous les deux vont vers un petit quelque chose en ver­tu duquel à la fin, ce devra être un peu dif­fé­rent du début. Arri­ver à ce que, comme cinéaste et comme spec­ta­teur, le regard, ou le sen­ti­ment, ait été chan­gé au cours du film, quelle que soit la lon­gueur du voyage.

I Love $ peut être vu comme la quête d’une image com­po­site et com­pacte du monde vu au tra­vers du prisme de l’argent. Une quête dont le côté abs­trait doit res­sor­tir. Mais cette abs­trac­tion va quand même tou­cher la vie phy­sique et men­tale des gens, et la quête de l’abs­trait devient la recherche d’une image qui est sou­dain vivante et impor­tante. Le Temps, c’est la même chose. À la fin de ces tra­vel­lings sur ces espa­cés clos, on doit voir avec une liber­té nou­velle ce qui se passe au-dehors. Les regards vers la camé­ra, ceux de l’actrice soli­taire, eu ceux du gosse qui joue avec ses parents et fixe des yeux cette camé­ra qui tourne autour de lui, je les vou­lais inno­cents de fic­tion, pour qu’ils brisent le cercle. Mon désir, mon pari, était de reve­nir ici à quelque chose de très immé­diat et de faire per­ce­voir un moment vrai.

I Love $ a quelque chose a voir avec une petite his­toire éro­tique de ma jeu­nesse. J’a­vais douze ans et j’é­tais amou­reux d’une fille de ma classe. Par le mon­tage, je vou­lais éta­blir une rela­tion entre elle et ce monde de l’argent où le corps n’existe pas, est éva­cué, éva­po­ré. Je vou­lais rap­pro­cher ce sou­ve­nir de ma jeu­nesse avec celui de deux petites fon­taines qui se trouvent à Amster­dam, près du monu­ment du géné­ral Van Heutz — une sorte de cas­seur colo­nial, un bour­reau des Indes, au début du siècle -, éta­blir, donc, une rela­tion entre un monde per­son­nel et une topo­gra­phie de ma jeu­nesse : « Deux petites fon­taines où un enfant pou­vait boire. »

Cette scène de ma jeu­nesse est émou­vante pour moi, elle voyage au tra­vers du film. Mais à chaque endroit où on la pla­çait, elle deve­nait d’une com­plai­sance insou­te­nable. Quand le cinéaste se met dans son propre film, il faut tou­jours se méfier. Il n’y avait plus aucune place pour cette scène, elle deman­dait presque un pro­lon­ge­ment du film. Il y a aus­si une scène où j’in­ter­pelle le direc­teur de la Banque de Hong Kong, et ou l’un sent que je ne suis pas du tout à la hau­teur pour résis­ter a la force et au pou­voir de ce gars-là. Il passe tout de suite à l’offensive, tan­dis que ma voix monte d’une octave, et j’ose à peine lui dire les choses dures et lui poser les ques­tions gênantes que j’a­vais en tête. C’est un moment clé du film. La séquence est sur-mon­tée : on y a mis trop de choses. L’i­mage de la viande qu’on veut jeter à la figure du type, en essayant de l’im­pres­sion­ner avec la camé­ra, par un fil­mage en contre-plon­gée : mais lui ne bronche pas, il reste incroya­ble­ment fort. J’étais tel­le­ment abat­tu que cela fai­sait mieux pas­ser, ensuite, et sans com­plai­sance, la scène de jeu­nesse, et l’i­dée de la fra­gi­li­té du per­son­nage du cinéaste, qui a acquis sa dimen­sion fic­tion­nelle en se frot­tant avec le réel. Sa dimen­sion « fric­tion­nelle », si l’on veut.

Le film est un voyage à l’in­té­rieur du voyage, dont beau­coup d’éléments voyagent à leur tour. Car le voyage, c’est aus­si la mémoire : le regard vers l’in­con­nu de l’a­vant, vers l’ar­rière du che­min déjà par­cou­ru. Ce qui m’intéresse au ciné­ma, ce n est pas seule­ment la mémoire comme élé­ment exté­rieur au film (comme dans Marien­bad : « Est-ce que je ne vous ai pas déjà vu quelque part ? »), dans un uni­vers fic­tion­nel indé­pen­dant de lui, mais aus­si la mémoire entre les plans du film et d’autres, sem­blables ou proches, par asso­cia­tion. Mes films ont une consis­tance qui tient de la rétros­pec­tion. Il y a l’expérience immé­diate de chaque image (il fau­drait dire de chaque image-son), l’ex­pé­rience de chaque tran­si­tion entre deux images, et la for­ma­tion de petites séries, de grou­pe­ments, d’a­mal­games. Donc ce n’est qu’à la fin qu’on peut voir l’en­semble, comme un objet issu tout à coup d’un sys­tème de rap­ports tem­po­rels, s’im­mo­bi­li­sant en objet conden­sé qui serait pour moi le moment de véri­té, le moment docu­men­taire pur, où cet objet com­po­site existe par sa durée, à vivre et a voir, de façon pour ain­si dire vision­naire. Le docu­ment sur le réel, c’est peut-être cela. Non pas la réa­li­té pri­maire de tous ces évé­ne­ments ou images, ni leur carac­tère fic­tion­na­li­sé, mais la maté­ria­li­sa­tion finale de cet objet com­po­site, dans notre tête.

