Le pouvoir se déplace à travers les gens

Par Sam Riba­koff / Nick Estes

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LARe­vie­wof­books


Tra­duit par ZIN TV

Sam Riba­koff est un écrivain/reporter et réa­li­sa­teur de docu­men­taires de Long Beach, en Californie.

EN LIEN :

Estes est pro­fes­seur d’é­tudes amé­ri­caines à l’U­ni­ver­si­té du Nou­veau-Mexique, et a gran­di à Cham­ber­lin, dans le Dako­ta du Sud, en tant que membre de la com­mu­nau­té des Sioux Brule. Son livre Our His­to­ry Is the Future fait le lien entre les mani­fes­ta­tions de Stan­ding Rock contre l’o­léo­duc Dako­ta Access et une plus longue his­toire de résis­tance indi­gène au colo­nia­lisme, ain­si que la vague de pro­tes­ta­tions mon­diales du Prin­temps arabe à la ques­tion Black Lives Matter.

Entre­tien avec Nick Estes : Les pro­tes­ta­tions contre le gazo­duc au Dako­ta sont des scènes simi­laires vues lors du sou­lè­ve­ment de Fer­gu­son en 2014, ou les pro­tes­ta­tions contre l’oc­cu­pa­tion de Wall Street en 2011, ou même les ter­ri­toires pales­ti­niens occu­pés, ou un peu plus abs­trai­te­ment, des scènes de n’im­porte quel mas­sacre amé­rin­dien dans l’his­toire des États-Unis.

SAM RIBAKOFF : Une grande par­tie de votre livre traite de la connexion des mou­ve­ments de résis­tance et des acti­vistes à tra­vers le temps et l’es­pace, et l’une des phrases du livre qui m’a vrai­ment frap­pé est une cita­tion de Phyl­lis Young, une ancienne membre du Mou­ve­ment des Indiens d’A­mé­rique, où elle décrit sa patrie comme une “zone de sacri­fice natio­nal” pour l’in­fra­struc­ture hydro­élec­trique qui apporte l’élec­tri­ci­té à Chi­ca­go et Min­nea­po­lis. J’ai fait beau­coup de recherches sur l’his­toire du mou­ve­ment pour la jus­tice envi­ron­ne­men­tale, et une figure impor­tante de ce mou­ve­ment est le socio­logue Robert Bul­lard, qui décrit les quar­tiers afro-amé­ri­cains du Sud, qui vivent de manière dis­pro­por­tion­née dans des com­mu­nau­tés avec des sites de déchets toxiques et des indus­tries toxiques, comme la “zone de sacri­fice natio­nal” du pays.

NICK ESTES : Le colo­nia­lisme est un cadre inté­res­sant parce qu’il ne s’a­git pas seule­ment de pen­ser à la terre comme quelque chose qui peut pro­duire de la valeur, mais à la terre et aux gens qui sont consi­dé­rés comme jetables. Dans le cas de ce dont Phyl­lis Young par­lait, notre terre était dési­rée dans le sens où elle ne pou­vait pas pro­duire de richesse, elle était dési­rée dans le sens où elle pou­vait être gas­pillée et détruite, en ce sens qu’elle pou­vait être inon­dée. Au milieu du XXe siècle, on sou­hai­tait que les terres indi­gènes soient gas­pillées. Une par­tie de cette idée est issue de la réflexion de Nixon sur l’Oc­ci­dent et l’ex­trac­tion de l’u­ra­nium. Si vous regar­dez le déve­lop­pe­ment de l’ar­me­ment ato­mique au Nou­veau Mexique, où je vis, c’est aus­si une zone de sacri­fice natio­nal. Le cycle com­plet du déve­lop­pe­ment nucléaire, l’ex­trac­tion de l’u­ra­nium, la pro­duc­tion d’u­ra­nium, les essais d’armes nucléaires et le sto­ckage de l’u­ra­nium appau­vri et des déchets nucléaires se déroulent ici.

