Misogynie, la discrimination première

Par Jack Holland

/

Irré­den­tiste !


Tra­duc­tion : Fran­cine Sporenda

EN LIEN :

Com­ment expli­quer l’op­pres­sion et la bru­ta­li­sa­tion de la moi­tié de la popu­la­tion mon­diale par l’autre moi­tié, tout au long de l’histoire ?

Au cours de l’histoire humaine, la miso­gy­nie a été ce que l’historien de l’holocauste Daniel Gold­ha­gen a nom­mé (en réfé­rence à l’antisémitisme) le « sens com­mun » de l’humanité. C’était un pré­ju­gé trop évident pour qu’on le remarque.

Dans dif­fé­rentes civi­li­sa­tions, à dif­fé­rentes époques, l’observation his­to­rique montre qu’il était consi­dé­ré comme par­fai­te­ment nor­mal pour les hommes de condam­ner les femmes, ou d’exprimer leur dégoût expli­cite envers elles sim­ple­ment parce qu’elles étaient des femmes Toutes les grandes reli­gions du monde et les phi­lo­sophes les plus renom­més ont vu les femmes avec mépris et une méfiance par­fois proche d’un délire paranoïaque.

Durant l’âge clas­sique, quand les femmes athé­niennes étaient contraintes à res­ter enfer­mées chez elles pen­dant la plus grande par­tie de leur vie, ou vers la fin du Moyen-âge, quand les femmes étaient brû­lées vives comme sor­cières, ces per­sé­cu­tions n’étaient pas vues comme la consé­quence d’un pré­ju­gé miso­gyne, bien que ces deux socié­tés aient eu une longue tra­di­tion de déni­gre­ment et de dia­bo­li­sa­tion des femmes. Un pré­ju­gé peut exis­ter pen­dant long­temps avant qu’il ait un nom.

Aujourd’hui, dans de nom­breuses par­ties du monde, des pra­tiques telles que le voile, la réclu­sion et l’excision sont tou­jours accep­tées comme le sens com­mun de la société.

Selon le Hum­phrey Ins­ti­tute of Public Affairs, les femmes détiennent moins de 1% des pro­prié­tés dans le monde, l’UNICEF rap­porte que, sur les 120 mil­lions d’enfants dans le monde qui ne sont pas sco­la­ri­sés, la vaste majo­ri­té sont des filles. En Inde, pra­ti­que­ment tous les foe­tus avor­tés sont de sexe féminin.

Ce que l’histoire nous enseigne sur la miso­gy­nie, c’est qu’elle est omni­pré­sente, per­sis­tante, per­ni­cieuse et mul­ti­forme. Bien avant que les hommes aient inven­té la roue, ils ont inven­té la miso­gy­nie, et aujourd’hui, alors que des engins inven­tés par l’être humain roulent sur la pla­nète Mars, cette inven­tion immé­mo­riale détruit encore des vies.

Aucun autre pré­ju­gé n’a été aus­si durable, aucune « race » n’a souf­fert de trai­te­ments aus­si pré­ju­di­ciables pen­dant une période aus­si longue, aucun groupe d’individus n’a subi autant de dis­cri­mi­na­tions à une échelle aus­si globale.

Aucun autre pré­ju­gé ne s’est mani­fes­té sous des formes aus­si dif­fé­rentes, appa­rais­sant par­fois avec la sanc­tion de la socié­té sous la forme de dis­cri­mi­na­tions sociales et poli­tiques, et par­fois se mani­fes­tant dans le cer­veau tour­men­té de psy­cho­pathes. Et très peu ont été aus­si destructeurs.

Dans le cas de la miso­gy­nie, si nous avons été si long­temps inca­pables de la voir, c’est parce qu’elle était par­tout sous nos yeux.

Pour illus­trer cette affir­ma­tion, l’auteur évoque le cas d’un serial killer (de femmes bien sûr, les serial killers ne tuent habi­tuel­le­ment que des femmes, et ce sont presque tou­jours des hommes). Cet homme, Gary Rid­ge­way, a tué 48 femmes en 20 ans, sur­tout des femmes prostituées.

S’il avait tué des Juifs ou des Afro-Amé­ri­cains, ses meurtres auraient été iden­ti­fiés comme racistes, « on aurait dis­cu­té l’état des rela­tions inter-raciales aux Etats-Unis. Mais les actions de tueurs de masse comme Rid­ge­way ou Jack l’éventreur sont habi­tuel­le­ment vues comme rele­vant de la psychiatrie.

Leur besoin de tuer des femmes est vu comme une aber­ra­tion indi­vi­duelle – alors qu’il est sim­ple­ment l’intensification d’un pré­ju­gé commun.