Pele­chian pro­cède un peu de la même manière : acti­ver la mémoire pour ramas­ser le tout, à un moment don­né. Quand j’ai vu ses films, j’ai été très embal­lé, avec quelques réserves sur ses choix de musiques, dont on a d’ailleurs dis­cu­té, lors de ce sémi­naire à Ham­bourg dont j’ai déjà par­lé. J’avais lu que Pele­chian, c’é­tait le « mon­tage à dis­tance » : or c’est jus­te­ment ce que je fais, moi, depuis long­temps. Et lui, a for­tio­ri, puis­qu’on a vu ses films avec vingt ans de retard Les choses peuvent sur­gir de façon simul­ta­née, c’est bien connu. Mais je crois qu’il y a quelques dif­fé­rences entre lui et moi. Chez Pele­chian, il y a des tona­li­tés cos­miques, une recherche concer­nant des lois immuables du Cos­mos. II en donne un exemple que je trouve sai­sis­sant : il a posé deux boîtes d’al­lu­mettes, à une cer­taine dis­tance, et il pré­tend à cette sorte de pari, dans l’absolu, que s’il fait bou­ger l’une des deux boîtes, l’autre se met aus­si à bou­ger, comme si l’univers était diri­gé par une force imma­té­rielle, ou sub-maté­rielle. Le pari porte sur rien de moins que sur une loi qui régi­rait l’univers entier. C’est une pen­sée qui va de la matière vers la magie. Tan­dis qu’en ce qui me concerne, il s’a­git plu­tôt de petite magie : sans doute il y a de l’in­croyable, et le monde est plus magique qu’on ne le pense, plus riche en pos­si­bi­li­tés que la petite par­tie de lui qui nous est révélée.

Pele­chian pro­pose l’i­dée d’une mise en rap­port de gros blocs d’images (le plus beau film que j’ai vu a cet égard, c’est Notre siècle, où il est jus­te­ment ques­tion de l’es­pace et des cos­mo­nautes), avec des blocs entiers de sons. De grands ensembles d’i­mages com­bi­nés avec des ensembles sonores. Comme si le réel était consti­tué de blocs, sujets à ré-édi­tions. Ce qui est très fort, parce que cela induit l’i­dée d’un ques­tion­ne­ment de tout déjà-vu. Mais chez Pele­chian. il n’y a pas de rap­ports conflic­tuels entre ces blocs d’i­mages, tan­dis que chez moi il y en a beau­coup. Dans mes films, le mou­ve­ment doit échap­per à la rigueur des cadres pour rejoindre d’autres mou­ve­ments, par un sys­tème de lignes de fuite, et pour deve­nir, éven­tuel­le­ment un mou­ve­ment géné­ra­li­sé, mais non obli­gé. Tan­dis que chez Pele­chian il y a une pri­mau­té du mou­ve­ment : il prend tout, rien ne lui résiste. Nous n’a­vons pas non plus la même concep­tion du cadre : le mien cherche à impo­ser sa rigueur, ou son équi­libre, à tout ce qui ne bouge pas, mais ne se trouve pas non plus en repos. Il s’a­git donc d’un équi­libre éphé­mère, et d’une rigueur que la ner­vo­si­té menace. Alors que chez Pele­chian le cadre n’est per­çu qu’en tant qu’é­tat pos­sible du mou­ve­ment, lequel pos­sible se suf­fit a lui-même tant une force lyrique y est à l’œuvre.

Au fond, ma recherche concerne tous les rap­ports pos­sibles entre les images et les sons. Les images entre elles, les groupes d’i­mages, peuvent êtres affec­tés par la plus grande proxi­mi­té, ou par l’extrême de la dis­tance, ou même voya­ger de film en film, selon un mou­ve­ment cyclique. Chaque plan d’un film peut ren­con­trer chaque plan d’un autre film. En fait de hié­rar­chie, aucune ne pré­existe à celle qui s’é­ta­blit à la fois dans le pro­ces­sus de fabri­ca­tion d’un film, et dans l’acte de son dérou­le­ment devant le spec­ta­teur. Toutes les asso­nances, tous les rythmes sont pos­sibles, toutes les har­mo­nies, tous les conflits. Les conflits sont très impor­tants pour moi parce qu’il sont la preuve que l’expérience du réel n’est jamais défi­ni­tive. Je reste un cinéaste maté­ria­liste : le monde existe en dehors de nous, et notre rêve se heurte à lui. Le tra­vail du ciné­ma, c’est cette rela­tion entre les deux : work in pro­gress, tou­jours.

  1. Luce­bert (1924 – 1994) est l’un des plus grands poètes de la lit­té­ra­ture hol­lan­daise du XXe siècle. En 1948 il a rejoint le Groupe expé­ri­men­tal de Hol­lande, puis le mou­ve­ment inter­na­tio­nal Cobra. Le lan­gage de Luce­bert est vision­naire, bien qu’il repose entiè­re­ment sur l’aspect maté­riel des mots. Il crée l’image du voyant qui regarde un monde au bord de l’abîme et conti­nue à rire. À par­tir de 1960, Luce­bert s’est fait connaître comme peintre, avec une énorme pro­duc­tion pic­tu­rale. J’ai fait trois films sur lui : Luce­bert poète-peintre (1962), Un film pour Luce­bert (1966 – 67), et Si tu sais ou je suis, cherche-moi, entiè­re­ment tour­né dans son ate­lier, qui est res­té en l’état, après sa mort en plein tra­vail. Ce der­nier film, tour­né en mai 1994, je l’ai mon­té avec les deux pré­cé­dents pour en faire un trip­tyque, Luce­bert, temps et adieux, qui couvre donc une période de trente-deux ans, et que j’espère pré­sen­ter à Paris en mars 1995.