Hugues Lepaige : l’hégémonie politique et idéologique de la droite domine les esprits.
« Le droit de grève est légitime mais… » : attention, cette pétition de principe que l’on a trouvée sous de nombreuses plumes lors de la grève générale de lundi s’accompagnait en général de la démolition systématique de sa mise en application. Bien entendu, une grève générale n’est jamais une partie de plaisir pas plus pour ceux qui la font que pour ceux qui la subissent. Mais on a rarement pu constater un tel consensus médiatique avant, pendant et après un mouvement syndical. « Inutile, anachronique, déplacée, archaïque, injustifiée ou absurde » : on avait le choix des qualificatifs négatifs. Des médias qui, à l’étape suivante, se demandaient avec une candeur touchante si les syndicats n’avaient pas perdu la bataille de l’opinion publique…
Le rouleau compresseur n’a sans doute jamais été aussi puissant. Les innombrables séquences consacrées aux inconvénients et aux désagréments provoquées par la grève ont parachevé le travail. Et on a vu des JT concurrents réalisé le même reportage, sur le même chantier avec le même contremaître en fureur contre les mêmes syndicalistes et les même travailleurs désemparés. Pendant que l’unique voyageur bloqué à l’aéroport de la Charleroi a failli devenir une star des médias. On a vu à cette occasion combien le discours de l’austérité est intégré dans les mentalités médiatico-politiques, jusqu’où la culpabilisation de ceux qui mettent en cause le désordre établi peut aller et à quel point l’hégémonie politique et idéologique de la droite domine les esprits. Ce qui constitue bien le cœur de la question pour ceux qui tentent de résister à l’emprise du capitalisme financier qui continue à faire payer le prix de ses frasques et de ses profits aux populations.
On peut certes s’interroger sur les stratégies syndicales à moyen et long terme et on y reviendra. Mais dans l’immédiat elle est claire : il s’agit d’exprimer — et sans doute de canaliser- la colère de ceux à qui on n’arrête pas de faire payer la crise au prix d’un recul social sans précédent. Et d’autre part, de faire pression afin d’éviter une austérité encore plus draconienne lors du prochain contrôle budgétaire. Les ministres socialistes et le premier d’entre eux ont cruellement besoin de cette pression-là pour éviter de devenir définitivement les otages de la droite libérale. Alors, vraiment inutile, cette grève ? Comme toujours la réponse dépend du lieu où on parle et de quels intérêts on se prévaut.