Ce n’est pas le cas à San­ta Fe. Le sto­ckage et les essais de cet ura­nium se font dans des com­mu­nau­tés pauvres et racia­li­sées. Si nous pen­sons à la crise de l’eau à Flint, c’est l’ex­ter­na­li­sa­tion de l’im­pact envi­ron­ne­men­tal des déve­lop­pe­ments capi­ta­listes spé­ci­fi­que­ment sur les com­mu­nau­tés pauvres elles-mêmes. Sur le ter­rain à Stan­ding Rock, ces connexions se fai­saient. Si vous regar­dez la pro­duc­tion totale de pétrole et de gaz, c’est vrai­ment fas­ci­nant. Nous voyons tou­jours le pro­duit final cir­cu­ler dans un camion, mais si vous regar­dez toute la chaîne de pro­duc­tion, que ce soit les pla­te­formes de frac­tu­ra­tion ou les puits de pétrole, ils sont sou­vent au cœur des com­mu­nau­tés indi­gènes, qu’il s’a­gisse des sables bitu­mi­neux de l’A­tha­bas­ca au Cana­da ou de la région pétro­lière de Bak­ken dans la réserve de Fort Ber­thold. Ensuite, le pétrole s’in­filtre dans les terres des indi­gènes, met­tant en dan­ger leur eau.

Puis, vous des­cen­dez à Hous­ton et vous allez dans ces raf­fi­ne­ries de pétrole, et ce n’est lit­té­ra­le­ment que 10 miles de champs pétro­li­fères. Vous y allez et vous voyez que ces champs de pétrole entourent des com­mu­nau­tés lati­no et mexi­ca­no-amé­ri­caines pauvres, et l’air sent lit­té­ra­le­ment le chlore. C’est presque la même sen­sa­tion que celle que l’on a quand on se trouve dans une région où il y a des frac­tures. Ces raf­fi­ne­ries de pétrole ne sont pas pla­cées acci­den­tel­le­ment autour des com­mu­nau­tés mexi­ca­no-amé­ri­caines pauvres, c’est une orien­ta­tion voulue.

Rob Nixon a cette idée de “vio­lence lente”(Slow Vio­lence), ou com­ment le racisme envi­ron­ne­men­tal n’est pas seule­ment vécu dans un moment de vio­lence, mais il est en fait vécu sur des géné­ra­tions, et c’est une lente accu­mu­la­tion de vio­lence. Dans cette com­mu­nau­té de Hous­ton, c’est l’aug­men­ta­tion des taux de can­cer et de mala­dies res­pi­ra­toires. À Flint, c’est l’empoisonnement au plomb qui touche des géné­ra­tions. C’est un sujet que j’ai essayé d’a­bor­der dans mon livre, quand vous essayez de com­prendre ce que c’est que de vivre au bord d’une rivière qui est pol­luée, ou une rivière qui est morte. Vous ne pou­vez pas boire l’eau de cette rivière. Je pense que nous avons main­te­nant une autre géné­ra­tion qui vit avec la menace de la conta­mi­na­tion de son eau par le pétrole à cause d’un oléo­duc, et la menace immi­nente d’un autre oléo­duc, le Keys­tone XL Pipe­line, qui tra­verse les terres du cœur de la réserve des Grands Sioux.

Vous avez gran­di dans le Dako­ta du Sud, mais viviez-vous dans cette région lorsque les mani­fes­ta­tions de Stan­ding Rock ont commencé ?

Non, je vivais à Albu­querque, puis je suis allé à Stan­ding Rock quand les mani­fes­ta­tions ont com­men­cé. Ensuite, j’ai fait des allers-retours à Stan­ding Rock d’août à fin novembre [2016]. C’é­tait dif­fi­cile de s’en éloi­gner. Mais je n’ai jamais ces­sé d’y par­ti­ci­per. Je me suis juste enga­gé dans le mou­ve­ment de soli­da­ri­té pour Stan­ding Rock. Il y avait plu­sieurs mil­liers de per­sonnes dans les rues en soli­da­ri­té avec Stan­ding Rock à Chi­ca­go, et c’é­tait vrai­ment puis­sant à voir. Parce que Stan­ding Rock n’é­tait pas iso­lé dans un seul endroit géo­gra­phique. C’é­tait un mou­ve­ment qui s’est répan­du dans toute l’A­mé­rique du Nord.

Avez-vous été sur­pris de voir à quel point la soli­da­ri­té était grande pour les mani­fes­ta­tions de Stan­ding Rock en dehors des com­mu­nau­tés autochtones ?

