À Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la nouvelle du décès de Hugo Chávez est arrivée en même temps que ses derniers mots : Une Lettre à l’Afrique.
Combien à Ouagadougou rêvaient-ils d’être à Caracas, ce 8 mars 2013 ? La télévision française diffusait les images de l’arrivée des chefs d’Etats de toute l’Amérique Latine et du monde entier aux obsèques de Hugo Chávez, sans rien comprendre de la volonté exprimée en 1828 de Simón Bolívar de réunir les deux tiers de l’humanité. Quelques semaines plus tôt elle montrait des foules en liesse au passage de l’armée libératrice du petit père des peuples François Hollande, comme si les africains pouvaient attendre quoi que ce soit d’une France impunie pour ses violations des droits de l’homme avant-hier en Algérie, hier au Rwanda, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, en Libye, aujourd’hui au Mali. Un ouagalais eut un rire las : « La manière dont l’occident se comporte en gendarme international est très claire. Mais le jeune le plus informé de son temps ne doit plus regarder ces médias comme un singe regarderait une montre ».
Le 9 mars 2013, au lendemain des obsèques du président vénézuélien, des étudiants, artistes et sympathisants de la révolution bolivarienne se sont retrouvés au département de communication et de journalisme de l’Université de Ouagadougou pour y donner lecture de « La lettre à l’Afrique », le dernier document de politique internationale du Président Chavez (février 2013).
Souleyman travaille toute la journée comme tailleur dans son atelier et le soir comme barman dans une boîte de nuit. La veille il a consacré quatre heures à coudre un drapeau bolivarien : « j’ai confectionné le drapeau venézuelien parce que Chávez était un combattant qui voulait tisser le lien entre l’Union Africaine et l’Amérique du Sud. Je ne le connaissais pas mais après avoir lu sa lettre j’ai compris que c’était un homme intègre, comme Thomas Sankara. »
« Nous sommes bien conscients que notre statut de pauvreté est lié au jeu d’échec des puissances occidentales : toute idée révolutionnaire est directement ciblée comme source d’inspiration » confie un étudiant du département de philosophie. « Kadhafi a beau avoir été catalogué de dictateur et avoir fait l’objet de sobriquets, à l’annonce de sa mort, à l’université nous avons observé une semaine de deuil. Ces amphithéâtres, c’est lui qui nous les a construits ! »
Moussa, un machiniste de cinéma venu aider à l’organisation de la journée : « Quand nous avons appris le décès du président vénézuelien, ça nous a touché au coeur, parce qu’il s’agit d’un homme qui su combattre pour la liberté et contre l’incivisme en Afrique et en Amérique Latine. Il le dit dans sa lettre : nous sommes un même peuple et nous devons travailler à notre rapprochement. C’était un visionnaire. Lorsque l’OTAN a commencé à bombarder la Libye, il n’y a que trois pays en Afrique qui s’y sont opposés. Mais cela n’a pas suffi à empêcher la guerre, le « mal occidental ». Thomas Sankara l’a dit en son temps : nous n’avons besoin de personne pour émerger ! »
La ressemblance est claire entre Hugo Chávez et Thomas Sankara. Tous deux basèrent leurs politiques sociales sur la défense des plus démunis, rendant leurs droits à la femme, libérant les forces armées des écoles répressives, redonnant confiance aux peuples dans leur propre Histoire. Abdul, instituteur qui a repris des études de philosophie à l’université de Ouagadougou : « nous n’avons pas connu la révolution sur le long terme, mais nous savons à quoi ça ressemble, nous savons bien ce que Hugo Chávez a incarné comme idée. »
Les participants à cette journée ont tenu à immortaliser l’évènement sous la forme de la vidéo ci-dessous adressée aux peuples de l’Alba, pour mieux leur dire leur engagement et leur disposition à réaliser un des rêves de Chávez : « voir TeleSur s’articuler avec l’Afrique afin qu’il puisse accomplir depuis ces latitudes sa principale fonction : relier les peuples du monde entre eux et leur apporter la vérité et la réalité de nos pays. »