Des jeunes questionnent l’avenir qui les attend, ils cherchent des réponses auprès des usagers de la place du Conseil, un quartier populaire à Bruxelles ou durant la manifestation nationale pour les pensions.
Avenir précaire, un film collectif
20 minutes • couleur • 2018 • Réalisé dans le cadre d’un atelier vidéo de ZIN TV auprès de Solidarcité • Avec le soutien de la fédération Wallonie Bruxelles
Synopsis : Des jeunes questionnent l’avenir qui les attend, ils cherchent des réponses auprès des usagers de la place du Conseil, un quartier populaire à Bruxelles ou durant la manifestation nationale pour les pensions.
• atelier animé à la réalisation par Ronnie Ramirez & Maxime Kouvaras • pour Solidarcité : Pierre Guyaux • avec la participation de : Ilyas Lamlyah • Belinda Angri • Adrien De Araujo • Bérénice Falque • Yolanda Gomes-Bras • Axel Lahaut • Shiva Wolf • Sabri Blondiau • Renfort post-production : Alain Clément & Valentin Fayet • Production Anne-Sophie Guillaume • www.solidarcite.be • www.zintv.org
Un atelier vidéo, d’une place à l’Autre
Comme il est habituel dans les ateliers vidéo de ZIN TV, l’apprentissage de l’outil vidéo, a permis de réconcilier nos participants avec des métiers qui semblent parfois inatteignables et sont souvent mal perçus auprès de certains jeunes en rupture avec la société. En effet, la caméra professionnelle est associée à une corporation, à l’establishment et à une classe sociale, voire même à la police… Les médias n’échappent pas à cette amalgame auprès des habitants des quartiers populaires tellement la stigmatisation laisse des traces, des dégâts…
L’idée de départ était de faire un portrait de la place du Conseil, la place communale d’Anderlecht à Bruxelles. Cette place que nos participants ont l’habitude de fréquenter quotidiennement en tant qu’usager sera observée cette fois-ci avec une casquette de cinéaste. Les moindres détails observés sont notés au tableau, discutés et ce qui est “filmable” fait l’objet d’une liste de plans à filmer. Ainsi, des blocs de béton en guise de bancs dispersés sur le lieu, symbolisent aux yeux d’un participant une rupture avec l’ordre établi. L’eau de la fontaine semble exercer une attraction de bien-être qui fait l’unanimité. La vue depuis la maison communale sur la place est bien celle du pouvoir politique : 45° du haut vers le bas… Bizarrement, la population n’entre pas en considération, absente des observations, cela apparait presque comme un déni.
Une définition possible du cinéma documentaire pourrait être : un constant aller-retour entre le réel et nos idées, une remise en question permanente de nos hypothèses ou préjugés et la découverte d’une réalité que l’on ne soupçonne même pas. Le contact avec l’Autre, sa représentation… Un lieu où serait mis à l’épreuve notre humanité, notre écoute et notre regard. Bref, cette méthode donne des résultats concrets, la caméra est devenue un prétexte pour aller à la rencontre de l’Autre. Cette découverte fondamentale par les participants nous a permis de construire un dialogue avec des passants et d’en dégager des informations, des constats et des préoccupations… Dialogue qui s’est déroulé dans le respect et en totale empathie. A tel point que la question de la précarité s’est imposée comme le sujet du film, la “précarité” comme préoccupation commune.
Mais deux coïncidences nous ont fait quitter physiquement la place du Conseil. Le premier est qu’un autre tournage avait lieu à l’intérieur de la maison communale, qui servait de décor d’un téléfilm. Nous le savons, un tournage, c’est une invasion. Les camions de l’éclairage, de la régie et du décor se sont déployés sur la place. Les grues portent les lampes puissantes à des hauteurs vertigineuses et éclairent à travers les fenêtres des scènes avec des comédiens, des costumes et des techniciens … Nos participants, caméra en main, ont pu dialoguer avec ces techniciens amicalement, comme des collèges entre-eux. La caméra qu’ils portent et qu’ils utilisent leur en a donné la légitimité. Ils ont pu prendre conscience qu’un film c’est aussi une économie et que les salaires ne sont pas les mêmes pour tous et qu’il y a une division du travail et que ce microcosme reflète le monde capitaliste dans lequel on survit…
L’autre raison de quitter cette place est que le lendemain une manifestation nationale allait paralyser la capitale. Une manifestation contre la pension à 67 ans, contre la pension à points ou pension tombola qui fera travailler plus longtemps pour moins de pension et contre les reformes du ministre Bacquelaine, plus de 70.000 personnes se sont mobilisés.
Le lien est vite fait. Aller à la manifestation fait porter les préoccupations des personnes filmées de la place du Conseil pour aller plus loin, c’est-à-dire que les voix anonymes collectées dans un quartier populaire sont prolongées par des voix militantes et revendicatives, comme un relais politique de préoccupations sociales. Ce mouvement fait sens dans la tête des participants et dans la structure narrative du film. Le grand avantage d’une manifestation est que filmer n’est pas trop compliqué puisqu’un manifestant occupe l’espace public dans le but d’être vu. Négocier une autorisation ou un entretien n’est pas compliqué puisque par définition un militant a des choses à dire.
En général, lors du tournage, on ne discute plus beaucoup car c’est le moment où on est affirmatif, où on fait le film, place donc aux préoccupations techniques. Un cinéma parfait – techniquement et artistiquement abouti – est presque toujours un cinéma réactionnaire, le nôtre fonctionne sur base de tâtonnements, de balbutiements et d’hésitations. Cette fragilité est notre humanité. Cette imperfection est notre singularité. Nous sommes des novices, nous avons des petites caméras et n’avons pas le sous… Nous sommes beaux !!! Nous voilà décomplexés et émancipés. Notre communauté éphémère aura laissé ce film comme un témoignage poétique de nos préoccupations et d’une réalité… Il aura laissé un film comme une action collective.
Ronnie Ramirez & Maxime Kouvaras