Je n’en parle pas vrai­ment dans le livre, mais il y avait la cam­pagne Trump qui avait gal­va­ni­sé un grand mou­ve­ment de résis­tance aux États-Unis, et un peu comme une nou­velle dés­illu­sion. Mais une fois Trump élu, cela a pris beau­coup de gens par sur­prise, il n’y avait pas de mou­ve­ment de résis­tance de masse aux États-Unis à l’é­poque, sauf à Stan­ding Rock. Après cette élec­tion, le nombre de per­sonnes dans les camps a aug­men­té de façon astro­no­mique, parce que les gens cher­chaient un mou­ve­ment dont ils pour­raient faire par­tie. Quand je suis retour­né au camp après Thanks­gi­ving, le camp était tout sim­ple­ment mas­sif. Je veux dire qu’il a au moins dou­blé de taille, et il y avait beau­coup plus de per­sonnes non indi­gènes qu’a­vant. Cela vous dit vrai­ment quelque chose. Cela vous dit quelque chose que quel­qu’un comme Alexan­dria Oca­sio-Cor­tez est allée à Stan­ding Rock après les élec­tions et a été vrai­ment ins­pi­rée par le mou­ve­ment pour se pré­sen­ter au Congrès, elle le dit dans beau­coup de ses inter­views. Je vou­drais retra­cer les ori­gines de la résis­tance contre Trump jus­qu’à Stan­ding Rock lui-même. Je pense qu’elle a gal­va­ni­sé la conscience des non-indi­gènes, que les luttes indi­gènes sont lit­té­ra­le­ment le fer de lance pour la jus­tice envi­ron­ne­men­tale aux États-Unis. Je dirais que les ori­gines de sa poli­tique, “The Green New Deal”, sont éga­le­ment issues de ces expériences.

Dans le livre, vous insis­tez vrai­ment sur l’im­por­tance de cen­trer les femmes et les “per­sonnes à deux esprits” pour que la mani­fes­ta­tion de Stan­ding Rock conti­nue. Pou­vez-vous nous en parler ?

Lorsque j’ai décou­vert le mou­ve­ment amé­rin­dien, j’ai été pré­sen­tée par des grands-mères des plaines, comme Madon­na Thun­der Hawk et Phyl­lis Young. J’ai tou­jours com­pris que le mou­ve­ment amé­rin­dien était orga­ni­sé, créé et main­te­nu à flot par les femmes indiennes elles-mêmes. Quand vous lisez les inter­pré­ta­tions modernes de cette époque, c’est tou­jours à pro­pos des hommes. Vous avez cette idée très défor­mée de la socié­té indienne comme étant réel­le­ment domi­née par les hommes, un peu comme la socié­té occi­den­tale, mais si vous connais­sez l’his­toire, si vous connais­sez les tra­di­tions orales, et si vous connais­sez nos socié­tés et nos cultures, ce n’est tout sim­ple­ment pas la véri­té. Nous pou­vons voir que, depuis le com­merce des four­rures, les hommes indiens ont sou­vent été uti­li­sés comme agents de l’empire, pour saper la paren­té et l’au­to­ri­té tra­di­tion­nelle des femmes. Lorsque nous regar­dons la façon dont le com­merce de la four­rure s’est déve­lop­pé autour du bas­sin du Mis­sou­ri, il l’a fait en uti­li­sant les hommes comme inter­lo­cu­teurs, et il l’a fait en pre­nant les femmes pour uti­li­ser leurs réseaux de paren­té pour le com­merce. Le corps des femmes indiennes était lit­té­ra­le­ment uti­li­sé comme un moyen d’é­tendre les mar­chés capi­ta­listes dans le bas­sin du Mis­sou­ri et ailleurs. Pen­dant la mani­fes­ta­tion, vous avez assis­té à la renais­sance de la nation bi-spi­ri­tuelle, qui est en quelque sorte un terme géné­rique pour la com­mu­nau­té LGBT dans les nations indi­gènes, cen­trant leur lea­der­ship sur la vie du camp lui-même. Le fait qu’ils aient un siège au sein du conseil était vrai­ment his­to­rique. D’a­près ma propre expé­rience en tant qu’or­ga­ni­sa­teur, les femmes autoch­tones et les per­sonnes bi-spi­ri­tuelles sont à la tête de la plu­part des orga­ni­sa­tions mili­tantes dans les com­mu­nau­tés autoch­tones du pays, tout comme Idle No More ou le mou­ve­ment Black Lives Mat­ter. Encore une fois, cela ne veut pas dire que les socié­tés indi­gènes sont des uto­pies — nous avons effec­ti­ve­ment du sexisme et de l’ho­mo­pho­bie au sein de nos propres com­mu­nau­tés — mais c’é­tait un moment de réflexion, pour y faire face de manière démo­cra­tique et col­lec­tive en cen­trant ces voix et ces expé­riences. C’est éga­le­ment à ce moment que nous avons invi­té les non-autoch­tones dans notre espace pour défendre les droits fon­ciers et les droits issus de trai­tés et pour défendre les droits des autoch­tones. Ce sont des moments où je pense que nous pou­vons vrai­ment voir les limites de cer­tains types de mou­ve­ments réfor­mistes. Le pou­voir passe par les gens, il ne passe pas par la poli­tique, il ne passe pas seule­ment par l’é­lec­tion des gens au pou­voir. Ces idées et le type de poids théo­rique qui les sous-tend pro­viennent de la base.

Depuis l’é­lec­tion de Trump, et depuis le der­nier retrait violent des mani­fes­tants et du cam­pe­ment de Stan­ding Rock, que se passe-t-il à Stan­ding Rock ? Les pro­tes­ta­tions ont-elles ser­vi de renais­sance aux mou­ve­ments acti­vistes indigènes ?

Ce n’est pas parce que cette région ne fait pas la une des jour­naux que rien ne se passe. Il y a beau­coup de mobi­li­sa­tion autour du pipe­line Keys­tone XL, qui est le pipe­line jumeau de Dako­ta Access. Il a été bat­tu sous Oba­ma, puis, tel un zom­bie, il est sor­ti de sa tombe, et main­te­nant il menace à nou­veau nos com­mu­nau­tés. Il va cou­per en plein cœur de la réserve des Grands Sioux. Ils ont déjà construit des villes au milieu de nulle part dans l’es­poir que des tra­vailleurs du pipe­line y vivent, et une fois que ces tra­vailleurs seront par­tis, ils met­tront en place des ins­tal­la­tions pour les mili­tants qui seront arrê­tés. Tout cela se passe en ce moment dans le Dako­ta du Sud.

Une cam­pagne de dés­in­ves­tis­se­ment est en cours contre Trans­Ca­na­da pour inci­ter ses inves­tis­seurs à ne pas se dés­in­ves­tir uni­que­ment des com­bus­tibles fos­siles et de Trans­Ca­na­da elle-même, mais à réin­ves­tir dans l’éner­gie durable dans les com­mu­nau­tés. En atten­dant, nous nous pré­pa­rons à ce qui sera inévi­ta­ble­ment une nou­velle impasse avec les gou­ver­ne­ments des États du Dako­ta du Sud et du Mon­ta­na. La construc­tion est cen­sée com­men­cer en juin de cette année. La par­tie cana­dienne du gazo­duc est déjà construite, ils attendent juste la par­tie amé­ri­caine. Stan­ding Rock n’a pas été une défaite ; je pense que c’é­tait une leçon. Il s’a­git d’ar­rê­ter la construc­tion de ces pipe­lines, mais c’est aus­si une lutte à long terme. Ce n’est pas parce qu’O­ba­ma a refu­sé le per­mis de Keys­tone XL que cela va dis­pa­raître. Cela ne va pas dis­pa­raître par la simple défaite d’un oléo­duc. C’est un sys­tème, ce n’est pas seule­ment un com­bat à un seul enjeu.

Ce qui se passe chez nous, c’est ce genre de vision à long terme, qui ne consiste pas seule­ment à arrê­ter les pipe­lines, mais aus­si à récu­pé­rer et à res­tau­rer les bas­sins ver­sants et les terres indi­gènes, et ce à quoi cela res­sem­ble­ra pour les non indi­gènes aus­si. Il y a donc des conver­sa­tions avec des pro­prié­taires ter­riens blancs, et des tra­vailleurs, qui ont un inté­rêt direct dans la déco­lo­ni­sa­tion. Il est impor­tant d’a­voir ces visions plus larges du chan­ge­ment social. Ces conver­sa­tions ont lieu, mais les médias pré­fèrent par­ler de l’hé­ri­tage d’E­li­za­beth War­ren, ou, bien sûr, de Trump. Trump aspire vrai­ment l’air de la pièce. Le récit de Trump crée cette dicho­to­mie “êtes-vous pour ou contre Trump”, mais laisse de côté le fait que ses poli­tiques sont en réa­li­té une conti­nua­tion des poli­tiques de l’ère Oba­ma, et des poli­tiques autour des terres publiques, qui sont des terres indi­gènes volées.

La der­nière phrase du livre est la sui­vante : “Nous sommes mis au défi non seule­ment d’i­ma­gi­ner, mais aus­si de deman­der l’é­man­ci­pa­tion de la terre du capi­tal. Pour que la terre vive, le capi­ta­lisme doit mou­rir”. À qui vous adressez-vous ?

J’ai écrit ce livre pour mon propre compte, à 16 ans. J’a­vais besoin d’un livre comme celui-ci quand j’ai gran­di à Cham­ber­lin, comme si je ne savais pas que les autoch­tones écri­vaient. Je ne savais pas que les autoch­tones écri­vaient sur leurs expé­riences. Je ne savais pas que les autoch­tones étaient des gau­chistes, ou qu’ils pou­vaient être des mili­tants. J’ai été poli­ti­sé par le mou­ve­ment anti-guerre lorsque les États-Unis ont enva­hi l’I­rak en 2003. J’ai par­ti­ci­pé à ma pre­mière mani­fes­ta­tion à Oma­ha. J’ai été poli­ti­sé à ce moment-là et je n’a­vais aucun moyen de réflé­chir aux choses que je vivais. J’ai vu des gaz lacry­mo­gènes et des bombes au poivre pen­dant cette mani­fes­ta­tion, qui s’est ter­mi­née par des coups de police sur la tête, et je n’a­vais aucun moyen de vrai­ment com­prendre ce que je voyais ou ce que je ressentais.

J’ai lu Noam Chom­sky et Nao­mi Klein parce que c’est ce que lisaient mes amis d’autres endroits. Je me suis tou­jours deman­dé pour­quoi il n’y avait pas un auteur indien que je pou­vais lire. Plus tard, bien sûr, j’ai décou­vert qu’il y avait des auteurs indi­gènes, comme Eli­za­beth Cook-Lynn et Vine Delo­ria, qui sont deux de mes ins­pi­ra­tions. Je l’ai écrit pour moi-même parce que je ne savais pas à quel point l’im­pé­ria­lisme était char­gé his­to­ri­que­ment, et je ne savais pas qu’il tou­chait mon peuple en pre­mier lieu, et com­ment ce sys­tème était expor­té dans le reste du monde. Plus tard, j’ai trou­vé des gens comme Eli­za­beth Cook-Lynn qui reliaient la guerre en Irak aux guerres indiennes du XIXe siècle, en par­ti­cu­lier contre les Lako­tas et les Dako­tas. Cela ne veut pas dire que ce livre est réser­vé aux Lako­ta comme moi ; il est écrit pour le grand public, et il est écrit pour mes pairs. J’es­père que les gens le com­pren­dront, qu’ils ne sau­ront rien de nous, qu’ils appren­dront de nos luttes et qu’ils feront le lien avec l’his­toire plus large de l’im­pé­ria­lisme mon­dial, et de l’im­pé­ria­lisme amé­ri­cain en particulier.

C’est spé­cia­le­ment pour une jeune géné­ra­tion qui com­mence à se poli­ti­ser et qui essaie de com­prendre ce monde. Il faut espé­rer que ces his­toires auront un sens pour eux et qu’elles auront une réso­nance dans les luttes mon­diales, qu’il s’a­gisse du Mou­ve­ment Sans Terre au Bré­sil ou des réfu­giés pales­ti­niens, il faut espé­rer que ces his­toires auront une réso­nance inter­na­tio­nale. Et la der­nière phrase du livre est en fait hece­tu welo, c’est-à-dire Lako­ta pour “C’est dit”, ou “Ma véri­té”, ou “C’est ça”. C’est à prendre ou à laisser”.